Selon MergerMarket, le marché des fusions et acquisitions (fusac) s’est élevé au total à 3 200 milliards de dollars en 2020. Bien que le COVID ait impacté ces activités, avec un recul de 6,6 % par rapport à 2019, le bilan reste toutefois positif. En France aussi les nouvelles sont positives, notamment avec l’alliance du joaillier Tiffany avec le groupe de luxe LVMH, la fusion Peugeot-Fiat, en janvier dernier, ou encore celle d’Alstom-Bombardier, annoncée plus tôt au cours du mois de février 2021. Or, ces annonces ne sont que la partie visible d’un iceberg dont la partie immergée est très complexe. En effet, ces transactions s’étalent sur plusieurs mois et nécessitent différentes étapes allant de la proposition de rachat, en passant par la négociation jusqu’à l’intégration des deux entités. Ce dernier point, peut souvent se révéler critique au niveau des collaborateurs, et nécessite une préparation en amont ainsi qu’une stratégie de communication claire et efficace, afin de garantir le succès de cette transaction.
Lorsque deux entreprises décident d’unir leurs forces, que ce soit via une acquisition ou une fusion, la question de l’intégration des outils, des services et donc des employés se pose rapidement. De manière générale, ces discussions restent confidentielles jusqu’à ce que l’accord soit finalisé ; les employés en en sont informés à ce moment-là seulement. Si, pour des raisons juridiques et de concurrence, il ne peut en être autrement, il est toutefois important d’intégrer très tôt dans la stratégie la manière dont amener cette annonce aux collaborateurs. Le facteur risque est omniprésent durant une fusion-acquisition, il est donc primordial d’évaluer l’ensemble des problématiques susceptibles de survenir et de préparer l’avenir afin de fédérer les employés autour d’une vision et de valeurs communes. Cela constitue une condition sine qua non de la diffusion de la nouvelle culture visée par le groupe consolidé.

L’employé, élément clé d’une stratégie de fusac

Les fusions et acquisitions sont généralement facteurs de stress et d’anxiété pour les employés qui craignent de perdre leur emploi d’une part, mais également leur statut dans l’entreprise ou les avantages dont ils bénéficiaient. Il n’est en effet pas inhabituel que ces annonces soient suivies de restructurations et que cela conduise entre autres à des licenciements. C’est pourquoi, il est important de préparer ces décisions en amont et d’anticiper la manière dont les employés y répondront, en tenant compte de différents scénarios possibles. Or, dans ces processus stricts et bien verrouillés, il n’est pas rare que les entreprises omettent l’aspect humain – pourtant essentiel – dans leur transaction ; celle-ci appartenant à une seconde étape : post fusac.
Cependant, s’il est évident que la direction ne peut communiquer proactivement en amont sur les plans et la négociation, il est important de préparer cette étape au niveau des employés dès le début, afin d’éviter les déconvenues ou le départ impromptu de collaborateurs, dont les compétences sont précieuses à l’organisation. De telles situations peuvent survenir en raison d’incompréhensions ou encore d’une communication incomplète ou erronée.
Par conséquent, sonder l’engagement des employés par rapport à de nombreux points de leur organisation permet de déterminer la meilleure stratégie « humaine » à adopter. En effet, diriger une entreprise nécessite de l’attention de la part du dirigeant, cela fait notamment écho à l’une des citation de Richelieu qui estimait qu’ « il faut écouter beaucoup et parler peu, pour bien agir au gouvernement d’un Etat » ; de même, le dirigeant d’une entreprise doit avoir connaissance en amont de l’impact de sa décision sur ses employés ; si cela ne doit pas nécessairement influencer sa décision finale, cela peut aider à rendre l’intégration la plus fluide et sans couture possible.

« Ecouter, c’est encore ce qu’il y a de mieux pour bien entendre » Beaumarchais

Ainsi, l’accent a beaucoup été mis sur le ressenti des employés au cours des dernières années. La relation employeur/employé s’est transformée avec l’évolution de la société. Aujourd’hui, nous nous éloignons progressivement des schémas patriarchaux qui ont défini le travail depuis plusieurs décennies. Un cadre dans lequel la loyauté de l’employé envers son employeur a longtemps été conditionnée par le contrat moral et l’obtention d’un salaire.
Il y a encore trente ans de cela, l’obtention d’un poste faisait en effet du salarié l’obligé de son entreprise ; on parlait de « sécurité de l’emploi » et même si le poste était obtenu sur la base du mérite et des compétences, le rapport de subordination était plus marqué qu’il ne l’est actuellement. Cela ne signifie pas pour autant que le rapport hiérarchique et le respect ont disparu, ils ont simplement été redéfinis pour s’adapter au monde actuel. Les frontières se floutent et la notion de hiérarchie se redessine aujourd’hui, porté par la culture de l’auto-entrepreneuriat, des start-ups et boosté par la transformation numérique qui réinvente les codes.
Le rapport employé/employeur s’est ainsi transformé, remettant l’humain et le ressenti collaborateur au centre des priorités – ce dernier étant essentiel à la performance et au succès d’une entreprise ; faisant de l’employé un facteur clé du succès d’une fusion ou d’une acquisition. En effet, si une telle opération est conduite sans tenir compte des employés en place, le climat d’incertitude qui s’installe dans ces périodes, renforcé par les spéculations qui accompagnent ce genre d’annonces, peut créer une instabilité au sein des collaborateurs. Des craintes et parfois même un désengagement peuvent ainsi naître si les employés ne sont pas rassurés ou du moins si la direction que l’entreprise souhaite n’est pas communiquée de manière claire.

Le dialogue, vecteur de confiance

Une entreprise qui communique régulièrement avec ses employés, peut constamment en identifier les axes de progrès, susceptibles d’être ensuite transformés en plans d’actions. De cette visibilité régulière sur la perception des employés, naissent des initiatives porteuses pour la productivité et la compétitivité. Un employé heureux, est après tout un employé productif. Si le dirigeant fait face à d’autres enjeux complexes, au-delà du bien-être de l’employé, ce facteur doit peser dans sa balance décisionnelle. Il peut par exemple mettre en place un outil de dialogue social qui n’est plus seulement articulé autour des élus, ni des managers. Il s’agit d’une troisième voix renouvelée, en expression directe et sans filtre. Dans le cadre d’une fusion, par exemple, cela permet de construire une nouvelle culture d’entreprise commune. Cet enjeu de communication interne et régulier est essentiel pour fidéliser les employés, et d’inclure les managers dès le début de cette démarche.
Aucune décision n’est simple lorsqu’il s’agit des directions d’entreprises, il est naturel de ne pas toujours faire l’unanimité au sein des employés. Or, ce qui est clé pour gérer au mieux cette politique de changement est de communiquer de façon claire et stratégique auprès des parties concernées. De cette manière, il sera plus facile d’ajuster ses plans, de préparer les différents scénarios auxquels la direction sera potentiellement confrontée et d’y répondre de la manière la plus optimale afin de permettre la poursuite des activités de l’entreprise.