L’arrêt en date du 22 novembre dernier intervient dans une affaire où une salariée portant le foulard islamique, ce dont l’employeur avait connaissance depuis avant son embauche, devait intervenir au sein des entreprises clientes.  Au terme de l’une de ses interventions, un client a fait part à l’employeur de la gêne de ses propres collaborateurs face au port du foulard islamique de l’intéressée et lui a indiqué « pas de voile la prochaine fois ». Il lui a été demandé de retirer son foulard islamique lorsqu’elle se trouvait en contact avec la clientèle de l’entreprise. Face à son refus, elle fût licenciée pour faute. Dans le cadre du litige portant sur la validité de ce licenciement, la Cour de cassation a saisi la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) d’une question préjudicielle en même temps qu’une juridiction belge traitant de la même problématique.

Notion de discrimination directe et exigence professionnelle essentielle et déterminante

Dans l’affaire française, était en jeu la notion de discrimination directe. Pour rappel, cette dernière ne peut être justifiée, selon l’article 4 §1 de la directive 2000/78/CE que lorsque la dérogation au principe de non-discrimination est une condition essentielle et déterminante résultant d’une activité professionnelle et des conditions de son exercice. Faisant application de cette définition, la Cour de Justice de l’Union Européenne a considéré, dans son arrêt du 14 mars 2017, que la volonté de répondre aux souhaits d’un client en interdisant à une salariée le port du foulard islamique ne pouvait pas être considéré comme une exigence professionnelle essentielle et déterminante (aff. C-188/15).
Dans l’affaire belge, la Cour de Justice de l’Union Européenne était, cette fois-ci, interrogée sur une question relative à une discrimination indirecte. Cette dernière, tel que le prévoit l’article 2 §2 de la directive susvisée, ne peut être justifiée que par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination, et proportionnés au but recherché.

L’interdiction du port du voile islamique découlant d’une règle interne

La Cour de Justice de l’Union Européenne a considéré que l’interdiction du port du voile islamique découlant d’une règle interne dans l’entreprise de portée générale puisque cette interdiction s’étendait à tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail, ne constituait pas une discrimination indirecte (aff. C-157-15).  La Cour de Justice de l’Union Européenne imposait également une recherche de reclassement à l’employeur en proposant, si possible et sans que cela ne devienne une charge supplémentaire pour lui, un poste de travail n’impliquant pas de contact visuel avec les clients avant d’arriver à une mesure de licenciement. La Cour de cassation reprend les principes édictés dans ces arrêts pour les appliquer, en droit français, à la situation d’espèce précédemment énoncée.

Règlement intérieur et reclassement du salarié

Il en ressort les principes suivants :
– Seul le règlement intérieur ou une note de service soumise aux mêmes dispositions que le règlement intérieur peuvent prévoir une clause de neutralité interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail, dès lors que cette clause générale et indifférenciée n’est appliquée qu’aux salariés se trouvant en contact avec la clientèle. En l’espèce, ce n’était pas le cas puisque l’interdiction résultait d’un ordre oral et portait sur un seul signe à l’égard d’une personne en particulier.Sur ce point, la Cour de cassation s’inspire grandement de l’article L.1321-2-1 du Code du travail, issu de la loi « Travail » non applicable en l’espèce, qui prévoit la possibilité de prévoir au sein du règlement intérieur des mesures inscrivant le principe de neutralité et restreignant la manifestation de leurs convictions par les salariés.
– Il appartient à l’employeur de rechercher, en tenant compte des contraintes inhérentes à l’entreprise et sans que cela ne constitue une charge supplémentaire, s’il est possible de proposer à la salariée un autre poste de travail n’impliquant pas un contact visuel avec les clients.
Sur ce dernier point, si le principe est posé par la Cour de cassation, elle devra préciser les modalités de cette recherche de reclassement ainsi que ses limites.