La pratique de l’entretien est au chasseur ce que l’aiguille est à la brodeuse : son outil quotidien pour réaliser un bel ouvrage ! En limitant les rencontres, l’épidémie est venue bouleverser les pratiques en vigueur. Chasseurs et candidats ont dû s’aguerrir bien malgré eux à un exercice auquel ils étaient peu habitués : l’entretien dématérialisé. Une pratique pourtant destinée à se pérenniser en raison de la situation actuelle.

Le leadership : une question de « présence » avant tout ?

Lorsqu’il s’agit de trouver et de recruter les dirigeants, l’entretien en face à face est une nécessité pour saisir tout le non verbal et para-verbal qui dit bien plus encore que les mots. Tous les sens sont en éveil pour mesurer le degré de congruence de la personne qui se présente, pour capter toutes sortes d’informations qui devront ensuite être analysées.
Dans cette séquence si souvent répétée le chasseur prend plaisir à nouer une relation, à comprendre une belle personne et une nouvelle aventure professionnelle, à découvrir la perle rare ! Ensuite vient le récit professionnel qui permet de comprendre s’il s’agit oui ou non d’un candidat potentiel…Puis la Covid passe par là, obligeant à une médiation technologique.
Si l’énergie dégagée par un candidat est le plus souvent perceptible, il manque, dans l’entretien à distance, cette capacité à interpréter ces micro-signes, ce silence inattendu, ce rictus un peu décalé. Il manque ce rapport au corps, ce mouvement, cette psychomotricité qui en présentiel donne l’opportunité de se synchroniser… ou non !

Une intégration des outils digitaux à marche forcée

Complètement inattendue, cette crise signe définitivement la fin de l’ère dans laquelle le digital était une option et accélère la transformation numérique du secteur en obligeant les plus réfractaires à intégrer les outils digitaux dans leur manière de fonctionner.
Du côté des recruteurs comme des candidats, cette évolution peut être un gain de temps majeur, sous réserve d’une qualité technique irréprochable pour les deux parties. Ainsi en distantiel, la programmation d’un entretien est plus simple et plus rapide. Le rituel « pré-entretien » n’existe pas ou est réduit à sa plus simple expression. Pas de mise en scène superflue, l’entrée en matière est réduite à une courte présentation.
Le chasseur se focalise désormais sur un visage, force son écoute et sa concentration en se fiant uniquement à deux de ses sens : sa vue et à son audition. Il fait fi de ses émotions pour se concentrer sur le rationnel de l’image projetée et récolter des informations fiables.

Savoir faire preuve de « leadership à distance »

Si la congruence entre le discours et les faits franchit parfois mal le filtre de l’écran, l’entretien vidéo n’est pas un entretien au rabais bien au contraire. La dématérialisation implique un important travail d’incarnation pour le candidat. Séparé par la barrière technologique de l’écran, le dirigeant doit happer l’attention de son interlocuteur, et savoir la conserver. Dès lors, les capacités de leadership ne sont plus uniquement appréciées en présentiel, le dirigeant doit prouver au chasseur sa capacité à faire preuve de leadership à distance. Savoir convaincre et embarquer son auditoire par écran interposé est désormais devenu une compétence clé.

Mais au-delà du « charisme digital » que le leader saura développer, d’autres compétences ont pris une importance majeure. Ainsi le télétravail, devenu monnaie courante, introduit de nouveaux besoins : le dirigeant devra fournir des accès sécurisés et des outils fonctionnels afin de préserver une qualité relationnelle essentielle au développement des équipes.

Corollaire sine qua non du développement du distantiel, la qualité d’écoute et d’attention représente aujourd’hui plus encore qu’hier un critère fondamental afin d’interagir efficacement. Offrir aux salariés une présence à distance… tel est la nouvelle injonction paradoxale du dirigeant. Ainsi le leader devra également faire preuve de soutien émotionnel pour les salariés désorientés par les incertitudes. Il devra être enclin à répondre aux angoisses de ces derniers et à les rassurer pour favoriser bien-être et efficacité au travail.

Parce que toute crise est aussi une opportunité de remise en cause pour faire mieux, il nous appartient de faire face et d’innover. La digitalisation d’une partie des processus de recrutement restera comme une opportunité d’agilité et de modernité. Il appartiendra au recruteur de savoir identifier les candidats capables de faire preuve de leadership aussi bien en présentiel qu’en distantiel et au candidat de maîtriser les codes lui permettant de « crever l’écran ».
Après les échanges écrits, les échanges en face à face, c’est une nouvelle dimension que le dirigeant doit dorénavant intégrer pour apprendre à embarquer les équipes par écran interposé.