Les polices (typographiques) sont des outils essentiels pour les concepteurs et les graphistes. Elles offrent de nombreuses opportunités créatives et sont utilisées par presque tous les supports. Mieux, leurs accès se sont grandement simplifiés grâce à internet. Malheureusement leurs créateurs et les droits d’utilisation qui les accompagnent sont moins connus et généralement peu respectés.

Une protection des polices méconnue

Utilisée tous les jours par de nombreuses personnes, les polices sont un outil présent dans la plupart des projets créatifs, print, éditoriaux ou vidéo. Certaines d’entre elles sont devenues incontournables avec le développement des outils de traitement de texte telles qu’Arial, Times News Roman, Helvetica etc… En revanche, leur histoire et le travail de création mené par les typographes en amont est bien moins connu
Il est également méconnu que les caractères typographiques sont protégés par deux lois : celle sur les dessins et les modèles et celle sur la propriété littéraire ou artistique. Ainsi, toutes personnes ou entreprises ne respectant pas (ou ne lisant pas) les contrats de polices de leurs utilisateurs finaux (CLUF), s’exposent à des risques juridiques. Mais force est de constater que cette notion n’est pas prise en compte.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. D’après l’étude de conformité des polices d’Extensis, près de 80 % des infographistes ne lisent en général pas les CGU. Les dirigeants d’entreprises ne se sont pas non plus emparés de la question puisque 57 % des personnes interrogées ont déclaré ne pas avoir de politique claire sur leurs utilisations des licences des polices.
Il faut ajouter à cela l’absence de normalisation des licences de polices, permettant à chaque fonderie de proposer les options qu’elles souhaitent. Par exemple, la licence peut donner le droit d’utiliser la police sur le web mais pas sur du print (ou inversement). Lorsque les concepteurs envisagent d’utiliser des polices à des fins commerciales, ils doivent prendre en compte tous les aspects des CLUF relatifs aux polices.

Un risque judiciaire et d’image de marque pour les entreprises

Car les risques existent pour les entreprises ! Peu connues, les affaires judiciaires autour des droits de licence d’une police existent, touchant tout type d’entreprises. Prenons l’exemple d’Haribo, célèbre confiseur, poursuivi par Font Diner. Le typographe a poursuivi la marque de bonbons pour avoir utilisée une police sur le packaging d’un produit alors que la marque ne disposait que des droits d’utilisation de bureau.
Respecter les droits d’utilisation n’est pas suffisant, il est nécessaire d’être attentif même lorsqu’une entreprise créée sa propre police. La fonderie typographique Berthold a porté plainte contre le célèbre fabricant de voitures Volvo pour avoir créé une police d’entreprise en s’inspirant d’une des siennes protégées par droits d’auteur. Berthold a intenté un procès à Volvo pour plus d’un million de dollars et bien que le verdict ne soit pas connu, Volvo se serait sans doute bien passée de cette affaire.
Enfin, en France, l’exemple le plus connu est celui d’Hadopi qui en 2010 a utilisé la police « Bienvenue » pour son logo sans en respecter la licence d’utilisation. Celle-ci ayant été créée et réservée à France Télécom. L’agence étant en charge de la création du logo d’Hadopi a plaidé l’erreur et corrigé le tir ensuite, mais l’impact sur l’image de marque, tant pour Hadopi que le prestataire, était déjà là.
Ces affaires prouvent les risques auxquels les entreprises s’exposent si elles ne respectent pas les licences d’utilisation liées aux polices. Risques judiciaires et donc financiers dans un premier temps, mais aussi un risque sur l’image de marque. La typographie et les polices ont une valeur commerciale et des droits d’utilisation, au même titre que les images ou les vidéos.