Marché caché : monstre
du Loch Ness l’emploi

Dans les années 80, alors que je travaillais pour le Groupe BPI, nous prétendions, à tord ou à raison je ne sais pas, en être les inventeurs. Nous avions créé une cellule de prospection qui appelait les entreprises pour s’enquérir de leurs projets de recrutements à 3, 6 voire 12 mois. C’était cela le marché caché à l’époque. Cela permettait à des candidats de se positionner à l’avance et parfois d’éviter d’être mis en concurrence.

Marché caché = contacts
entre candidats et entreprises

Aujourd’ hui,  avec l’omniprésence d’internet et des réseaux sociaux, la prospection du marché caché a gagné ses titres de noblesse et fait figure d’exercice incontournable pour les demandeurs d’emploi.  Ce marché dit caché est simplement l’ensemble des recrutements qui se font par contact direct entre candidats et entreprises sans passer par une offre d’emploi sous quelque forme que ce soit. Autrement dit, rien d’autre que ce qu’on appelle cooptation, chasse de têtes ou encore approche directe. La différence avec le marché officiel est ténue : l’entreprise définit son besoin et  lance la démarche de recrutement. Seules changent les modalités de recherche de candidats. Cela n’empêche pas les candidats qui décèlent une opportunité sur le marché caché de se retrouver en concurrence. A croire que le marché caché ne l’est pas tant que ça en fin de compte.

Une augmentation importante
des offres d’emplois “bidon”

Cette manière de procéder a quelques avantages surtout pour les entreprises qui ont moins de candidatures à traiter et des candidatures sans doute mieux ciblées. Recevoir 200 candidatures dont la moitié hors profil, pour un poste à pourvoir n’est pas forcément facile à gérer pour les recruteurs. Quelque peu agacé par le développement de ce marché parallèle, l’Etat a tenté de rendre obligatoire le dépôt d’offres d’emplois par les entreprises qui recrutent auprès de Pôle Emploi. Toutes ne respectent pas cette obligation. Le résultat a été une augmentation importante des offres d’emplois « bidon » émises par des employeurs qui ont déjà pourvu un poste ou savent qui ils vont recruter, et publient une offre pour se conformer à leurs obligations. C’est souvent ce qui se passe quand on réglemente à tout va, on génère des comportements d’évitement destinés à contourner les contraintes. Le marché caché de l’emploi serait une montagne de notoriété qui accouche d’une souris en termes de réalité ? Au risque de décevoir, selon moi c’est à peu près ça, mais j’attends la contradiction et je suis ouvert à la discussion à ce sujet.

Le marché latent moins couru
mais plus productif

Il s’agit du marché des emplois non créés qui se chiffre sans doute à des dizaines de milliers d’emplois. Il permet à bon nombre de «réprouvés» du marché de l’emploi, seniors et certains jeunes diplômés entre autres, de trouver emploi à leur convenance.  Mais des emplois non encore non créés ne peuvent pas faire un marché, allez-vous rétorquer. A l’heure de la virtualité tous azimuts pourquoi les emplois eux-mêmes ne pourraient-ils être virtuels ? Prenez un peu de recul et demandez-vous ce qui détermine une création d’emploi, pourquoi une entreprise décide-t-elle un beau jour de lancer un recrutement. Pour remplacer un salarié qui part à la retraite ? Oui, parfois ; pour mobiliser une compétence qui lui fait défaut ? Oui aussi ; pour renforcer ses effectifs afin de faire face à une augmentation de la charge ? Oui quand c’est nécessaire. Le point commun de ces occurrences qui déterminent la création d’un emploi est la recherche par l’entreprise d’une valeur supérieure à ce que cela va lui coûter.

Un emploi est  la contrepartie
d’une création de valeur qui le justifie

Pour qu’un emploi soit mis sur le marché officiel ou caché, auparavant,  de façon plus ou moins formelle l’entreprise passe par les étapes suivantes:
Identification d’un potentiel de création de valeur,
Etude et validation du potentiel  entraînant la décision de  l’exploiter
Construction du projet d’exploitation du potentiel (plans d’action)
Prise de conscience d’un besoin additionnel de compétences
Décision de mobiliser cette (ces) compétence(s) par le recrutement
Définition du profil des candidats recevables
Emission d’une offre d’emploi (marché pas caché) ou recherche directe (marché caché)
La suite, vous la connaissez si vous avez déjà répondu à des offres. Où est-il gravé dans le marbre que seules les entreprises sont capables de conduire les différentes étapes de cette démarche ?  Autrement dit, qu’est ce qui empêche un candidat de le faire à leur place ? Ce qui lui donnerait de bonnes chances d’intéresser ces entreprises, au point de les inciter à lui faire des offres de collaboration,  sans se préoccuper de son profil ni le mettre en concurrence puisque il aurait en quelque sorte court-circuité le processus décrit plus haut, très en amont de la décision même de recruter. Je vous laisse méditer ce propos et je reviendrai vers vous dans quelques jours pour aller plus loin. En attendant, merci de réagir et de commenter cet article en me disant comment vous répondriez à la question posée plus haut.

Patrick Daymand  Senior, consultant, spécialiste du développement des PME, de la gestion de carrière des cadres et des techniciens, auteur de la méthode SPGC qui permet aux cadres d’établir des relations gagnant-gagnant avec les entreprises et de contribuer efficacement au développement des PME.