Tribune corédigée par Géraldine Galindo, Professeure et directrice de l’Institut Leadership & Management, ESCP Business School et Alessandro Ghio, Professeur Associé, ESCP Business School.
Enseignants-chercheurs : en première ligne pour défendre la Diversité. Depuis plusieurs mois, les attaques contre les politiques de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI) se multiplient outre-Atlantique, et commencent à gagner du terrain en Europe. Dernière en date, les entreprises françaises ont été récemment “invitées” à adhérer à la doctrine anti-DEI américaine. S’il est encore de bon ton de s’insurger dans notre pays et de proclamer son opposition à ces mouvements qui compromettent l’équité et la justice sociale, rien ne garantit que cela perdure.
Enseignants-chercheurs, ils préparent futurs managers et dirigeants de demain à leurs rôles économiques et sociétaux
Alors, comment faire pour arrêter cet effacement en cours de toutes les dynamiques de soutien à la diversité, à l’équité et à l’inclusion lancées depuis plusieurs dizaines d’années ? Nous sommes convaincus que la conjonction de plusieurs forces permettrait de construire un contrepoids. Les dirigeants des entreprises, les décideurs politiques, les milieux associatifs ont été parfois des moteurs et doivent le rester. Mais nous, en tant qu’enseignants-chercheurs, nous pouvons et nous devons assumer notre place dans ce puzzle de personnes autour de la DEI. Nous sommes en train de préparer les futurs managers et dirigeants de demain à assumer leurs rôles économiques mais aussi sociétaux.
Les amener à penser et agir sur le triptyque croyances-connaissance-vérité
Notre premier rôle est de les amener à penser et à agir sur le triptyque croyances-connaissance-vérité cher à Etienne Klein. Comme tout être humain, nos étudiant.e.s ont des croyances et des stéréotypes sur ces sujets, maintenant confortés par les algorithmes des réseaux sociaux qui nous conduisent à ne voir que ce à quoi on croit. Seules des connaissances peuvent permettre à ces jeunes générations de penser de façon critique. Elles leur permettent de s’exposer et se confronter à des pensées et vécus divers, de tempérer et de relativiser leurs a priori. Nous devons leur apporter ces connaissances, leur montrer les différentes facettes et faits face à un même sujet. Les liens entre diversité et performance ne sont ainsi pas homogènes. Les actions menées en faveur de certains groupes marginalisés peuvent avoir des effets indirects sur d’autres, positifs et négatifs. Les politiques initiées par les entreprises n’ont pas des résultats homogènes. Chaque étude, chaque recherche, adopte une méthodologie, importante à appréhender afin de ne pas colporter des vérités simplistes mais risquées.
A l’heure où la pensée critique est considérée comme une compétence clef pour le futur, nous devons nous atteler à développer cette pensée à l’égard des politiques DEI afin que nos étudiant.e.s d’aujourd’hui, les managers et dirigeants de demain, cherchent à penser et à agir de manière éclairée.
Leur faire vivre la diversité et ses apports dans leur scolarité
Notre deuxième rôle est de leur faire vivre la diversité et ses apports dans leur scolarité. Dans une Ecole comme la nôtre, la diversité de nationalité de nos étudiant.e.s est un fait. Néanmoins, nous devons continuer à agir pour leur permettre d’être reconnus avec toutes leurs facettes identitaires. Il ne s’agit pas de leur permettre d’étudier côte à côte mais d’apprendre à travailler ensemble, à appréhender et à valoriser leurs différences. Pour ce faire, nous devons continuer à les inciter, voire parfois à leur imposer, des groupes reflétant les diversités que nous pouvons connaître, que ce soit d’origines, de genre ou d’âges. Bien sûr, nous savons qu’ils sont aussi porteurs d’autres diversités visibles ou invisibles. Libre à eux de vouloir les exprimer. Mais il faut que nous leur procurions des espaces de sécurité pour qu’ils le puissent.
Enfin, la diversité est essentielle pour promouvoir une recherche digne de confiance, comme le souligne Naomi Oreskes. Certes, la science ne sera jamais exempte de limites, mais le fait même d’intégrer des perspectives diverses permet d’atténuer les risques de biais invisibles ou d’angles morts. Et en tant que chercheur·e·s en sciences sociales, l’étude de la diversité est au cœur de notre mission : elle est indispensable pour comprendre les structures de pouvoir qui traversent notre société et qui freinent le progrès social ainsi qu’une société plus juste.
Nos écoles ont fait, et continuent de faire, de la diversité, et plus largement de l’engagement en matière de responsabilité sociale, un élément clé de leur communication, mais aussi, de plus en plus, de leurs enseignements, de leur recherche et de l’ensemble de leurs activités. Pour préserver cet engagement précieux, le moment est venu de nous mobiliser collectivement. En tant qu’enseignant·e·s-chercheur·e·s, mais aussi en tant que dirigeant·e·s d’école qui doivent fournir un appui institutionnel et des ressources, nous devons occuper une place centrale dans ce combat, et faire preuve d’une vigilance active pour valoriser et soutenir fièrement les valeurs de diversité, d’équité et d’inclusion.
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