Le cadre est « périmé » à 40/45 ans

Le sociologue Pierre Bourdieu affirmait que l’âge est une « donnée biologique socialement manipulée et manipulable ». La pertinence de ce constat d’hier est évidente dès lors que l’on se penche sur l’épineux sujet de la « durée de vie » d’un cadre au sein de l’entreprise d’aujourd’hui. Et elle se fait d’autant plus criante au moment où le gouvernement durcit sensiblement le régime des retraites. D’un côté, à l’exclusion des hautes sphères dirigeantes de l’économie traditionnelle, vous êtes « périmé » à 45 ans, voire à 40, l’inexpérience des plus jeunes et l’obsolescence des plus âgés diminuant l’« âge d’employabilité idéal » à 25-45 ans. Le temps moyen d’inscription à Pôle emploi double chez les + de 50 ans par rapport aux autres. Le recul permanent de l’âge de la retraite grignoté à coups de réformes successives, au motif qu’il n’y aura bientôt plus assez d’actifs pour faire vivre les seniors – vous amène inexorablement vers un horizon à 67, voire 70 ans comme âge théorique de la retraite dans les décennies à venir, ce qui risquent de voir la « silver economy » devenir un mirage.

La retraite n’est pas la fin de la vie active 

Ceci nous amène à un autre paradoxe du marché de l’emploi des cadres en France. Certains sont invités à prendre une retraite anticipée quand les entreprises dégraissent leurs effectifs, à l’occasion par exemple d’une fusion ou d’un recentrage sur une activité, tandis que des cadres retraités reprennent, rémunérés ou non, du service afin d’apporter une expérience, au passage beaucoup moins valorisée en France qu’aux Etats-Unis par exemple. Les frontières sont donc extrêmement mouvantes quant au concept de vieux cadre, suivant que l’on a besoin ou non de ses services et, dans le premier cas, la prise de la retraite ne correspond plus nécessairement à la fin de la vie active. Beaucoup ainsi s’investissent dans la vie des entreprises, ou se mettent à leur compte, poussés par une baisse substantielle de leurs revenus ou par le vertige du vide, certains puisant une part majeure de leur identité dans leur activité professionnelle.

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Dirigeants trentenaires et cadres immortels sans travail

Par ailleurs, les progrès croissants de la médecine sont aujourd’hui à même de prolonger la vie, à tel point qu’un journal comme L’Obs met en une cette question « Demain, tous immortels ? » Sans pousser jusqu’à cette utopie, l’idée de nombreux centenaires retraités et valides ne semble plus aujourd’hui délirante. Parallèlement, le développement exponentiel des services fournis sur l’Internet et de la robotique dans tous les domaines de l’économie condamne à terme de nombreux d’emplois. Il n’est pas rare aujourd’hui que l’âge de cadres dirigeants nés dans le chaudron informatique tourne autour de la trentaine, parfois moins. Pour suivre le mouvement, on devrait donc abaisser l’âge de la retraite afin que tout le monde ait du travail et, mathématiquement, le temps passé en retraite devrait s’allonger en regard de celui de la vie active… à ceci près que l’âge de la retraite ne cesse de reculer en France et ailleurs dans le monde.

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Sauter la barrière de l’âge et rester rentable pour vous

La France a mis ses seniors sur la touche grâce à deux bonbons empoisonnés, les préretraites et la dispense de recherche d’emploi qui ont heureusement été supprimés. Pourtant la tranche des 55-64 ans compte 45,9 % d’actifs en France, contre plus de 50 % dans l’Union européenne. Les entreprises recrutent un peu plus de séniors qu’avant, mais les freins à l’embauche restent forts probablement parce qu’ils ne sont plus rentables. Le sénior a des atouts reconnus, une expérience significative et une motivation, mais il est trop cher et soupçonné d’absentéisme aggravé, et souvent un manager jeune hésite à recruter un sénior. De plus la conjoncture favorise la promotion interne. Les plans Sénior doivent a priori anticiper l’évolution des carrières, favoriser la transmission des savoirs et compétences, et le tutorat. Ce dernier valorise séniors et jeunes, et pérennise les bonnes pratiques. La possibilité de cumuler emploi et retraite sans conditions de ressources, voire de retravailler pour son ancien employeur, permet de travailler sous des contrats flexibles – CDD, temps partiel, consultant en profession libérale…Et si vous avez un minimum de talent relationnel et une sensibilité commerciale, supprimez tout intermédiaire et mettez vous à votre compte sous le statut qui vous convient le mieux, outre l’équilibre et l’épanouissement social que vous gagnez, si votre activité libérée et libérale est rémunérée vous atteindrez une rentabilité personnelle.

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