Fondateur de plusieurs entreprises en France et à l’étranger, je voudrais faire entendre une voix trop rare dans le débat social et politique hexagonal : celle des entrepreneurs, c’est-à-dire de celles et ceux qui, chaque jour, participent à l’animation de la vie sociale et économique d’aujourd’hui et à l’invention de celle de demain. M’exprimer me paraît d’autant plus urgent que les conséquences de la crise qui s’est ouverte à Wuhan en janvier sont encore devant nous.

Ce virus est une formidable opportunité

Comme beaucoup, ce que nous vivons m’a plongé dans une interrogation profonde : la mutation d’une crise sanitaire en crise économique globale est un phénomène inédit dans l’histoire. Voilà de quoi s’inquiéter. Mais ce bouleversement global a surtout suscité chez moi un véritable espoir. Ce virus est une formidable opportunité pour nous emparer du problème brûlant de l’organisation du travail et d’essayer de le résoudre. Il est temps de hacker le travail, c’est-à-dire trouver les failles qui nous permettront de prendre le système en main et de le remodeler. Un virus biologique ou informatique profite de l’imperfection d’un système pour s’y installer et en dévoiler toutes les failles et se développer à ses dépends. Le coronavirus ne fait pas exception. En quelques mois, il s’est répandu sur toute la planète en profitant de l’interconnexion d’une société globale qui peine encore à tirer toutes les conséquences de son hyper-vélocité.

Nous voilà mis en face de nos contradictions

Et cela fait mal. La crise actuelle m’a permis d’identifier trois domaines dans lesquels notre modèle de développement et notre organisation du travail sont complètement défaillantes. Tout d’abord, nous voyageons trop et surtout nous voyageons mal. Dans le cadre professionnel, nombre de nos déplacements sont complètement inutiles. L’explosion du télétravail en période de confinement est la preuve que nous pouvons nous épargner une partie de ses déplacements qui usent les travailleurs et contribuent à la destruction de la planète. Ensuite, nous consommons trop d’objets manufacturés dont nous n’avons pas vraiment  besoin. La pause de deux mois qui nous a été imposée a temporairement modifié nos habitudes de consommation. Et la tentation sera forte de « revenir à la normale ». Au nom de la reprise économique, on nous poussera à consommer. Trop. Et mal. Ce modèle de consommation repose sur des inégalités globales : l’exploitation de travailleurs des pays en développement payés une misère pour produire des biens de faible qualité.
Enfin, nous sommes trop dépendants des énergies fossiles. C’est la rançon de la frénésie de voyages et de déplacements qui s’est emparée du monde professionnel depuis les années C’est une obsession écologiquement désastreuse, financièrement ruineuse, géopolitiquement coûteuse.

Il nous faut réfléchir à une société du travail plus sobre

Hacker, simplifier, réinventer, voici les maîtres mots de la méthode que j’expose dans “10 jours pour hacker le travail”. Je pense que le rôle social des entrepreneurs devra être d’intervenir plus fréquemment dans le débat public pour proposer des solutions auxquelles nos dirigeants politiques, largement passés par la haute administration ne pensent pas spontanément. Instruits par la pratique quotidienne de l’entreprise, nous sommes sur le terrain et mieux à même de comprendre les bouleversements qui viennent. Si nous voulons que la nouvelle organisation du travail soit une réussite il faut se tourner vers ceux qui chaque jour sont sur le front de l’emploi. À l’arrivée, je suis certain que jamais un hacking n’aura été aussi bénéfique à l’ensemble de la société.