Bien plus qu’un effet de mode, le bien-être au travail est une notion qui prend de plus en plus d’ampleur au sein même des d’entreprises. Les études sur ce sujet font état d’un ROI de 1,50$ à 8$ (1). Pour autant, convaincre les entreprises du bien fondé de ces mesures reste encore difficile. Explications par une experte.

La jeune génération refuse l’entreprise top down et le management directif

Poussées par l’évolution mondiale des modes de fonctionnement, et la jeune génération qui refuse une entreprise top down et un mode de management directif, certaines entreprises évoluent en réfléchissant à la mise en place d’évolutions de culture managériale, en intégrant une dimension plus collaborative dans leurs pratiques notamment. Et cela fonctionne.
Lorsque les chefs d’entreprise, les directeurs de département, ou les directeurs d’entité essayent de s’adapter à cette nouvelle génération, donc lorsqu’ils lâchent le contrôle, qu’ils osent ne plus avoir peur. De surcroît, les effets bénéfiques de la bonne santé au travail ont de multiples impacts :
– ils contribuent au bien-être des salariés
– ils améliorent la productivité et qualité des produits
– ils renforcent l’image et la réputation de l’entreprise
– ils réduisent l’absentéisme (baisse du nombre de jours d’invalidité)
– ils font baisser les coûts de soins de santé.
Une prise de conscience de plus en plus forte du lien entre risques psychosociaux, conditions et organisation de travail, et le besoin de sens induit par son emploi et les relations interpersonnelles amènent les dirigeants des entreprises à considérer que les programmes de prévention ou de promotion de la santé ne sont pas uniquement
des « dépenses» pour l’entreprise mais plutôt un investissement (à moyen ou long terme).
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Quelle avancée en matière de risques psychosociaux

Le champ est vaste, et parler de bien-être et de qualité de vie au travail ne doit pas faire oublier les risques qui se cachent derrière, et qui doivent être identifiés en premier lieu, avant d’élargir le spectre. On peut identifier et mesurer les risques psychosociaux, et sur ce terrain, les grandes entreprises, en ayant établi une liste de ceux-ci – stress, burn-out, harcèlement et violence – ont de l’avance sur les TPE et les petites PME. Aussi, lors d’interventions dans les entreprises sur le thème de la qualité de vie au travail, on s’interroge d’abord sur l’avancée de l’entreprise en matières de risques psychosociaux.
Les différents sites du Ministère du travail, de l’ANACT, de l’INRS, du CNAM, ou encore de l’Assurance Maladie, regorgent d’informations sur le sujet, presque trop. À tel point qu’au sein des entreprises, on ne sait plus exactement comment appréhender le sujet.
Un des enjeux commun pour chacun n’est donc pas de définir des stratégies, mais de savoir comment faire de la mise en œuvre concrète et pragmatique. Une mise en oeuvre qui passe en premier lieu par l’implication nécessaire des dirigeants. Il est toujours intéressant d’organiser des colloques avec des services de santé au travail, des partenaires sociaux, et les meilleurs experts du monde, mais comment faire bouger les entreprises sans les dirigeants eux-mêmes ?
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Une bonne qualité de dialogue social au sein de l’entreprise

Sortir de la polémique « politique » et arriver à discuter de façon constructive avec des dirigeants nécessite une bonne qualité de dialogue social au sein de l’entreprise. Si l’on arrive de façon pragmatique, en essayant de concilier qualité de vie au travail/bien-être – peu importe le mot que l’on va utiliser, il faut définir ce que l’on y met, alors, on arrive à faire en sorte que les dirigeants s’approprient cette thématique, et  à faire avancer les entreprises sur le sujet.
Sans passer de tout l’un à tout l’autre, il faut trouver un équilibre entre un modèle de management directif et un modèle de management participatif. Lors des réunions organisées par les CHSCT (Comité d’hygiène, de sécurité, et des conditions de travail), la place laissée à ces sujets de discussion est extrêmement infime. On parle beaucoup des conditions de travail, d’ergonomie du travail, mais très peu de la qualité du travail ou des modes de management.
Aussi, pour développer le bien-être au travail il ne faut pas uniquement compter sur les dirigeants. Tous les acteurs de l’entreprise, ont une coresponsabilité, qui passe par le développement au sein de l’entreprise de l’émotion positive et de la qualité relationnelle.
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Comment faire avancer les entreprises

Il reste à savoir comment les entreprises peuvent, de façon concrète, avancer pour favoriser le bien être. Parmi les innombrables pistes, nous en avons choisi 4 qui nous paraissent au cœur des mutations utiles à mener :
Le 1er concerne l’évolution des entreprises et de l’organisation du travail pour sortir du « tout process ». Accaparés par les reportings, les managers n’ont plus le temps de manager, ni d’échanger sur la manière dont se passe le travail. Faire en sorte d’accorder du temps aux managers pour communiquer avec leurs collaborateurs est donc indispensable.
Le 2ème concerne les dirigeants, les DRH, et éventuellement les partenaires sociaux, concerne l’évolution de l’évaluation de la performance. Si aujourd’hui, tous les dirigeants se rejoignent sur l’importance du collectif, la rémunération reste centrée sur la performance individuelle. Seul un changement d’indicateurs pourrait faire évoluer vers des rétributions évaluées sur des politiques de performance collective.
Le 3ème, auquel tout le monde peut contribuer, le développement des politiques de motivation intrinsèque, c’est partir de l’envie des uns et des autres. Alexandre Jost, de la Fabrique Spinoza, nous dit que l’argent ne fait peut-être pas le bonheur. C’est vrai jusqu’à un certain point. Il oublie de dire qu’il en fallait un minimum, mais qu’une fois ce minimum dépassé, ce n’est effectivement plus l’argent qui va développer le bonheur chez l’individu. Il faut y ajouter d’autres formes de motivation.
Le 4ème, la sortie du management top down pour passer à des politiques plus collaboratives, appartient en revanche aux dirigeants. Une fois de plus, tous s’entendent sur l’importance du collectif, du participatif et des initiatives. Pourtant, la peur de perdre le contrôle prend souvent le pas sur ce constat. Une peur, encore plus réelle dans un contexte de crise économique, que bien souvent seule la perception de contrôler peut apaiser.
Plus on est en crise, plus on veut prendre le contrôle, et plus on veut prendre du contrôle, plus on ajoute du reporting. Un des vrais enjeux, c’est de convaincre ces dirigeants d’évoluer sur ces idées.
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(1) Golaszewski (2001) à partir de 12 études a mis en évidence la réduction des coûts de soin de santé et de l’absentéisme suite à la mise en place de programme de prévention Ozminkowski et al., (1999 ; 2001) ont réalisés des études de rentabilité pour calculer le ROI (Return On Investment) : Chez VisaDesjardins (le plus important groupe financier coopératif Canadien), un programme mené sur trois ans a contribué à une baisse de l’absentéisme de 28 % et du taux de turnover de 54 %. Pour chaque dollar investi par cet employeur, le rendement a été évalué de 1,50 à 3 $.