Santé mentale : pourquoi l’inaction coûte cher aux entreprises

Santé mentale : pourquoi l’inaction coûte cher aux entreprises

La santé mentale au travail quitte progressivement le champ de l’éthique pour devenir un enjeu stratégique incontournable. Après des années d’attentisme, les entreprises françaises se trouvent face à une réalité pressante : la détresse psychologique des collaborateurs pèse sur la performance individuelle, la cohésion des équipes et l’attractivité des entreprises. Près d’un quart des salariés déclarent en effet que leur travail affecte négativement leur bien-être, et seuls 21 % des travailleurs estiment avoir une relation saine avec leur activité, selon le dernier rapport sur la santé mentale de Terra Nova.

Un retard français qui devient critique

La France affiche aujourd’hui l’un des taux de syndromes dépressifs les plus élevés d’Europe et les troubles psychiques constituent désormais le premier poste de dépenses remboursées par l’Assurance maladie, pour un montant supérieur à 23 milliards d’euros par an. Dans ce contexte, les salariés identifient de plus en plus clairement le travail comme un déterminant majeur de leur santé mentale. Près d’un quart d’entre eux déclarent que leur activité a un impact défavorable sur leur bien-être.

Les entreprises françaises sont pourtant légalement tenues de protéger la santé physique et mentale de leurs collaborateurs. Malgré cela, en 2025, 36 % des salariés déclaraient l’absence totale de plan de prévention dans leur organisation et les démarches collectives demeurent limitées : seuls 32 % des salariés rapportent avoir été consultés sur le stress au travail.

Le tournant managérial

Face à ces enjeux se pose une question cruciale : et si les managers, aujourd’hui sur-sollicités, adoptaient un rôle de régulateur du travail ? Fortement exposés, sollicités à la fois par la performance et le bien-être des équipes, mais souvent insuffisamment formés pour répondre aux risques psychosociaux, leur rôle traditionnel de « contrôleur de performance » semble aujourd’hui montrer ses limites.

Pour cela, il ne s’agit pas d’ajouter une mission supplémentaire à un rôle déjà saturé, mais bien de faire évoluer le modèle managérial lui-même. Certaines entreprises réfléchissent déjà à une nouvelle catégorie de managers, spécialisés dans la régulation du travail et l’accompagnement humain, au même titre que d’autres métiers émergent dans la transformation digitale.

De la régulation au pilotage stratégique

Former les managers et renforcer leur rôle de régulateur du travail n’est qu’une première étape. Pour que la santé mentale devienne un véritable levier de performance et de résilience, elle doit être intégrée à l’ensemble de la stratégie de l’entreprise. La prévention primaire reste le socle. Agir sur les causes organisationnelles telle que la charge de travail ou la reconnaissance reste essentiel pour limiter les risques. Ce travail doit bien sûr s’étendre à tous les processus RH et managériaux avec des diagnostics réguliers, des indicateurs précis et des dispositifs adaptés à chaque niveau de responsabilité.

Le soutien managérial complète cette approche. Les managers, formés et outillés, seront en mesure de détecter les signaux de détresse, d’accompagner leurs équipes et de réguler le travail au quotidien. Cette compétence partagée devient un levier d’engagement et d’attractivité, car les entreprises qui investissent dans la qualité de vie au travail sont celles qui enregistrent un plus fort engagement et une meilleure santé globale de leurs collaborateurs.

David Mahé, dirigeant du groupe canadien TELUS Health pour la France.: Entrepreneur du conseil et l’un des experts français reconnus en santé mentale au travail, leadership et transformation des organisations. Il dirige les activités de TELUS Health en France. Il accompagne les DRH dans la protection de la santé psychologique des salariés et la performance collective. Après 20 années dans les télécommunications et le conseil en nouvelles technologies, il reprend en 2012 Stimulus, cabinet pionnier de la prévention des risques psychosociaux et de la promotion de la santé mentale au travail. En 2016, il fonde Human & Work, groupe de conseil dédié aux enjeux humains des organisations avec l'ambition de contribuer à la construction d’un monde du travail inclusif, responsable et serein.