Repenser le leadership interculturel : explorer ses zones d’ombre pour mieux diriger
On ne devient pas un leader interculturel en reproduisant son propre modèle. Diriger à travers les cultures, c’est tout sauf appliquer un manuel de management universel. Cela demande de la curiosité, de l’écoute, mais aussi et surtout une bonne dose d’introspection. Car un leadership inclusif ne repose pas seulement sur des politiques de diversité ou des quotas : il exige de comprendre qui l’on est, où l’on se trompe, et comment évoluer quand le contexte nous échappe.
Inclusion : les entreprises françaises doivent passer de l’intention à l’action
En France, les entreprises se veulent de plus en plus inclusives. Pourtant, la réalité reste contrastée :
• 71 % déclarent avoir un budget pour la diversité, l’équité et l’inclusion (DEI), mais seules 16 % considèrent ce sujet comme stratégique (Workday).
• 68 % des salariés jugent leur entreprise « engagée », mais pointent un décalage entre les mots et les actes (Gymnase du Management).
• Et dans le CAC 40, à peine 6,25 % des PDG sont des femmes (Banque de France).
Autrement dit, beaucoup d’intentions mais peu d’intégration réelle. Et dans un contexte interculturel, les bonnes intentions sans structure solide peuvent vite se retourner contre soi. Car lorsqu’on mélange les cultures, l’ambiguïté s’amplifie : un simple malentendu dans une équipe homogène peut se transformer en exclusion perçue dans une équipe diverse.
La personnalité, levier caché du leadership interculturel
La culture influence, bien sûr. Mais c’est la personnalité du leader qui détermine sa capacité à naviguer entre ces cultures. Autrement dit, ce sont ses forces et ses failles qui feront la différence.
1. Le “côté lumineux” : le socle du leadership
Les dirigeants ouverts, stables émotionnellement et bienveillants savent écouter, s’adapter et donner de la place à d’autres points de vue. Ces qualités sont précieuses mais elles ne suffisent pas toujours quand la complexité culturelle s’invite à la table.
2. Le “côté obscur” : les angles morts à apprivoiser
Chaque leader a ses saboteurs : arrogance, besoin de contrôle, méfiance, ou tendance au retrait. Dans un cadre familier, ces traits peuvent passer pour de simples habitudes. Mais dans une équipe multiculturelle, ils peuvent devenir des obstacles. Un perfectionniste issu d’une culture très hiérarchisée peut freiner la créativité d’une équipe plus libre et un dirigeant qui se replie sous la pression peut cesser de communiquer, laissant ses collaborateurs dans le flou.
Plus les signaux culturels sont ambigus, plus ces zones d’ombre s’expriment. Souvent sans même que le leader s’en rende compte.
3. L’art de la flexibilité : une compétence-clé du leader moderne
L’enjeu n’est pas d’effacer sa personnalité mais de développer une capacité d’adaptation consciente : savoir reconnaître quand son « mode par défaut » devient inadapté et apprendre à ajuster. Cette capacité d’adaptation s’apprend, comme un muscle qu’on entraîne.
Voici trois leviers concrets pour y parvenir :
1. Croiser les regards : combiner une lecture culturelle (comment je perçois les autres) et une lecture personnelle (comment je me comporte face à la différence).
2. Clarifier les codes : rendre explicites les règles implicites. Par exemple : « Si je parais trop direct, dis-le-moi » ou « reformulons quand le silence s’installe ».
3. Pratiquer les micro-ajustements : apprendre, par le coaching ou la mise en situation, à moduler son ton, vérifier ses hypothèses, oser demander du feedback.
C’est dans ces petits gestes que se construit un leadership interculturel solide.
Ce n’est pas la “meilleure personnalité” qui gagne, mais celle qui s’adapte le mieux. Pour les dirigeants français, cela signifie lier inclusion et performance plutôt que communication, explorer ses zones d’ombre via des échanges entre pairs ou un accompagnement personnalisé et faire de l’inclusion un sujet de gouvernance, pas uniquement RH.
Les formations “clé en main” ne suffisent plus. Les leaders qui feront la différence demain seront ceux qui auront compris que diriger à travers les cultures, c’est d’abord se connaître soi-même.