Lorsqu’il est question de changement au sein d’une organisation, il existe des outils éprouvés, comme la mise en place d’un réseau d’ambassadeurs. Dans le cadre d’une transformation numérique, passer du papier à l’informatique peut totalement chambouler les habitudes des collaborateurs. Une transition qui peut être véritablement vécue comme une épreuve, car les repères, les pratiques et les attentes évoluent.

C’est d’ailleurs ce que montre un baromètre sur l’accompagnement au changement humain Empreinte Humaine/IFOP[i]. En effet, 43 % des salariés interrogés considèrent que les changements menés au sein de leur entreprise ont eu un effet négatif sur leur activité. Pire encore, 71% d’entre eux jugent que ces changements ont impacté négativement leur état de santé morale. Manque d’accompagnement, d’écoute, de participation active
des salariés ?

Dans un contexte où les entreprises sont très régulièrement amenées à s’adapter, voire se réinventer, les changements sont nombreux et partout : changements dans les méthodes ou les processus de travail, réorganisations structurelles, implémentation de nouvelles solutions ou d’un nouveau système informatique, réduction des effectifs, transformation des modèles économiques… Plus l’héritage organisationnel d’une entreprise est fort, plus la tâche de faire accepter les changements s’avère ardue si la méthode est inadaptée. Alors comment s’y prendre ?

Du vécu individuel à la résultante collective : une synergie à créer

Tout changement, pour être bénéfique, passe par différentes étapes au niveau individuel. L’ensemble des personnes qui le vivent doivent d’abord avoir conscience de la nécessité de ce dit changement, mais aussi vouloir y prendre part. Dès lors, elles seront en mesure d’acquérir les connaissances nécessaires pour y contribuer.
Puis, vient le moment de la capacité à mettre en œuvre ces changements. On considère qu’à cette étape le changement peut d’ores et déjà apporter des bénéfices. Il est cependant nécessaire de le renforcer en créant de nouvelles normes comportementales ou de nouvelles habitudes. Cette partie est souvent négligée alors qu’elle est seule garante d’une pérennisation collective des bénéfices du changement.

A chaque projet de changement, s’opposent également les enjeux du sentiment de contrôle. Le changement questionne notre capacité à maitriser le futur, nous adapter, faire face là où nous avions nos habitudes, nos compétences et nos certitudes et ainsi une certaine stabilité.
En effet, le sentiment de contrôle et son corollaire, le sentiment d’efficacité personnelle[ii], constituent un moteur de la plupart des conduites humaines. Leur retrait ou leur absence a d’ailleurs maintes fois démontré des effets délétères dans le domaine de la santé ou de la performance professionnelle[iii]. Lorsqu’un changement d’ampleur menace le sentiment de contrôle, les personnes impactées vont faire en sorte de le préserver ou le retrouver. Manifestations de mécontentement, usage passif des solutions mises à disposition, retenue d’informations stratégiques, mais aussi surinvestissement dans le projet de changement, consommation abusive d’informations, sur-validation… l’éventail des comportements individuels est large tout autant que sa résultante collective. Pour faire face à cette problématique et dans un souci de pragmatisme, plusieurs pistes sont envisageables voire essentielles.

Anticipez les différents impacts du changement

La première consiste à prendre en considération l’ensemble des implications du changement à venir et ses impacts sur chacune des personnes touchées. La méthode Prosci en distingue 10 :
– les processus,
– les systèmes,
– les outils,
– les rôles professionnels,
– les comportements critiques,
– les attitudes /états d’esprit/croyances,
– la structure hiérarchique,
– les modalités d’évaluation de la performance,
– les compensations et bénéfices,
– le lieu.

Plus le nombre d’aspects en cause est important et de grande intensité, plus le projet est risqué et doit être accompagné sur le volet humain. En effet, la capacité à s’adapter au changement y sera plus fortement malmenée. Concrètement, ces éléments de diagnostic, quand ils sont anticipés, doivent faire l’objet d’actions dédiées et cohérentes. Ces dernières doivent également être orchestrées par un plan daccompagnement dans l’objectif de créer la volonté d’aller vers le changement.

Dans le contexte de projets numériques il est fréquent de réduire l’accompagnement à des actions de formation à l’usage des outils implémentés. Mais si l’on considère le changement dans sa globalité, on peut s’apercevoir que la solution technique nécessite de nouveaux rôles professionnels par exemple.  Ce qui induit tant de nouveaux leviers que de blocages potentiels qu’il serait vain de ne traiter qu’avec la seule formation.

Définissez des ambassadeurs

Pour pouvoir accompagner au mieux les transformations induites par un projet de changement, il est ensuite indispensable d’adopter une posture stratégique et visionnaire. Et pour la concrétiser, de faire appel à un réseau d’ambassadeurs chargés de promouvoir le projet en interne s’ils en sont eux-mêmes convaincus à la manière d’influenceurs.
Celui-ci comprend différents rôles qui entrent en interaction les uns avec les autres : sponsor, chef de projet, utilisateurs clé, managers, fonctions support… tout l’enjeu est de créer une dynamique positive autour du projet et de faciliter la communication à double sens. Et donc de (re)considérer le projet sous l’angle des contributions de chacun dans toute leur diversité.

Capitalisez sur l’effet de réseau

Pour ce faire, certains outils permettent d’évaluer le réseau de changement pressenti et ainsi différencier l’accompagnement de ces personnes, en fonction de leurs besoins particuliers.
Les deux caractéristiques essentielles à retenir pour cette évaluation concernent :
– la disposition relative au changement que l’on souhaite mener (opposant, neutre, coopérant),
– la compétence à être ambassadeur de la démarche.

On comprend aisément qu’une personne enthousiaste et ayant des facilités à communiquer ne devra pas être accompagnée de la même manière qu’une personne récalcitrante au projet et non familière avec le partage d’informations et la collaboration. Dans le cadre de l’animation d’un réseau d’ambassadeurs, l’enjeu principal réside dans la capacité des porteurs du projet à permettre à ces ressources de progresser vers des objectifs communs qui apportent de la valeur pour tous.

Quel est le rôle du sponsor ?

La gouvernance d’un projet et particulièrement l’efficacité du sponsor est l’atout numéro 1 des projets de changement qui atteignent leurs objectifs, et ce depuis 22 ans selon les analyses de pratiques de Prosci. Toujours selon cette étude biannuelle, la probabilité de réussir son projet est 2,5 fois plus importante avec un sponsor extrêmement efficace comparativement à un sponsor inefficace.
Dans les faits, le sponsor doit s’inscrire à la fois dans la continuité de ce qui a fait la force de l’entreprise et son adaptabilité. Il doit également prendre en compte les enjeux de la transformation tout en ménageant ses collaborateurs dans les changements graduels qui vont être opérés.
Moins faiseur que chef d’orchestre, le sponsor doit également être en capacité de gérer les questions de ressources, de priorisation et d’articulation avec les autres projets qui ne manqueront pas d’entrer en concurrence. Et donc ainsi protéger les collaborateurs du risque de saturation. La légitimité et le positionnement hiérarchique de ce rôle est donc un prérequis d’importance.

Enfin, le plan d’accompagnement se doit d’être progressif et agile. L’objectif est de délivrer de la valeur pour tous en continu, l’engagement actif et visible du sponsor étant la clé pour réussir.

Trois clés pour bien gérer le changement

Trois points sont essentiels :
– La vision de l’état futur doit être claire, partagée puis rappelée tout au long du projet. Il est indispensable de multiplier les opportunités d’échange avec l’ensemble des salariés à propos de ce fil rouge que les actions projet concrétisent peu à peu.
– Pour permettre au changement de se concrétiser, la construction et l’animation d’un réseau de changement est indispensable. En outre, des outils ayant fait leurs preuves sont nécessaires pour instaurer une cascade de responsabilités pertinente. A cela s’ajoute une communication et une écoute de qualité. En complément de compétences techniques qui semblent évidentes, des compétences relationnelles et humaines sont primordiales.
– La stratégie mise en œuvre doit s’adapter aux perceptions des destinataires du changement moins en termes de contenus qu’en termes de séquencement et d’ordonnancement. Chaque action d’accompagnement doit répondre aux besoins et blocages des destinataires du changement au moment opportun. Ce sont autant de moyens de lever les potentiels obstacles auxquels l’entreprise pourrait se heurter.

[i] Étude Empreinte Humaine/IFOP – tous droits réservés – www.empreintehumaine.com du 24 février au 1er mars 2016, sur un panel de 1044 participants.
[ii] Bandura, A. (2019). Auto-efficacité: comment le sentiment d’efficacité personnelle influence notre qualité de vie. De Boeck Supérieur.
[iii] Ric, F. (1996). L’impuissance acquise (learned helplessness) chez l’être humain: une présentation théorique. L’année psychologique, 96(4), 677-702.