Communication RH : les limites du discours “super-héros”

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Pourquoi la métaphore du super-héros en entreprise est contre-productive ?

Communication RH : les limites du discours “super-héros”

de Juliette Millier d’Arcangues est Directrice Générale Déléguée et associée chez Insign

Non, vos collaborateurs et collaboratrices ne veulent plus être pris·es pour des super-héros et super-héroïnes !

Chers DRH, responsables de marque employeur et communicant·es internes, je crois qu’il est temps de ranger les capes, les collants et les masques au placard. “Rejoignez notre équipe de super-héros ! Libérez vos super-pouvoirs professionnels !” : ces phrases, on les trouve partout. Dans les offres d’emploi, les Job Fair, les communications internes, sur les sites carrière, et même peut-être sur les murs de certains open spaces. Quel que soit le secteur : restauration, santé, industrie, énergie … Mais franchement, qui y croit encore ?

La grande imposture des super-pouvoirs
Comment la rhétorique héroïque masque des attentes irréalistes

Si on veut être honnête (et j’ai envie de l’être) : quand une entreprise parle de “super-pouvoirs”, on sait bien ce qui se cache derrière, en réalité : la recherche de l’exploit individuel, l’engagement sans faille, une disponibilité 24/7, la capacité de gérer une très (trop) grosse charge de travail, et le tout avec le sourire ! Sans oublier cette injonction implicite à porter sur ses épaules des responsabilités qui ne sont pas les siennes.

Du marketing consommateur à la communication RH : un transfert problématique

Avant d’envahir la communication RH, les super-héros ont d’abord été exploités dans les publicités destinées aux consommateur·trices. On vous vend une assurance qui vous protège “comme un bouclier indestructible”, ou une banque qui gère votre argent avec “des pouvoirs extraordinaires”. La différence ? Les consommateur·trices paient pour obtenir ce produit ou ce service aux capacités prétendument surhumaines, on est du côté de l’offre. Dans la relation employeur/employé, c’est l’inverse : on vous demande d’être le super-héros ou la super-héroïne, d’incarner ces pouvoirs extraordinaires… sans compensation extraordinaire. Comme si en fait, on demandait aux collaborateur·trices de compenser les dysfonctionnements de l’entreprise, comme le font les supers-héros·ïnes avec les dysfonctionnements de leur monde imaginaire.

L’envers du décor héroïque

Les super-héros de fiction : des modèles réellement inspirants ?

Rappelons un point important. Dans la fiction, les super-héros sont souvent des êtres finalement assez dysfonctionnels, et c’est ce qui nous touche chez eux. Batman est un milliardaire traumatisé qui passe ses nuits à se battre au lieu de faire une thérapie. Iron Man, lui, est un narcissique anxieux qui a un problème avec l’alcool. Pour ne citer qu’eux. Est-ce vraiment le modèle que nous souhaitons pour nos équipes ? Des personnes isolées, en souffrance, sacrifiant leur équilibre personnel pour une “mission” plus grande qu’elles ? Et cette vision héroïque est d’autant plus problématique qu’elle ne correspond plus aux aspirations des nouvelles générations.

L’inadéquation croissante entre discours et aspirations professionnelles

Pourquoi la métaphore du super-héros ne fonctionne plus avec les nouvelles générations

Une partie croissante de jeunes diplômés assume de ne pas avoir d’ambition professionnelle et se déclare allergique au mot challenge. Et ce n’est pas surprenant. La nouvelle génération a compris une chose que ces communications n’ont pas encore intégrée : elle ne vit pas pour travailler, elle travaille pour vivre.

Le risque ? Des prises de paroles qui ratent leurs cibles. Ce que les jeunes attendent : un salaire décent (oui, les supers-héros·ïnes aussi ont des factures à payer), des horaires respectueux de leur vie personnelle, une reconnaissance qui ne se limite pas à des applaudissements, des perspectives d’évolution transparentes et réalistes, un environnement de travail où l’on peut dire “je n’y arrive pas” sans être considéré·e comme un paria… Bref, il·elles veulent être traité·es comme des humain·es, pas comme des machines à performance dotées de super-pouvoirs imaginaires. Et cette inadéquation révèle une autre réalité plus dérangeante encore.

Des supers-héros·ïnes sans super pouvoir

Ce qui me gène c’est que l’héroïsme est devenu la monnaie d’échange préférée des organisations qui ne veulent pas investir dans une véritable expérience collaborateur efficace et épanouissante. On vous vend du sens, de la mission, de l’impact, pour éviter de vous donner plus de salaire, plus d’avantages, plus d’équilibre. C’est comme si on demandait aux vrai·es supers-héros·ïnes de sauver le monde, mais sans leur donner de super-pouvoirs. Juste avec de belles paroles et une cape en polyester.

Au-delà du mythe héroïque

De la valorisation factice à la reconnaissance tangible

Vos collaborateur·trices ne sont pas des supers-héros·ïnes, et c’est tant mieux. Ce sont des professionnel·les qui méritent respect, conditions de travail décentes et reconnaissance tangible. Les organisations les plus attractives aujourd’hui ne sont pas celles qui promettent des aventures extraordinaires, mais celles qui donnent du sens au travail, au quotidien.

Comment créer une communication RH centrée sur l’humain

La solution réside dans l’authenticité. Les communications “employeur” doivent, plus que jamais, être ancrées dans le réel et partir des collaborateur·trices eux-mêmes, de leurs parcours, de leurs réussites quotidiennes, de leurs défis surmontés ensemble. Voire même en les construisant avec eux·elles. Chaque métier possède sa richesse propre, ses moments de fierté, ses compétences uniques qui méritent d’être valorisés sans artifice. Travaillons à les révéler !
La métaphore du super-héros/La métaphore du super-héros/La métaphore du super-héros

Juliette Millier, Directrice Générale Déléguée et associée chez Insign- agence de conseil en stratégie et design: Juliette Millier d’Arcangues, Directrice Générale Déléguée et associée chez Insign, travaille au développement des activités de conseil en marketing stratégique RH (développement de l’attractivité des entreprises, amélioration de la rétention des talents et accompagnement des changements stratégiques en entreprise) et le fait plus précisément pour des clients comme Disneyland Paris, OVHCloud, IDEMIA.