L’Insee attend une faible croissance et une inflation à 5,4% en juin. La Banque centrale européenne (BCE) va augmenter cet été ses taux directeurs. Quelles sont les dépendances et les conséquences pour les Français ?

Aujourd’hui les politiques monétaires de la zone euro et des autres du pays du G7 se trouvent à des endroits distants du cycle économique. Pour lutter contre l’inflation, la Banque centrale américaine (FED) vient de relever ses taux directeurs de 0,25% le 16 mars 2022. Avec un taux actuel de dépôt de -0,5%, la BCE réagira uniquement cet été. Les directeurs des banques centrales nationales européennes (BCN) haussent le ton et l’euro glisse vers la parité avec le dollar. La raison de la dépréciation de l’euro et de l’augmentation de l’inflation s’explique clairement : la BCE privilégie la soutenabilité des dettes publiques (la capacité d’un État à rembourser ses emprunts et donc sa solvabilité) par rapport au pouvoir d’achats des citoyens.

Quelle est la relation entre l’inflation et les taux d’intérêts ?

Le taux d’intérêt directeur est le principal outil utilisé par les Banques centrales pour gérer l’inflation. L’expérience montre que l’inflation et les taux d’intérêts ont tendance à fluctuer dans la même direction mais avec des décalages. Pour maîtriser cette inflation la BCE a une mission essentielle : garantir une stabilité des prix et un niveau d’inflation sur un an proche de 2%. Le taux d’inflation doit être positif et ne pas dépasser 2% sur l’année afin de soutenir un niveau global de prix, de biens et services. Une baisse des prix ou une déflation peut être plus préjudiciable à l’économie que l’inflation. Pour la France avec des taux bas, tout est réuni pour voir le spectre de la stagflation resurgir avec une croissance faible et une inflation forte.

Comment les variations des taux d’intérêt affectent l’inflation ?

Lorsque la BCE augmente ses taux directeurs, elle augmente le niveau des réserves en limitant la masse monétaire disponible pour l’achat d’actifs plus risqués tels que la cryptographie ou les obligations “pourries”. La hausse des intérêts décourage les dépenses des consommateurs et des entreprises, en particulier pour les biens d’équipements et pèse sur les prix. La conséquence est l’inversion de l’effet de richesse pour les particuliers et rendent les banques plus prudentes dans leurs décisions de prêts. À l’opposé, lorsque la BCE réduit son taux d’intérêt cible elle augmente effectivement la masse monétaire disponible pour acheter des actifs à risque. En d’autres termes, la réduction des taux fournit des liquidités aux banques commerciales. Ainsi dans son ensemble, le système bancaire dispose de plus de monnaie que nécessaire. Cet excédent de liquidité va être utilisé dans des achats d’actifs boursiers La bourse va battre des records en alimentant la richesse des milliardaires.

Quel est l’effet des prix de l’énergie sur l’inflation ? La flambée des prix de l’énergie augmente l’inflation dans la zone euro à cause de la guerre en Ukraine. Par contre la BCE estime que cette hausse de l’inflation est transitoire et qu’une hausse des taux directeurs ne serait pas le bon outil pour influer sur les prix de l’énergie. Mais selon la Banque MondialeLes marchés des produits de base subissent l’un des plus grands chocs d’offre depuis des décennies… En outre, cette augmentation des prix des matières premières exacerbe les pressions inflationnistes déjà élevées partout dans le monde.”

Faux-t-il augmenter les taux directeurs en temps de guerre ?

Aujourd’hui, un taux d’inflation élevé pose à la BCE deux problèmes simultanés à résoudre : l’inflation et la croissance. Une guerre à la porte de l’Europe rend l’équation plus difficile à résoudre. Une hausse des taux directeurs rend les taux d’emprunts plus élevés et la croissance sera révisée à la baisse. Il est certain que la BCE préfère ignorer la hausse des prix des produits alimentaires et de l’énergie. Elle opte pour la soutenabilité des dettes publiques par rapport au pouvoir d’achats des Européens. Politiquement cette approche est explosive. Si les citoyens n’arrivent plus à s’approvisionner à des prix abordables en nourriture et en énergie quasi-quotidiennement ce peut être le déclenchement de la colère populaire. L’exemple de la FED montre que malgré l’augmentation de son taux directeur de 0,25% en mars 2022, la baisse des taux d’intérêts réels sur cinq ans a poursuivi sa chute de 0,5% depuis février 2022.

Pourquoi l’inflation affaiblit l’euro ?

La dépréciation de l’euro peut être perçue en temps normal comme une bonne nouvelle car elle devrait permettre un soutien à l’exportation et favoriser les investissements étrangers. La valeur de l’euro est appréciée en fonction de critères économiques tels que la croissance, l’inflation, l’épargne et la balance commerciale. Pour la France la croissance est très faible. Compte tenu du taux d’inflation actuel très élevé l’avantage d’un euro faible disparaîtra rapidement et l’épargne des ménages fondra comme neige au soleil. Quant à la balance commerciale c’est un fiasco à 100 milliards d’euros. Dans cette situation économique de la France, un euro faible est une augmentation de l’inflation importée. Or, plus d’inflation signifie moins de pouvoir d’achat donc moins de consommation et de croissance et plus de faiblesse de l’euro.

Pourquoi la BCE tarde à relever ses taux directeurs ?

Pour éviter la fragmentation de la zone euro et endiguer l’inflation sans freiner la croissance économique, la BCE joue l’équilibriste. Avec un taux directeur bas, l’inflation taxe les épargnes et réduit la dette de l’État : si tous les prix se multiplient, les rentrées fiscales se multiplient. Mais les Français vont perdre 108 milliards d’euros d’épargne en 2022 des 175 milliards d’euros d’épargne forcée (ou épargne Covid). L’État ne peut plus les inciter à dépenser leur épargne pour relancer la croissance car cette épargne sera perdue. Les gouvernements seront forcés d’emprunter à des taux plus élevés pour créer des mesures compensatoires pour les personnes à faible revenu.

La BCE tente d’anticiper les tendances de l’inflation. Elle risque ainsi de commettre une erreur politique en alimentant inutilement l’inflation avec des taux trop bas ou en étouffant la croissance en augmentant les taux directeurs.