Fintech, IA et confiance : l’innovation n’est pas une course à l’automatisation

Alors que la France débat de la régulation de l’intelligence artificielle et que la confiance numérique devient un enjeu de souveraineté, le secteur de la fintech se retrouve à la croisée des chemins. Entre l’essor des paiements instantanés, la généralisation de l’open banking et l’arrivée du règlement européen sur l’IA, l’innovation avance à grande vitesse. Mais à mesure que les algorithmes s’imposent dans les processus décisionnels, une question essentielle demeure : jusqu’où peut-on automatiser sans déshumaniser ?

Dans un contexte économique tendu, où commerçants et petites entreprises cherchent à maintenir la confiance de leurs clients malgré l’incertitude, la technologie ne peut pas être une fin en soi. L’enjeu n’est pas seulement de rendre les services plus rapides ou plus efficaces : il est de préserver la dimension humaine qui fonde la relation de confiance entre un commerçant et son client.

La technologie à hauteur d’humain

L’innovation responsable consiste à concevoir la technologie autour de la personne qui l’utilise. Dans les services financiers, cela signifie ne pas perdre de vue que derrière chaque terminal, il y a une vie professionnelle, un risque personnel, une émotion. Les utilisateurs apprécient la rapidité et la disponibilité de l’IA pour les tâches simples : vérifier un paiement, suivre un versement, débloquer un compte.

Mais dès qu’une situation devient complexe ou sensible – un litige, une erreur, une incompréhension – ils attendent autre chose qu’une réponse automatisée : ils attendent de l’écoute, du discernement, de l’empathie. C’est à ce moment précis que se joue l’équilibre : utiliser l’IA pour accélérer sans jamais court-circuiter le lien humain. L’automatisation doit libérer du temps pour la relation, pas la remplacer.

Les modèles d’IA appliqués à la détection de fraude ne se contentent pas de signaler automatiquement les anomalies : chaque alerte est examinée par un spécialiste qui peut décider d’une action adaptée. Cette approche hybride garantit la rapidité du traitement tout en conservant la confiance des commerçants et de leurs clients.

Vers une IA éthique, explicable et juste

Dans la fintech, les décisions automatisées peuvent avoir un impact direct sur la vie
d’une entreprise : un paiement bloqué, une vérification de conformité, une évaluation de risque. Cela impose un devoir de transparence et d’explicabilité. Toute décision prise par un modèle doit pouvoir être comprise, contestée et revue par un humain.

L’IA ne sera digne de confiance que si elle reste explicable et réversible. Cela suppose de mesurer ses performances, de détecter les biais et de garantir un droit à la révision humaine. Il ne s’agit pas seulement d’un impératif réglementaire, c’est une exigence morale et économique : la confiance ne se code pas, elle se mérite.

L’inclusion comme moteur d’innovation

L’intelligence artificielle offre également une formidable opportunité : rendre les services financiers plus inclusifs. Reconnaissance vocale, interfaces simplifiées, traduction automatique… ces outils permettent à davantage de personnes d’accéder aux services financiers, quelles que soient la langue ou la situation.

Mais cette inclusion ne doit pas être superficielle. La vraie inclusion, c’est celle qui laisse le choix : celui d’être accompagné par un humain quand on en a besoin.

Innover sans déshumaniser

L’IA transforme la fintech : elle fluidifie les paiements, renforce la sécurité et personnalise les services. Les prestataires qui expérimentent des modèles de détection de fraude automatisés ou des systèmes d’évaluation de risque adaptatifs montrent que la technologie peut accélérer les processus tout en restant centrée sur l’humain.

L’innovation n’a de sens que si elle reste au service de l’humain – pas au-dessus de lui. L’enjeu consiste à combiner algorithmes et supervision humaine, pour que chaque décision automatique soit vérifiée et contextualisée par un expert. Dans la finance comme ailleurs, la prochaine révolution technologique sera aussi – et surtout – une révolution de confiance.

Article précédentPourquoi les dirigeants doivent professionnaliser leur gestion financière personnelle
Abdenour Bezzouh, CTO chez myPOS
Abdenour Bezzouh a + de 25 ans d'expérience en leadership en ingénierie et transformation numérique sur 4 continents. Une expertise dans la transformation des organisations et des technologies au sein du secteur financier, notamment dans les technologies grand public, les solutions SaaS pour entreprises et la fintech. Une longue carrière aussi chez Intuit dans la Silicon Valley et a occupé le poste de Directeur des Opérations et des Technologies chez Banco Santander, où il a piloté la transition de la banque vers une plateforme de services financiers mondiale et lancé de nombreuses initiatives titulaire d'un master en télécommunications et informatique (Paris Télécom) et une certification en gestion de projet et méthodologie Agile (Université Carnegie Mellon Californie).