J’ai la cinquantaine et j’en suis fier, quelques victoires dans le business à mon palmarès, légèrement bedonnant à force de repas d’affaires et de ventes arrosées avec les collègues,  je me dégarnis du crâne et cela me contrarie, j’ai toujours pensé que les cheveux faisaient riche, donc pour vendre c’est mieux. J’ai toujours veillé à ma tenue vestimentaire, plutôt classique pour rassurer le client, je sais que mon style plait, le geste alerte, plein d’allant,  et comme disent mes collègues pour se moquer de moi, ma grande silhouette en permanence arc boutée sur le chiffre d’affaires.
Mais il y a 6 mois,  tout s’écroue, je suis licencié. De directeur de la vente à distance d’un grand du prêt-à-porter, je deviens un EX.  Aussitôt je prends des contacts, mais cela ne donne rien, à mon niveau les places sont rares, et tout le monde s’accroche à son poste, je ronge mon frein et poursuis mes rencontres… Comme chaque année dans ma boite e-mail je trouve une invitation pour la grande messe de la vente à distance à Chicago, un congrès international qui réunit tous les acteurs et les pontes de la profession du monde entier.
Aussitôt  je m’inscris, réserve billet d’avion et d’hôtel à mes frais (une grosse partie de mon indemnité de licenciement ), et je me vois déjà à Chicago. Mais les événements ne se déroulent comme cela.

Si vous désirez soutenir le magazine, vous pouvez faire un
don en cliquant ici  et devenir bienfaiteur privilégie, votre
photo sera publiée avec votre accord dans  la page Club
des Bienfaiteurs.  

Une semaine avant mon départ, je pars avec ma famille pour le week-end, un voisin m’appelle le dimanche matin pour m’annoncer que ma maison avait brûlé. Mon job envolé, ma maison  partie en fumée, je sais bien, un malheur n’arrive jamais seul, mais quand même!  J’annule mon voyage à Chicago, passe sur internet une annonce pour céder mon billet d’avion et mes réservation d’hôtel… et devenus sans domicile nous partons habiter chez mes beaux-parents. Sale ambiance, les enfants insupportables,  mon épouse déprimée,  et moi ni le temps ni l’envie de chercher un job.
Un soir, je rentre après avoir signé de la paperasse chez mon assureur, mon épouse me dit d’un ton irrité et plein de jalousie « une certaine Chantal Dupuis t’a appelé. » C’est classique, en général, lorsque cela va mal au travail,  l’ambiance à la maison se détériore….je sais.
J’appelle cette Chantal Dupuis le lendemain matin, c’était un bonne nouvelle, elle est l’assistante du DG d’un boite informatique et  veut m’acheter les billets… Le sort se retournait en ma faveur ! Je  vais vite les porter et récupérer le chèque, et alors que je prenais congé Chantal Dupuis, son patron fait irruption dans la pièce en marmonnant quelques directives… Voyant les billets sur le bureau, il me regarde, on parle de Chicago, vente à distance,  business quoi, le courant passe et il m’invite à entrer dans son bureau, il veut savoir pourquoi j’allais à Chicago à ce forum international, avant que je me retire, il me dit ; « mon directeur Marketing vient de démissionner, on se voit à mon retour de Chicago !
Malgré tous mes efforts et toute ma volonté,  malgré et aussi grâce à l’enchaînement des événements négatifs et malvenus j’ai réussi ce qui est impossible autrement : chômage, incendie de la maison, vente des billets, et un emploi. La vie se déroule parfois contre-courant, un trajet professionnel contrarié ou des mésaventures sont les charnières d’une porte qui s’ouvre. Cette synchronisation résume ma vie professionnelle faite de coincidences, et montre combien il est important lorsque l’on perd son emploi de rester ouvert au sens inhérent à la rupture et au changement.