Tisser les générations en entreprise : la corde plutôt que le millefeuille
Alors que le débat public oscille entre politiques en faveur des jeunes et inquiétudes sur l’emploi des seniors, une évidence reste trop souvent ignorée : sans transmission entre générations, l’entreprise, et plus largement, notre société, se fragilise. Il est urgent de repenser le lien intergénérationnel, au-delà des oppositions en silo, pour bâtir un continuum durable et investir dans le tissage entre générations.
Un défi démographique et économique
En 2024, le taux d’emploi des 55-64 ans a atteint 60,4 %, son plus haut niveau depuis 1975. Pourtant, la France reste à la traîne face à la moyenne européenne (65,2 %). Cette fragilité démographique s’ajoute à un constat implacable : les naissances ne compensent plus les décès. Même les politiques natalistes les plus ambitieuses ne produiront d’effets qu’à long terme, laissant planer la menace d’une perte massive de savoir-faire et d’une discontinuité générationnelle.
Pourtant, le discours dominant persiste à opposer les âges. La « génération Z » serait trop exigeante, les seniors trop coûteux : un récit simpliste qui enferme chacun dans une strate. L’entreprise, au contraire, a besoin d’un continuum où les expériences se complètent et les générations en se croisant régénèrent le tissu du vivant, la vitalité de l’entreprise.
L’alternance : un levier de transmission intergénérationnelle
L’apprentissage illustre cette nécessité. Trop souvent réduit à un dispositif “normatif” pour les jeunes, il pourrait devenir un formidable levier de transmission intergénérationnelle. Créer des binômes « ancien–nouveau » permettrait de valoriser l’expérience des plus âgés tout en favorisant l’intégration des nouveaux talents. Cette logique d’échange “tissé”, plutôt que de séparation catégorielle, est essentielle. La corde qui rassemble et unit ses fils versus les strates qui se superposent.
Réconcilier les générations n’est pas seulement un enjeu de cohésion : c’est aussi répondre à l’urgence d’insertion des jeunes. Le taux de chômage des 15-24 ans reste élevé (18,8% en 2024), et l’alternance est l’un des rares dispositifs qui a prouvé son efficacité : six mois après leur sortie de formation, six apprentis sur dix sont en emploi, un taux nettement supérieur à celui des diplômés par la voie scolaire. De l’autre côté, les seniors ont toute leur place sur le marché du travail, à condition qu’on leur donne les moyens de rester actifs dans des conditions adaptées et reconnues. Miser sur l’alternance, c’est donc agir simultanément sur deux fronts : préparer l’avenir en formant la relève et préserver le capital humain existant en le mettant en position de transmettre.
L’expérience au service de la relève
Penser l’avenir de l’entreprise sans transmission intergénérationnelle, c’est accepter de voir disparaître un capital humain précieux. Pour relever les défis démographiques et économiques à venir, il faut cesser de segmenter les âges et bâtir un modèle de coopération où chacun, du talent émergent au senior chevronné, contribue, transmet et se sent utile.
L’entreprise ne peut pas se permettre de perdre ses savoir-faire : réconcilier les générations, c’est assurer sa survie. L’apprentissage, c’est le tissage de liens dans l’apprenance de tout à chacun, junior et senior…






































