Télétravail post-Covid : le malaise des managers face à l’autonomie

Malaise des managers et  autonomie Steve Osler, CEO, Wildix

Télétravail post-Covid : le malaise des managers face à l’autonomie

Malaise des managers et autonomie. Selon l’INSEE, 22 % des salariés français ont télétravaillé au moins une fois par semaine en 2024, un chiffre stable depuis 2022 (1). Or, dans le même temps, de nombreuses entreprises imposent un retour massif au bureau sous prétexte de « restaurer la culture d’entreprise » ou « améliorer la productivité ». En réalité, le retour au bureau est moins une nécessité opérationnelle qu’un aveu de faiblesse managériale.

Un problème de leadership, pas de performance

Cinq ans après le choc de la pandémie, le débat autour du télétravail divise toujours. Désormais, Amazon, Dell, Microsoft ou même Zoom – des entreprises pourtant à l’origine d’outils emblématiques du travail à distance – semblent vouloir revenir sur la flexibilité qu’elles avaient prônée. Pourtant, le télétravail n’a pas échoué. Ce sont plutôt certains dirigeants qui ont échoué à le gérer. En réalité, la crise du Covid a démystifié les pratiques managériales traditionnelles, le plus souvent basées sur la surveillance, le contrôle visuel et l’impératif de présence physique. Il n’est donc pas étonnant qu’une fois les équipes dispersées, certains dirigeants aient paniqué et mis en place des pratiques à la limite de la légalité : vérifications abusives, logiciels de surveillance, injonctions paradoxales…

Des pratiques discutables

Pourtant, les chiffres devraient contribuer à les rassurer : 87 % des télétravailleurs estiment être aussi ou plus productifs lorsqu’ils travaillent à distance, tandis que seuls 12 % des salariés pensent que le retour au bureau améliore leur productivité (2) (3). C’est là que réside le vrai malaise. Grâce au télétravail, nous sommes passés à un monde où la performance ne peut plus être mesurée à l’aune du présentéisme. Certains cadres dirigeants, en perte de repères, ont donc beaucoup de mal à passer d’un management basé sur le contrôle à un leadership fondé sur la confiance, la responsabilisation, et les résultats. Et le télétravail n’est pas le problème : il est juste le révélateur d’un changement de paradigme que tous les dirigeants ne sont pas prêts à embrasser.

Un retour au bureau fondé sur l’ego et la peur

En vérité, pour beaucoup d’entreprises, le retour au bureau ne sert qu’à justifier des investissements passés : sièges sociaux coûteux, baux longue durée, réorganisations structurelles. Certaines invoquent la notion de « collaboration » mais ce terme est souvent vidé de son sens originel. Il est devenu synonyme de réunions inutiles ou d’interactions imposées. Derrière ces raisons se cache en réalité une peur diffuse : celle de ne plus savoir “diriger sans voir”. Or, 74 % des employés estiment que la surveillance entame leur confiance envers la direction. Un chiffre préoccupant qui sonne comme un signal d’alarme : la méfiance envers les collaborateurs détruit la motivation, bien plus sûrement que l’isolement physique. Imposer un retour au bureau, c’est souvent envoyer le message suivant : « Nous ne vous faisons pas suffisamment confiance pour vous laisser travailler sans supervision directe. »

La productivité ne se joue plus entre quatre murs

Les entreprises ayant adopté des politiques de flexibilité constatent une augmentation de 29 % de leur productivité et une hausse de 53 % de leur capacité à retenir les talents (4). Dans le même temps, 64 % des salariés déclarent qu’ils envisageraient de quitter leur poste si on leur imposait un retour à temps plein au bureau (5). Loin de résulter de caprices générationnels, cette évolution des attentes des salariés est structurelle. Des attentes d’autant plus compréhensibles que les gains sont mesurables : les salariés en télétravail économisent en moyenne 11 à 14 heures par semaine (6), sans compter les économies financières (environ 2400 euros par an pour un salarié français) (7). Une flexibilité qui génère des bénéfices innombrables : amélioration de la santé mentale, réduction du stress, et meilleur équilibre entre vie professionnelle et personnelle. Or, un salarié bien dans sa vie est un salarié plus engagé, plus créatif et plus fidèle.

Le travail du futur sera distribué… ou sera en retard

Les entreprises qui refusent d’opérer cette transition prennent un risque majeur : celui de perdre leur attractivité. Les jeunes générations, plus mobiles et plus sensibles aux enjeux de qualité de vie, privilégient les employeurs qui offrent de la flexibilité. 94 % des candidats affirment que cette flexibilité est un critère décisif dans le choix d’un poste (9). Face à ces nouvelles attentes, persister dans un modèle rigide, c’est perdre la guerre des talents. D’autant plus que l’argument environnemental pèse lourd dans l’équation : un télétravailleur à plein temps peut réduire jusqu’à 54 % son empreinte carbone personnelle (10) et permettre à son entreprise de réaliser des économies substantielles en termes d’électricité, de chauffage, et de surface immobilière. À l’heure où la RSE devient un pilier stratégique pour les directions générales, imposer le retour au bureau tout en prônant la durabilité devient un exercice compliqué.

Ce que révèle le retour au bureau : une résistance au changement

Finalement, ce qui se joue dans les coulisses de ce retour au bureau, loin d’une exigence de performance, ressemble plutôt à une nostalgie d’un monde managérial dépassé. Un monde perdu où le contrôle rassurait, où la hiérarchie se voyait à l’œil nu et où le statut se mesurait à la taille du bureau ou au véhicule de fonction. Les entreprises qui prospèrent aujourd’hui sont celles qui ont compris que le travail n’est plus un lieu, mais un résultat. Ayant réussi à opérer leur mue, elles misent sur des outils collaboratifs intelligents, l’autonomie des collaborateurs et une évaluation par objectifs. Et la bonne nouvelle est qu’elles en récoltent les fruits en termes d’innovation, de fidélisation et d’efficacité. Au bout du compte, le vrai défi n’est pas de faire revenir les gens au bureau, mais de réinventer un leadership capable de mobiliser sans contraindre, de faire confiance sans susciter le relâchement et de diriger sans surveiller.

1.Etude INSEE, 2024
2.Owl Labs, State of Remote Work 2024  https://resources.owllabs.com/state-of-remote-work/2024
3.Future Forum Pulse, Q1 2025 https://futureforum.com/pulse-survey/q1-2025
4.Gartner, Future of Work Trends 2025 https://www.gartner.com/en/articles/future-of-work-trends-2025

6.Global Workplace Analytics 2024  https://workinstitute.com/resources/retention-report
7.Work Institute, 2024 Retention Report https://globalworkplaceanalytics.com/telecommuting-statistics
8.Rapport de l’institut Sapiens sur l’avenir du télétravail, 2021
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Steve Osler, cofondateur et CEO de Wildix: Ingénieur de formation, Steve Osler est cofondateur et CEO de Wildix, référence incontournable des communications unifiées. Sous sa direction, cette entreprise familiale est devenue un leader mondial sur son marché, reconnue par Gartner