Beaucoup a été écrit sur Nelson Mandela depuis son décès à 95 ans. Ce sont sur ses qualités d’homme et de leader exceptionnel – qui a su renverser l’apartheid et créer une Afrique du Sud démocratique – que nous allons revenir en nous inspirant d’un article écrit en 2008 par Richard Stengel dans Time Magazine : Mandela : ses 8 leçons de leardership. Richard Stengel a aidé Nelson Mandela à écrire sa biographie Un long chemin vers la liberté, et publié un livre sur Mandela où il met en avant 15 leçons de vie, d’amour et de courage à tirer de ce dernier*. Nous retenons 7 vertus essentielles de Mandela en matière de leadership.

1 – Adoptez une stratégie et expliquez-la

C’est une stratégie de long terme sur laquelle Mandela n’a pas dévié d’un seul pouce tout au long de ses 27 années de prison à Robben Island :  obtenir le renversement du régime de l’apartheid et des élections démocratiques avec le principe d’un vote par homme. Seuls les moyens de l’obtenir ont changé. Lorsqu’en 1985 il décide d’abandonner la lutte armée et de négocier avec le gouvernement de l’apartheid, il convainc un par un ses compagnons de lutte que c’est la meilleure tactique. Celle-ci sera payante puisqu’il sera libéré en 1990 et qu’il obtient l’organisation d’élections démocratiques.
Elu président en 1994, Mandela a ensuite le coup de génie de profiter de la Coupe du monde de rugby qui a lieu en Afrique du sud en 1995 pour rassembler noirs et blancs autour de l’équipe nationale considérée alors comme le symbole de l’apartheid. Il doit là aussi convaincre son propre camp très hostile à cette idée ainsi que le capitaine de l’équipe sud-africaine, François Pienaar (voir vidéo ci-dessous). Et cela marche ! Les Springbok remportent la coupe et deviennent le porte-drapeau de toute la nation.

2 – Dirigez depuis l’arrière

Jeune garçon, Mandela a été influencé par Jongintaba, le roi tribal qui l’a élevé, explique Richard Stengel. Quand Jongintaba avait des réunions avec sa cour, les hommes se réunissaient en cercle, et seulement après que chacun ait parlé, le roi commençait à s’exprimer. Le travail du chef, disait Mandela, n’était pas de dire aux gens quoi faire, mais d’élaborer un consensus.
Plus tard, Mandela convoquait souvent des réunions dans la cuisine de sa maison d’Houghton à Johannesburg. Il recevait une demi-douzaine d’hommes comme Cyril Ramaphosa ou Thabo Mbeki (devenu président de 1999 à 2008) et d’autres autour de la table de sa salle à manger. Certains de ses collègues lui criaient d’agir plus rapidement, d’être plus radical et Mandela écoutait simplement. Quand il finissait par parler lors de ces réunions, il récapitulait lentement et méthodiquement chacun des points de vue et alors déployait ses propres idées, orientant subtilement la décision dans la direction souhaitée sans l’imposer.

3 – Veillez à bien connaitre vos ennemis

Connaitre votre ennemi, apprendre à parler sa langue et savoir son sport favori ce sont les principes qui ont été mis en oeuvre par Mandela tout au long de ses combats, souligne Richard Stengel.
Dès les années 60, Mandela a commencé à étudier l’afrikaans, la langue des Africains blancs du sud qui ont créé l’apartheid. Ses camarades dans l’ANC l’ont critiqué à ce sujet, mais il a voulu comprendre le point de vue de l’Afrikaner ; il savait qu’un jour il les combattrait ou négocierait avec eux et que de toute façon son destin était lié à ceux des Africaners.
C’était stratégique dans les deux sens : en parlant la langue de ses adversaires, il pouvait comprendre leurs forces et leurs faiblesses et formuler ainsi une tactique appropriée. Mais il se plaçait également dans les bonnes grâces de son ennemi.

4 – Gardez vos amis près de vous et vos rivaux encore plus près

Richard Stengel confie que « les invités de Mandela dans la maison qu’il avait construite dans Qunu, étaient des personnes en qui il n’avait pas complètement confiance. Il les invitait à dîner ; il les appelait pour les consulter ; il les flattait et leur donnait des cadeaux». Mandela est un homme qui possède un charme considérable et il utilisait son charme encore plus avec ses rivaux qu’avec ses alliés.
Sur l’île de Robben, Mandela intégrait toujours dans ses pensées des hommes qu’il n’aimait pas. Une personne dont il est devenu proche était Chris Hani, le fier chef de l’aile militaire de l’ANC. Certains pensaient que Hani conspirait contre Mandela, mais Mandela le mettait à l’aise. « Ce n’était pas seulement Hani » dit Ramaphosa. « C’était également de grands industriels, les familles de mineurs, l’opposition. Il prenait le téléphone et les appelait pour leurs anniversaires. Il allait aux enterrements des familles. Il voyait cela comme une opportunité. »

5 – Soignez votre apparence

Mandela était grand et beau, un boxeur amateur qui se tenait avec la majesté du fils d’un chef, rapporte Richard Stengel. Nous oublions parfois le lien historique entre le leadership et l’aspect physique. La taille et la force ont plus à faire avec l’ADN qu’avec les manuels de leadership, et Mandela avait compris comment son aspect physique pouvait jouer en sa faveur. Quand Mandela travaillait pour la présidence en 1994, il savait que les symboles avaient autant d’importance que la matière. Quand il était sur une tribune, il faisait toujours le toyi-toyi, la danse noire des banlieues et l’emblème de la lutte.
Mais bien plus important était son sourire “brillant et total” selon Richard Stengel. Pour les Africains blancs du sud, le sourire a symbolisé le manque d’amertume de Mandela et sa bonne disposition vis à vis d’eux. Aux électeurs noirs il disait, je suis le guerrier heureux, et nous triompherons. Et c’est aussi ce sourire éclatant que l’on peut voir lorsque Mandela retrouve sur scène Johnny Clegg, interprétant “Asimbonangua” en son honneur. Mandela dit d’ailleurs à cette occasion que c’est la musique et la danse qui lui ont amené la paix avec le monde et avec lui-même (voir la vidéo).

6 –  Ne montrez pas votre peur

Mandela avait souvent peur au cours de son épreuve de Rivonia qui a conduit à son emprisonnement sur l’île de Robben. “Naturellement j’avais peur !”, a-t’il confié à Richard Stengel. Il aurait été irrationnel, a t-il dit, de ne pas l’être. « Je ne peux pas prétendre que je suis courageux et que je peux battre le monde entier. »

Mais en tant que chef, vous ne pouvez pas le faire savoir aux autres. « Vous devez vous mettre en avant. » Et c’est précisément ce qu’il a appris à faire : feindre et, par l’acte d’apparaître courageux, inspirer les autres.
C’est une scène que Mandela a perfectionnée sur l’île de Robben, où il y avait beaucoup à craindre. Les prisonniers qui étaient avec lui disaient qu’ils l’observaient faire sa promenade dans la cour, droit et fier, et que cela était suffisant pour leur permettre de tenir pendant des jours. Il savait qu’il était un modèle pour d’autres, et cela lui a donné la force de vaincre sa propre peur.

7 – Restez simple et modeste

Les témoignages sont nombreux sur la modestie et la simplicité de Mandela. Il a toujours voulu mettre en avant le fait qu’il n’avait rien d’exceptionnel et n’aimait pas être traité en héros de la Nation. Une phrase résume cette posture : alors qu’il avait choisi de quitter le pouvoir en 1998 et de ne pas se représenter à la présidence (une décision peu commune dans l’histoire de l’Afrique), il a déclaré : “Je ne suis pas un messie, mais un homme ordinaire qui est devenu un leader en raison de circonstances extraordinaires.”

* Mandela’s Way : Fifteen lessons on Life, Love and Courage, Richard Stengel. Nommé en septembre 2013 par le président Barak Obama à la tête de la diplomatie américaine (département d’Etat), Richard Stengel a gardé des connexions étroites avec l’Afrique du Sud puisqu’il est marié à Mary Pfaff, une Sud-africaine qu’il a rencontrée alors qu’il travaillait à la biographie de Nelson Mandela. Son fils aîné a pour parrain Mandela.