Eric Bertram a la cinquantaine victorieuse, grand, légèrement bedonnant, le crâne élégamment dégarni, il s’habille classique, la cravate Hermès, le col italien, il a le geste dynamique et la posture du cadre arc bouté sur le chiffre d’affaires. Je sens dans ce qu’il me raconte de la fierté.
– Il y a 6 mois,  je suis licencié par ma société, j’étais directeur de la VPC, je prends quelques contacts, mais cela ne donne rien, je ne sais faire que de la VPC, c’est mon truc, ma vie quoi… je décide alors d’aller à Chicago comme chaque année au congrès international de la VPC, je me suis dit que je rencontrerai tous ceux ce qui comptent dans la VPC dans le monde entier….
– A vos frais…?
– Etant chômeur, bien sûr, je finance le voyage, c’est un investissement nécessaire à mon avenir, en fait j’avais décidé d’affecter une partie de mon indemnité de licenciement  à la recherche d’un emploi, logiquement à ce congrès j’allais retrouver en un même endroit tous les décideurs de la VPC du monde !
– Bien vu…
– Sauf que quelques jours avant mon départ un incendie détruit ma maison…
– Pas de chance…
– Pendant le week-end, j’étais parti avec ma famille en Bretagne, c’était ma maison que je perdais … comme on dit, un malheur n’arrive jamais seul. J’annule mon voyage à Chicago, passe sur internet une annonce pour céder mon billet d’avion et mes réservation d’hôtel…  Nous allons habité chez mes beaux-parents, sale ambiance, les enfants insupportables,  mon épouse déprimée,  et moi ni le temps ni l’envie de chercher un job.
– Je vous comprends, et alors ?
– Un soir, je rentre après avoir signé de la paperasse chez mon assureur, mon épouse me dit d’un ton irrité et plein de jalousie « une certaine Chantal Dupuis t’a appelé. »
– Classique, en général, lorsque cela va mal au travail,  l’ambiance à la maison se détériore….
– J’appelle cette Chantal Dupuis le lendemain, c’était un bonne nouvelle, l’assistante du DG d’un boite informatique qui  voulait m’acheter le billet…
– Le sort se retournait en votre faveur !
– Plus que vous ne pensez…  Je  vais porter  les billets et récupérer le chèque, j’étais entrain de saluer Chantal Dupuis, quand son patron fait irruption dans la pièce en marmonnant quelques directives…  Voyant les billets sur le bureau, il m’adresse un regard de reconnaissance, on parle de Chicago, VPC, business quoi, le courant passe et il m’invite à entrer dans son bureau, il veut savoir pourquoi j’allais à Chicago à ce forum international, avant que je me retire, il me dit ; « mon directeur Marketing vient de démissionner, on se voit à mon retour de Chicago !

Malgré tous ses efforts et toute sa volonté,  malgré et aussi grâce à l’enchaînement des événements négatifs et malvenus il réussit ce qui est impossible autrement – chômage, incendie de sa maison, vente des billets, et un emploi pour lui.
La vie se déroule parfois contre-courant, un trajet professionnel contrarié ou des mésaventures sont les charnières d’une porte qui s’ouvre. Cette synchronisation résume la vie professionnelle faite de coincidences, et montre combien il est important de quitter son emploi ou le perdre, et surtout rester ouvert au sens inhérent à la rupture et au changement.




Article précédentEmploi cadre : les secteurs qui recrutent
Article suivantBusiness Development : pourquoi il faut pré-vendre son produit
Paul-Emile Taillandier
Après l’Institut d’Etudes Politiques de Paris et la Faculté de Droit d’Assas, Paul-Emile Taillandier commence sa carrière comme chargé de mission au Cabinet du Préfet de la Guadeloupe, puis devient secrétaire général d’une Union Régionale du MEDEF. De 1986 à 2008, il dirige le cabinet de recrutement Taillandier Conseil. En 2008, il crée Talents-Clés Conseil, cabinet spécialisé dans le recrutement de profil rare et fonde en 2012 "Cadre et Dirigeant magazine". Auteur d’un roman La Nuit Créole et d’un e book Curriculum à éviter. Page Google+