Chaque société a des processus d’interprétations qui structurent le lien de l’individu au groupe. D’une culture à l’autre, une même situation, un même fait revêt des significations différentes qu’il faut interpréter sans pour autant juger. A l’heure de l’innovation et de l’ouverture, il est intéressant de voir ailleurs et pourquoi pas de s’inspirer d’autres modèles de société.

Le collectif passe avant le jeu individuel

En Afrique, la famille, d’importance considérable, exerce même le plus souvent une pression sur les individus. Le collectif passe avant le jeu individuel. Cela crée certes une difficulté à s’individualiser mais cela développe aussi le collaboratif et le participatif, 2 termes très à la mode actuellement en occident. Sur le continent africain : collaboratif et participatif font partie des fondamentaux innés. Tout ou presque se débat. Lorsqu’un problème survient, il est rare que la personne puisse le garder pour elle. Le problème, quel qu’il soit, est discuté, personnel ou professionnel, tout se dit, se sait, se discute.

Prenez 2 min et transférez mentalement ce savoir-faire et ce savoir être au sein d’un service ou d’une structure. Imaginez un groupe ou un service où les gens se « parlent » et se parlent d’autant plus des difficultés qu’ils sont amenés à vivre et à gérer. Ayons bien à l’esprit que l’optique de ce type de discussion autour de la table est non de discuter, mais de partager un moment, soutenir la personne en difficulté, la coacher en quelque sorte au lieu de s’en détourner, élaguer les difficultés pour se recentrer sur la problématique principale, et enfin dessiner une ébauche de solution voire même d’en trouver une. En Afrique le devoir de l’individu est de subvenir autant que faire se peut au besoin du groupe et non au besoin purement personnel. Le groupe peut être la famille, la famille élargie, les amis etc… Nous gagnerons beaucoup à faire passer l’intérêt du groupe avant les intérêts individuels cumulées au sein de nos structures.

L’obligation de prendre le temps

La notion de temps très intéressante en Afrique déstabilise tous les occidentaux qui font le voyage. Les Africains n’ont pas de montre mais ils ont le temps pour eux. En Europe, nous n’avons jamais le temps. On court, y compris le week-end. Vu du point de vue africain, cela donne le sentiment étrange de «  non vie ». L’essentiel en Europe se trouvant dans l’instant et l’immédiat, tout doit être fait tout de suite, sinon, c’est de la «  perte de temps ». La notion de durée a quasiment disparu en Europe. Attendre, reporter une décision, prendre le temps de la concertation semble totalement inconcevable ici et serait même considéré comme signe d’inefficacité.

L’Africain, loin d’être désinvolte et négligeant, sait qu’il ne sert à rien de précipiter les choses. Ne pas laisser le temps s’avère souvent contre-productif à moyen et long terme. En Afrique, rien ne peut se faire sans adhésion. Et l’adhésion est la conséquence de la patience d’avoir pris le temps des explications de façon pédagogique. Pour qu’un projet passe : Obligation de prendre le temps ! Inspirons nous de l’Afrique sur ce point et arrêtons de courir droit devant vers un éventuel mur. Les entreprises, structures et autres services auraient tout intérêt à emporter l’adhésion avant d’entamer un projet pour maximiser ses chances de réussite. Il ne suffit de penser avoir été clair, encore faut-il vérifier que l’information est bien comprise de tous… Mais bien sûr c’est du temps…

L’innovation est terre africaine

En Europe et en France notamment, un patron souhaite prendre souvent le moins de risque possible. Ainsi beaucoup trop d’indicateurs existants protègent certes, mais brident l’initiative. En Afrique, ce problème ne se pose pas. L’innovation est terre africaine. Le système D, le faire-avec, « l’innovation frugale », l’effectuation,  toutes ces façons d’agir pour entreprendre sont inhérentes au système. Ce qu’en occident on apprend aujourd’hui à regarder avec des yeux émerveillés d’enfant est la méthode universelle en Afrique et ce depuis toujours. Pourquoi : pas le choix, peu de moyen.

Le talent des Africains à s’adapter est extraordinaire. Il y a énormément de créativité. L’innovation présente quand bien même la difficulté à se projeter existe, sert à améliorer le quotidien : on bidouille et on y arrive. Cela pousse à l’ingéniosité trop souvent bloquée et inenvisageable pour le moment en Europe. L’Européen s’étant créé le besoin de tout contrôler et de tout maîtriser nage en plein paradoxe et se fait violence en s’obligeant aujourd’hui à innover. C’est en partie aujourd’hui l’équation que doivent résoudre les grands groupes.  Il s’agit pour eux d’apprendre à faire confiance, ouvrir les possibilités aux individus pour laisser la créativité s’emparer de la structure à chaque échelon. La sensation de « perte de contrôle » en fin de compte n’est qu’illusoire et transitoire. Inspirons nous de cette capacité créative et avançons. Un peu de souplesse dans le système serait peut-être une des solutions.