Dans l’article Employabilité : un concept des experts pour vous enfumer, nous avons décrit la façon dont les politiques et les technocrates analysent le phénomène de l’inexorable montée du chômage et les solutions pour le moins inefficaces qui résultent de cette analyse. Dans ce deuxième article, nous analysons pourquoi ces solutions ne fonctionnent pas.  « Quand une solution ne fonctionne pas, la bêtise consiste à croire que faire plus de la même chose, va donner des résultats différents. » Ce n’est pas de moi mais d’Einstein. Mais avant de vous proposer d’autres solutions possibles, je crois qu’il est utile de s’arrêter quelques instants sur les raisons de cet échec.

Le chômage touche aussi les cadres très qualifiés

L’employabilité, s’il s’agit de la capacité à créer une valeur qui justifie son emploi, ne dépend qu’accessoirement des compétences métier et donc des qualifications. Elle dépend beaucoup plus, comme nous allons le voir, des connaissances (compétences extérieures au champ de spécialité professionnelle) et des comportements ainsi que de la façon dont on s’en sert et dont on les présente à l’employeur.  Au passage, si cette théorie de l’employabilité liée aux compétences métier était avérée, le chômage serait essentiellement concentré dans la population des personnes peu ou pas qualifiées. Or le niveau de chômage chez les cadres (très qualifiés) montre que ce n’est pas le cas.  On ne compte plus les collaborateurs qualifiés sous-employés, voire sans emploi et parfois même de façon durable. Une bonne partie parmi eux détiennent les compétences métier que les entreprises prétendent ne pas trouver. Il suffit de consulter la liste des métiers dits « en tension » sur le site du Ministère de l’Emploi, pour s’en assurer.

La stratégie des “métiers en tension” sert les intérêts des partenaires sociaux et du grand patronat

L’emploi, sans lequel l’employabilité n’est qu’un concept creux et inutile, est avant tout la résultante de la prospérité et du développement des entreprises. La France compte 3,5 millions d’entreprises, à peu près autant que l’Allemagne, mais ce qui fait la différence, c’est la taille moyenne des entreprises. En France, 97,2% des entreprises ont moins de 20 salariés, alors qu’elles ne sont que 80% en Allemagne. Et la taille moyenne des entreprises allemandes est de deux fois supérieure à celle des entreprises françaises. Et comme par hasard, le taux de chômage y est incomparablement plus bas que celui de la France et la balance des paiements largement excédentaire.
On nous dit – le Medef surtout – que c’est le coût du travail qui est à l’origine des performances médiocres de la France en matière d’emploi et d’économie. Je veux bien mais alors comment font les suisses dont les salaires sont très supérieurs à ceux des français et qui n’en ont pas moins un taux de chômage ridiculement bas et un excédent commercial très important ?
Autrement dit, la stratégie des métiers en tension et ses corollaires, c’est-à-dire l’essentiel de la politique de l’emploi, servent les intérêts des partenaires sociaux et du grand patronat (qui fait ainsi former ses collaborateurs aux frais de la collectivité et bénéficie d’aides à l’embauche). Mais pas ceux des demandeurs d’emplois déjà qualifiés. Ni ceux des petites et moyennes entreprises qui, en se développant, créeraient les emplois dont nous avons besoin et que la politique de l’emploi s’avère incapable de créer.

Choix  délibéré ou incompétence de ceux qui nous gouvernent

C’est à se demander si c’est un choix conscient et délibéré ou si ce n’est rien d’autre que le signe de l’incompétence de ceux qui nous gouvernent. A vrai dire, je ne suis pas un partisan de la théorie du complot, à ce titre j’aurais plutôt tendance à penser que la situation résulte de l’incurie de nos énarques qui voient la société française à travers le prisme déformant de leur extraordinaire suffisance. Mais que dire des partenaires sociaux et plus particulièrement du Medef qui n’a pour seul objectif que de faire baisser le prix du travail, y compris en faisant main basse sur les fonds réservés à la formation continue, dans le but d’augmenter les profits.
Et qui assume parfaitement cette position en nous disant que si les actionnaires ne sont pas largement rémunérés, ils iront placer leur argent ailleurs, et qu’en conséquence l’optimisation des profits des entreprises est plus importante que le plein emploi. Lequel serait le cadet de leurs soucis, un taux de chômage élevé étant plutôt une bonne chose à leurs yeux dans la mesure où il favorise une baisse des rémunérations.

Dans le troisième article de cette série nous verrons quelle solution alternative s’offre aux cadres et aux techniciens qui ne croient plus en la capacité de l’Etat à les aider. Et qui refusent la fatalité d’une carrière professionnelle qui ne correspond pas à leurs aspirations.
En attendant, je vous invite à visiter le site http://spgc-carrière entièrement consacré aux problématiques de l’emploi et de la gestion de carrière des cadres et des techniciens.