Le décodage des conséquences du choc à venir

Au-delà de ce cycle de soixante années, j’ai dû faire appel à un cycle un peu plus long – qui m’a fait remonter jusqu’à la première guerre mondiale, et même un peu plus loin, jusqu’à la révolution de 1789. Ces références m’ont semblé être utiles dans la mesure où, c’est bien connu, l’histoire bégaie. Les erreurs d’hier éclairent les erreurs contemporaines.
Je ne voulais pas m’arrêter à la dénonciation d’erreurs de gouvernement, je voulais contribuer à développer un certain nombre de pistes qui nous permettraient, en tant que civilisation et en tant qu’économie, de repartir de l’avant. Un guide de décodage des conséquences du choc à venir. Rapidement, il m’est apparu que les solutions théoriques étaient nombreuses, et marquées au coin du bon sens. En revanche, j’ai compris qu’en l’état actuel de notre environnement, ces pistes d’amélioration n’étaient pas praticables. Le principe de précaution et la force d’inertie rendent illusoire tout espoir de changement rapide dans le comportement des membres d’une société, surtout si ces changements ont à lutter contre un sentiment de facilité vers lequel tend naturellement tout être humain- qu’il s’agisse de nourriture terrestre ou de philosophie.

Un choc violent qui balaie les mauvaises habitudes

Observant un passé proche ou plus éloigné, il est aisé de constater que le manque d’action dont souffre aujourd’hui la France, que le pessimisme de ses citoyens, ne sont pas choses nouvelles. Il est aussi évident que ce spleen a toujours été chassé par un choc. Un choc violent, qui permette de repartir d’une année zéro et qui, lorsqu’il est guidé par un homme providentiel, permet d’aller à nouveau de l’avant. Un choc violent d’une nature telle qu’il balaie les mauvaises habitudes, souvent ressenties comme des avantages acquis, et qu’il élimine – pas nécessairement physiquement – des castes de parleurs et de gouverneurs dont les compétences se sont usées à l’exercice du pouvoir. La nature de ce choc violent a souvent été une guerre, ou une révolution. Plus récemment, cela a pu être un choc positif, une tournure d’esprit qui sache remettre en cause les processus entrés en routine.
Les dégâts que peut causer un tel choc sont difficiles à appeler de ses vœux. Il ne semble pourtant pas qu’il y ait d’autre moyen pour imposer les réformes requises.  Etrangement, ces dernières semaines, il a semblé que l’idée du choc faisait son chemin dans d’autres esprits que le mien. Thomas Piketty l’évoque, dans un article pour Libération, le 5 janvier. Le lendemain 6 janvier Houellebecq évoque la même idée en présentant son nouveau livre – qui est une nouvelle provocation, une caricature de ce qui pourrait arriver, au pire…Et le mercredi 7, se produit le massacre de Charlie Hebdo. Je ne souhaite pas m’attarder sur le fond du débat – peut-on ou non rire de tout ? – ce n’est pas mon propos. Mon centre d’intérêt se porte tout entier sur la nature de la réaction à ce choc.
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La communauté nationale ressoudée, et maintenant ?

L’immense majorité des réactions sont pacifiques et positives, d’où qu’elles viennent. J’aurais même tendance à dire : les politiques deviennent intelligents. Le tout est suffisamment rare pour être mentionné. Le pendule a été lancé, un gigantesque pendule de Foucault ; son inertie est grande ; lorsque la direction d’oscillement est prise, rien ne peut l’en distraire – sauf la rotation de la terre. Le pendule peut tout balayer sur son passage, sans diverger ni être freiné. Quelques jours plus tard, paraît Charlie Hebdo, portant en couverture une caricature de Mahomet plutôt sympathique, avec le titre « tout est pardonné ». Le mouvement du pendule est arrivé à son apogée, et repart en arrière, comme hésitant d’abord, puis prenant progressivement de la vitesse.
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Je ne vois pas l’homme providentiel, pas encore

Peu de réactions à cette couverture, d’emblée. Puis quelques récriminations, en Egypte ; puis le mouvement s’amplifie : on ne lit pas, on ne comprend pas, on ne veut pas comprendre le message de paix qui surmonte la caricature. Seul compte le principe d’avoir commis une caricature. A nouveau des morts, des incendies.  Le mouvement du pendule fauche tout sur son passage. Il ne me semble pas que nos politiques s’en préoccupent : cela se passe loin de chez nous. A quoi va correspondre la prochaine apogée du pendule ? Un nouvel attentat en Europe ? Des évènements bien plus graves, autour d’Israël peut-être ? Ou le mouvement va-t-il s’apaiser lentement, nous ramenant à notre pessimisme, notre chômage, nos entreprises qui s’arrêtent – sans avoir contribué à donner un coup de pied dans la fourmilière, suffisant pour réaliser les réformes qui s’imposent ?
Je ne vois pas l’homme providentiel, pas encore ; il est là, pourtant, parmi nous. Les circonstances ne lui ont pas encore permis de montrer son génie.