Ludovic Deblois, entrepreneur, riche d’une expérience à l’international sur des sujets environnementaux a fondé Sunpartner Technologies qui a inventé le verre photovoltaïque transparent permettant à n’importe quelle surface de produire de l’énergie. Avec “les licornes aussi renaissent de leurs cendres” (Editions Candela), il veut transmettre son expérience et montrer que gérer une start-up est parfois violent.

CDM : Votre personnage principal est une femme contrairement à vous, pourquoi avoir fait ce choix ?    

Ludovic Deblois : Je ne voulais pas que ce roman soit autobiographique. Je voulais imaginer une histoire de toute pièce et laisser la créativité s’exprimer. Passer par un personnage féminin m’a beaucoup aidé. Mais ce n’est pas la seule raison. Je trouve qu’il y a trop peu de femmes aux responsabilités et cela doit changer ! Nous vivons une époque formidable où beaucoup de schémas injustes peuvent enfin être remis en cause. Pour autant, nous faisons souvent face à de vieux démons et nombreux sont ceux qui continuent de défendre le patriarcat tout-puissant. Alors, comme ce n’est jamais gagné, il faut continuer le combat. Avec ce personnage féminin aux commandes d’une start-up innovante, j’espère y contribuer modestement.

CDM : Vous êtes un ancien entrepreneur, on se dit que ce livre est votre histoire… c’est cela ? Quels sont les éléments de votre vécu que vous avez intégré dans cette histoire ?

Ludovic Deblois : Ce n’est pas une autobiographie, mais ce livre s’inspire d’événements que j’ai pu vivre. Ils s’inspirent aussi de témoignages que j’ai pu recueillir au fur et à mesure de mes rencontres. Une chose est certaine, dans mon expérience d’entrepreneur, j’ai constaté de nombreux comportements limités au tandem difficile du prédateur et de la proie, ancré dans les lois du capitalisme agressif. Ces attitudes ne m’ont pas laissé indifférent voire m’ont heurté profondément. Ces émotions, que j’ai ressenties à différents moments de ma vie, j’ai essayé de les retranscrire dans ce roman. Parce que c’est une fiction, je pense que le mystère de ce qui est réel ou non doit rester intact, mais si je peux vous partager un souvenir bien réel, mémorable, dont je me suis inspiré pour cette histoire, c’est la remise de prix du CTIA aux États-Unis qui a récompensé toute l’équipe de Sunpartner.

CDM : L’histoire dépeint une version dure du monde des start-up, loin des success-stories mis en lumière ? Vous vouliez casser une vision trop angélique ?

Ludovic Deblois : Aujourd’hui nous sommes dans une période où on vénère les startuppeurs autant que les artistes ou les sportifs de haut niveau. Je ne suis pas opposé à cette mise en lumière bien sûr, car cela contribue à donner envie aux gens de créer, et la création est la base de tout ! C’est comme cela que l’humain se connecte à lui-même. Cela étant dit, de la même manière qu’il vaut mieux ne pas idéaliser les vies d’artistes et de sportifs, je souhaitais transmettre mon expérience et montrer aussi que gérer une start-up est parfois violent. On se confronte à des contradictions fortes auxquelles il faut faire face. Je voulais aussi montrer que le projet occupe toute la vie de l’entrepreneur et qu’il ne reste plus beaucoup de place pour la vie privée la plupart du temps.

CDM : Vous avez choisi de parler également des coulisses d’une campagne présidentielle, pourquoi avoir traité ce second sujet à côté de l’aventure entrepreneuriale ?

Ludovic Deblois : Dans cette aventure entrepreneuriale, je mets en lumière la violence que l’on rencontre parfois dans le monde financier et le monde des affaires. J’observe aujourd’hui que cette question de la mainmise de ces univers sur notre quotidien est au cœur de la question des citoyens tout comme la façon dont on peut transformer nos démocraties demain. Face à ces enjeux fondamentaux, on remarque à la fois une forme d’espoir et de rejet et d’amertume qui opposent l’envie de transformation et l’envie de renverser la table. J’avais envie de décrire cette tension, je suis convaincu qu’il y a urgence à avancer si on ne veut pas que les pays européens se déstabilisent et connaissent des retours en arrière malheureux en termes de démocratie.

CDM : La start-up s’inscrit dans le secteur de l’IA, un secteur en pleine croissance et aux potentiels exponentiels… Vous qui étiez à la tête d’une entreprise dans l’innovation solaire, comment vous êtes-vous documenté, et quel regard portez-vous sur ces innovations ?

Ludovic Deblois : L’intelligence artificielle est dans notre quotidien, donc quand on s’intéresse aux technologies c’est difficile de passer à côté ! Je me documente depuis longtemps à ce sujet, car il touche notamment le domaine de l’énergie pour sa gestion et sa distribution intelligentes. Pour mon livre, je me suis documenté sur les avancées récentes de l’IA pour comprendre en quoi elle peut à la fois nous réjouir par la multitude d’applications possibles et nous effrayer étant donné les impacts sur notre quotidien et peut-être même sur notre nature humaine. Le regard que je porte c’est qu’aujourd’hui il y a un courant très fort de scientifiques et d’entrepreneurs qui nous mettent en garde sur la compétition possible entre les êtres humains et les robots. J’en suis assez convaincu, ce n’est pas de cela dont que l’on devrait craindre, mais plutôt notre dépendance voire notre soumission aux robots. C’est un sujet que je traite dans le livre grâce au personnage de Julie qui développe un robot intelligent capable d’intervenir sur des sites difficiles et grâce aux personnes qu’elle rencontre.

CDM : Quels conseils donneriez-vous à de jeunes entrepreneurs qui rêvent d’aventures technologiques ?

Ludovic Deblois : Armez-vous de persévérance, car développer une technologie demande de faire face à de nombreuses incertitudes. Il faut être certain de votre engagement total. Ensuite, assurez-vous d’avoir des moyens financiers, l’idéal étant d’avoir une activité plus commerciale qui génère des revenus en parallèle. Lever de fonds c’est souvent nécessaire, mais attention de ne pas perdre son autonomie.

CDM : Et maintenant ? Quels sont vos projets ?

Ludovic Deblois : Après cette aventure entrepreneuriale, j’ai décidé d’écrire ! Ponctuellement je conseille des entrepreneurs ou entrepreneuses qui se lancent, mais la grande majorité de mon temps est dédié à l’écriture. Je travaille sur un essai et un roman d’anticipation. En parallèle je coécris un documentaire. J’ai trouvé dans l’écriture un autre vecteur de créativité qui m’épanouit chaque jour, pour l’instant j’ai l’intention de me concentrer sur cette voie. J’ajoute que dans cette nouvelle vie je travaille toujours beaucoup, en revanche je prends plus de temps dédié à la réflexion, et à mon fils de 3 ans.