Un employeur peut-il doter ses salariés d’outils technologiques de travail à distance pour compenser l’absence de mise à disposition d’un local professionnel et ainsi s’exonérer du paiement d’une indemnité d’occupation de leur domicile ? Non, selon la Cour de Cassation. En effet, dans un arrêt du 8 novembre 2017, la Cour réaffirme sa jurisprudence de 2012 en rappelant qu’un salarié peut prétendre à une indemnité pour l’occupation de son domicile à des fins professionnelles dès lors qu’aucun local professionnel n’a été mis à sa disposition par son employeur. Ce principe vaut quand bien même l’employeur aurait fourni à ses salariés différents outils technologiques leur permettant de travailler en tout lieu.

L’indemnisation de l’occupation professionnelle du domicile est due même au salarié dit « itinérant »

Dans l’affaire en question, un employeur avait refusé d’indemniser ses visiteurs médicaux et délégués pharmaceutiques en compensation de l’occupation professionnelle de leur domicile. Pour justifier son refus, il indiquait ne pas les avoir contraints à travailler depuis leur domicile. Au contraire, il rappelait leur avoir fourni tous les outils technologiques leur permettant de travailler à distance et en tout lieu (téléphone et ordinateur portables, clé 3G, tablette) et considérait qu’ils pouvaient stocker leur matériel professionnel dans leur voiture de fonction.
Ainsi, l’employeur soutenait que l’utilisation professionnelle de leur domicile résultait d’un choix personnel et non d’une obligation imposée par l’entreprise. Cette argumentation n’a toutefois pas convaincu la Cour de Cassation dans la mesure où aucun local professionnel n’avait été mis à la disposition des salariés pour l’exécution de leurs tâches administratives courantes et le stockage de leur matériel professionnel.
Il ne suffit pas que les salariés aient la possibilité technique de travailler en dehors de leur domicile mais encore faut-il qu’ils puissent s’y « consacrer sérieusement dans de bonnes conditions ». Travailler dans divers lieux autres qu’un local professionnel ou son domicile (bars, hôtels, etc.) n’équivaut visiblement pas à de « bonnes conditions » de travail.
Est-ce que la solution aurait été différente si, en plus de leurs tours commerciaux, les salariés n’avaient pas été tenus à des tâches administratives ou au stockage de leur matériel ? Une lecture littérale de l’arrêt peut le laisser croire. Toutefois, pareille situation se révèlera quasi inexistante en pratique. En effet, du fait de leur activité « nomade », les salariés « itinérants » doivent préparer leurs déplacements et sont souvent plus tenus que les autres salariés à la rédaction de rapports d’activité.  Par conséquent, sachant que l’occupation professionnelle du domicile du salarié doit être indemnisée dès lors qu’il ne dispose d’aucun local professionnel, même lorsqu’il a décliné la fourniture de ce local, les employeurs échapperont difficilement au paiement de l’indemnité d’occupation.

Comment doit être calculée l’indemnité d’occupation

La Cour de Cassation apporte une précision inédite. Elle juge que l’indemnité doit être calculée en fonction de l’importance de l’occupation du domicile et ne doit pas varier selon un facteur temporel tel que le temps de travail effectif du salarié ou encore le temps qu’il passe à l’exercice d’un mandat représentatif ou syndical.
Devons-nous y voir un réel changement par rapport à la précédente jurisprudence de la Cour qui retenait notamment comme critère le temps d’occupation du domicile ? Rien n’est moins sûr. En effet, l’arrêt de 2017 fait uniquement référence à l’indemnité due pour l’occupation « résultant du stockage du matériel professionnel », si bien que le critère du temps d’occupation pourrait demeurer applicable s’agissant de l’occupation résultant de travaux effectués depuis le domicile.