Dans le précédent article Me Muriel Assuline décrypte les autres thèmes de la loi Sapin comme la création d’un statut de lanceur d’alerte.

Le vote de l’assemblée générale des actionnaires

Pour renforcer la transparence, le projet de loi prévoit de rendre contraignant le vote de l’assemblée générale des actionnaires sur les « éléments fixes, variables et exceptionnels composant la rémunération totale et les avantages de toute nature, attribuables aux président, directeurs généraux ou directeurs généraux délégués ».  De même, l’article 45 du projet de loi impose aux grandes entreprises l’obligation de publier annuellement un rapport contenant des informations relatives aux montants des impôts sur les bénéfices acquittés et des bénéfices non distribués. Cependant, cette obligation ne peut entrer en vigueur qu’après l’adoption d’une directive européenne similaire.
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La simplification de la cession d’un fonds de commerce

Le document visé par le vendeur et l’acquéreur est désormais celui qui présente « les chiffres d’affaires mensuels réalisés entre la clôture du dernier exercice comptable et le mois précédant celui de la vente » et non plus des trois exercices précédents. Toutefois, les livres de compatibilité des trois exercices précédents la vente doivent être mis à disposition par le vendeur pour l’acquéreur pendant trois ans.

L’encadrement des lobbies et la transparence de la vie politique

Le projet de loi crée un répertoire numérique des « représentants d’intérêt » sous le contrôle de la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP). Ces représentants d’intérêts doivent donc divulguer le nom de leurs clients et transmettre des bilans comprenant notamment les dépenses et les chiffres d’affaires liés à leurs activités. Si ces derniers ne s’exécutent pas, ils pourront s’exposer à des peines allant jusqu’à un an d’emprisonnement et 15.000 euros d’amende.  Concernant la vie politique, les partis et candidats aux élections doivent faire la transparence sur l’origine et les montants de leurs emprunts. La Haute Autorité a donc l’obligation de vérifier la situation fiscale de tout membre du gouvernement. Si elle décèle une anomalie, elle doit informer le Président de la République et le Premier ministre.
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Au lendemain de l’adoption de la loi « Sapin II »…

Les différents apports de la loi « Sapin II » sont plus ou moins biens accueillis par les entreprises. Concernant l’encadrement de la rémunération des dirigeants, le patronat s’y montre assez hostile car sa mise en oeuvre parait présenter des difficultés.  Le mécanisme de signalement de l’alerte et la création d’un statut de lanceurs d’alerte fait débat, en effet, la dénonciation d’une entreprise par un lanceur d’alerte ne peut en aucun cas faciliter sa réintégration au sein de cette entreprise, ni même faciliter ses futures recherches d’emploi. Quant aux entreprises, celles-ci craignent des alertes abusives et ce, malgré le haut degré d’encadrement de ces dénonciations.  Cependant, d’autres points semblent davantage en faveur des entreprises comme la convention judiciaire d’intérêt public. Celle-ci ne comporte pas de reconnaissance de culpabilité, ce qui signifie que l’entreprise n’a pas à confesser les faits. L’enjeu étant de « ne pas pénaliser nos entreprises », explique Pierre Lellouche.  Le fait que l’amende versée ne soit pas assimilable à une peine présente des conséquences fiscales importantes. En effet, cette pénalité conventionnelle permet un allègement fiscal puisque celle-ci est déduite des sommes soumises à l’impôt. Mais cela est-il suffisamment dissuasif ?
Le 15 novembre 2016, le Président du Sénat et au moins 60 sénateurs ont saisi le Conseil constitutionnel sur la loi relative à la loi « Sapin II ». Les parlementaires visent notamment l’article 49 autorisant le Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF) à limiter les retraits de l’assurance vie pour une durée maximale de 6 mois et intervenir sur la rémunération des contrats en modulant les règles de dotations et de reprise de la provision pour participation aux bénéfices (PPB). Se pose en l’espèce la question de la constitutionnalité de cette disposition au regard du droit de propriété et de la liberté contractuelle.  Les Sages ne se sont pas encore prononcés sur cette question.