Seulement 15% des licenciements a priori facilités

Les principaux opposants au projet de loi el-Khomri estiment que les entreprises pourraient désormais plus facilement licencier… et se débarrasser ainsi de n’importe qui à n’importe quel moment. Un raccourci incorrect car on omet de préciser que d’une part, le projet de loi concerne uniquement les licenciements économiques, soit environ 15% des 672 100 licenciements notifiés chaque année en France*. D’autre part, il ne fait que préciser les motifs pouvant être invoqués par les entreprises pour justifier un licenciement économique, à savoir baisse des commandes ou du chiffre d’affaires pendant quatre trimestres de suite, dégradation de la trésorerie, mutations technologiques, maintien de la compétitivité, etc.  On est donc bien loin de la proposition du Président du Medef Pierre Gattaz qui suggérait il y a quelques temps de pouvoir licencier sans motif. Rappelons par ailleurs qu’un juge peut contrôler la légitimité du licenciement et la régularité de la procédure.

Un niveau d’indemnités qui correspond à ce qui se fait déjà

Beaucoup s’offusquent du plafonnement des indemnités supra-légales en cas de licenciement abusif ou sans cause réelle et sérieuse ainsi que du barème institué. Le texte de loi ne changera pourtant pas grand-chose car le barème a été réalisé en tenant compte de la réalité des décisions prud’homales. Ainsi, les plafonds correspondent en moyenne à ce qui se fait déjà. Par ailleurs, on rappellera que ce barème ne s’appliquerait pas en cas de faute d’une particulière gravité de l’employeur, caractérisée notamment par des faits de harcèlement ou sexuel, la violation de l’exercice du droit de grève, la violation de la protection dont bénéficient certains salariés (maternité, accidenté du travail, etc.) contre le licenciement.

Les 35 heures sont préservées

A entendre les contestataires, il y a de quoi avoir peur : non seulement les entreprises pourraient faire travailler leurs salariés jusqu’à 60 heures mais en plus, les heures supplémentaires ne seraient pas indemnisées. Là encore, il faut raison garder et lire attentivement le texte. La durée légale de travail hebdomadaire reste à 35 heures et la durée maximale reste fixée à 48 h (plafond européen). Pour la porter à 60 heures, il faudra justifier de « circonstances exceptionnelles » et demander une autorisation de l’Inspection du Travail. Et cela n’a rien de nouveau ! Quant aux heures supplémentaires, elles seront bien payées même si le taux de majoration risque bien de baisser car il ne dépendra plus d’un accord de branche mais d’un accord d’entreprise. Mais les heures sup’ continueront d’être payées au moins 10% de plus que les heures classiques.

La direction ne pourra pas organiser de référendum

Afin d’éviter des blocages entre syndicats et patronat, une consultation des salariés par référendum sera désormais permise dans le but de valider les accords et passer outre l’opposition de certains syndicats. Cette proposition découle de l’affaire du constructeur automobile Smart, qui, pour forcer la main aux syndicats avait organisé un référendum auprès des salariés pour connaître leur position sur l’augmentation du temps de travail de 35 à 39 h. Si plus de la moitié avait approuvé le plan de l’entreprise, cela n’avait aucune valeur légale et Smart a dû finalement proposer des avenants individuels au contrat de travail pour chaque salarié. Avec la loi el-Khomri, la direction ne sera pas davantage autorisée à contourner les syndicats pour consulter directement ses salariés par référendum. Car Il faudra que le référendum soit proposé par des syndicats représentant au moins 30% des salariés. La loi est donc bien loin de sonner le glas du dialogue social en entreprise.

*Chiffre de 2013