Accessibilité numérique : ce que les entreprises ignorent encore

Accessibilité numérique : ce que les entreprises ignorent encore

La directive européenne du 28 juin concernant l’accessibilité numérique marque un tournant majeur pour des millions de personnes en situation de handicap comme pour des milliers d’entreprises françaises. Depuis l’European Accessibility Act (EAA), les entreprises de plus de 10 salariés ou réalisant plus de 2 millions d’euros de chiffre d’affaires doivent se conformer sous peine d’amendes pouvant aller jusqu’à 250 000 €.
En réalité, l’accessibilité numérique est un sujet qui reste en suspens depuis plus de 20 ans et la loi « handicap » du 11 février 2005.
Le chantier est énorme : aujourd’hui, 3% des sites internet respectent les principales obligations administratives d’accessibilité et moins de 1% sont accessibles. Une (très) lente mise en conformité nourrie par de nombreux clichés sur l’accessibilité numérique, qu’il est temps de battre en brèche.

« Mes clients ne sont pas concernés » … Vraiment ?

L’accessibilité numérique concerne 12 millions de Français et ne se limite pas au handicap visuel. La loi de 2005 introduit 5 grandes familles de handicap : moteur, sensoriel, intellectuel, psychique et maladies invalidantes. Adapter un site pour les non-voyants ou malvoyants, supprimer les effets clignotants pour les personnes épileptiques ou optimiser les tabulations clavier pour celles à mobilité réduite relève autant de l’inclusion que du confort pour tous.
Effectivement, contrairement à ce mantra « mes clients ne sont pas concernés », l’accessibilité web améliore l’expérience utilisateur : comme une rampe d’accès PMR facilite les déplacements des personnes handicapées, elle profite aussi aux voyageurs encombrés de valises.

Pas un problème de code mais de conscience

Rendre un site accessible, c’est répondre à quatre grands principes qui façonnent l’expérience utilisateur : être utilisable, perceptible, compréhensible et robuste. Il suffit de bon sens : par exemple, comment s’assurer que le site sera utilisable par ses grands-parents ? Le vrai problème ne réside pas dans la complexité des lignes de codes mais dans la formation. Trop peu de développeurs et UX designers connaissent les bonnes pratiques d’accessibilité.

Il ne s’agit pas d’essayer d’être 100% accessible en une fois. Mais des réflexes simples consistent par exemple à mettre des alternatives textuelles sur les photos/liens, éviter de mettre des captchas ou encore insérer des sous-titres et assistants vocaux. Et avec l’essor de l’IA, ces ajustements deviennent de plus en plus faciles. Certes, 20 ans de législation sur le sujet ont accouché de multiples normes techniques. Mais 30% de l’audit peut déjà être réalisé par l’IA. De quoi mettre un premier pied dans la porte. En reprenant uniquement les standards européens W3C ou français RGAA, le chemin est ensuite tout tracé. Encore faut-il en être conscient dès la formation.

Un faible investissement pour une rentabilité à long terme

Développer cette appétence à la racine pour un web inclusif, quelle que soit la formation en lien avec un cursus digital, est aussi un argument économique. Non, l’accessibilité numérique ne coûte pas cher, surtout si elle est intégrée dès le cahier des charges, et ce, sans brider la créativité. On parle de 5 à 10% en plus par rapport au coût initial. Par ailleurs, transformer un site en cours de route, avec un audit et suivi, peut représenter un investissement de 5 à 10K sur l’année, ce qui constitue un investissement rentable en termes business ou d’image.

Il est temps d’agir

L’accessibilité numérique n’est pas seulement une obligation légale ni un devoir moral. C’est une opportunité stratégique de toucher la plus grande minorité (les personnes en situation de handicap) dont le pouvoir d’achat dépasse 200 milliards d’euros en France. Finalement, l’accessibilité est une aussi une bonne décision économique.

L’accessibilité n’est pas un projet à remettre plus tard. Agissez maintenant pour créer un web accessible à tous et valorisez votre business.

Jerry Journo, Directeur General d'AccessiWay France: Jerry Journo, Directeur General d'AccessiWay France, référence européenne en matière d'accessibilité numérique, il est également le cofondateur de la marque de prêt-à-porter féminin Jour/né.