Le 23 juin 2016, le Royaume-Uni décidait de quitter l’Union européenne. Le résultat de ce référendum à fort suspense a immédiatement causé de lourdes inquiétudes au Royaume-Uni et dans l’Union européenne, à la fois sur le plan économique et personnel. Quelques semaines après l’entrée en vigueur de l’accord de commerce et de coopération signé entre l’Union européenne et le Royaume-Uni, quelles conséquences concrètes en droit social pouvons-nous anticiper ?
Dans le domaine du droit social, la rupture entre le Royaume-Uni et l’Union européenne était synonyme de grandes insécurités juridiques pour les détachements de salariés, la pluriactivité, les régimes de sécurité sociale, la circulation des travailleurs, les permis de travail, le droit au séjour… Les conséquences auraient pu être brutales : les citoyens européens résidant et travaillant au Royaume-Uni allaient-ils devoir subitement rentrer dans leur pays ? Sous quelles conditions allaient-ils pouvoir rester ? En réalité, la question était de savoir s’il allait s’agir d’un « soft Brexit » ou d’un « hard Brexit » sans coopération juridique. Par exemple, la directive TUPE (Transfer and Undertaking) qui régit les transferts de salariés consécutifs aux cessions d’entreprises, allait-elle continuer à s’appliquer ?

Un accord garant d’un soft Brexit trouvé in extremis

Un accord de commerce et de coopération a finalement été trouvé entre le Royaume-Uni et l’Union européenne le 24 décembre 2020, soit sept jours avant la date limite que s’étaient fixée les parties pour trouver un accord. Entré en vigueur de façon provisoire dans l’attente de ratification du Parlement Européenne depuis le 1er janvier 2021, cet accord permet d’éviter ce « hard Brexit » dont le risque était bien réel. Il facilite notamment les déplacements de travailleurs entre le Royaume-Uni et l’Union européenne dans un monde post-Brexit. Pour les citoyens britanniques qui travaillaient dans un Etat Membre avant le 1er janvier 2021, la situation ne change pas immédiatement. L’accord leur permet de garder leurs droits, comme si le Royaume-Uni n’était pas sorti de l’Union européenne. Ils ont jusqu’au 30 juin 2021 pour déposer une demande de droit de séjour qui leur sera, a priori, accordée.
En revanche, pour les contrats de travail établis après le 1er janvier 2021, les travailleurs européens seront traités au Royaume-Uni comme des citoyens d’Etat tiers, et réciproquement pour les travailleurs britanniques dans l’Union européenne. La grande nouveauté est la nécessité d’obtenir un permis de travail pour avoir droit au séjour, ce qui n’est pas demandé entre les Etats-membres de l’Union européenne. A ce sujet, le Royaume-Uni a mis en place un nouveau système qui repose sur l’attribution de points et valorise les compétences plus que la nationalité. Les « skilled worker », qui ont un diplôme dans le domaine de la santé par exemple et qui parlent anglais, obtiendront ce permis de manière quasi assurée. A l’inverse, il est probable qu’un travailleur non diplômé qui ne parle pas anglais n’obtienne pas son permis de travail. Le Royaume-Uni va privilégier ce qu’il considère comme utile à sa vie économique.

Des incertitudes qui persistent encore

En ce début d’année, bien des points restent cependant en suspens. Par exemple, un accord doit être signé avec chaque Etat Membre pour éviter la double affiliation des travailleurs détachés. Pour les permis de travail, il s’agit de voir à l’usage avec quelle souplesse ou rigidité l’administration britannique examinera les dossiers. Un autre point reste également à éclaircir : dans quelles conditions les étudiants français pourront-ils faire des stages au Royaume-Uni, qui ne fera plus partie du programme Erasmus ?
A ce jour, crise sanitaire oblige, les avocats ont encore peu de demandes de conseil relatif à des transferts de main d’œuvre entre le Royaume-Uni et l’Union européenne. Mais après la fin des restrictions sanitaires, on peut s’attendre à une hausse des demandes à ce sujet : quelles chances un employeur aura-t-il d’obtenir un permis de travail pour son collaborateur ? La nouvelle législation devrait occasionner une hausse des consultations en amont pour évaluer les risques pour les entreprises. Par ailleurs, on peut aussi prévoir une augmentation des demandes de renégociation de contrat, par exemple pour étendre la clause de non-concurrence au Royaume-Uni. D’autres questions pratiques pourront se poser, mais il faudra davantage de recul pour les identifier. Nous en sommes encore au tout début !