Mars et avril auront été les mois des décisions prises dans l’urgence

Mars et Avril auront été les mois du choc initial. Les mois pendant lesquels, nous, dirigeants d’entreprises, réalisons en seulement quelques heures ce que ce confinement implique pour nos opérations. Beaucoup d’entre nous voient leur boutique, leur magasin, leur bureau, leur entrepôt, leur usine fermer. Nos collaborateurs confinés chez eux. Nos clients qui ne peuvent plus venir acheter ou à qui nous ne pouvons plus livrer nos produits ou nos services. Nous comprenons tous rapidement l’impact immédiat sur nos entreprises. Les revenus de nos ventes qui baissent, s’effondrent voire disparaissent tandis que les charges fixes s’entêtent et nous rappellent l’inertie de nos structures. Mars et Avril auront donc été les mois des mesures prises dans l’urgence, les mois où les priorités se sont télescopées. Accompagner nos collaborateurs. Ceux touchés par le virus, soit eux-mêmes soit dans leur famille. Maintenir l’activité encore possible : le télétravail, les adaptations immédiates des lieux et outils de production, les mesures de protection, le gel hydroalcoolique, les masques, … Contacter notre réseau, pour prendre des nouvelles, échanger des informations et des bonnes pratiques, se dépanner, se rassurer aussi. Consolider sa trésorerie enfin pour envisager cette période que le déséquilibre entre encaissements et décaissements rend forcément inquiétante.

En juin, nous devons désormais adapter le modèle économique de nos entreprises à ce nouvel environnement

Huit semaines de confinement plus tard, nous devons maintenant nous projeter dans un nouveau modèle. La crise sanitaire démarrée en février et qui ne se refermera vraisemblablement que dans plusieurs mois a eu et continue à avoir un impact considérable sur l’environnement de nos entreprises. Pour beaucoup d’entre nous, nos entreprises de février ne sont plus compatibles en l’état avec cet environnement du mois de juin et certainement des 18 prochains mois. Nos mesures d’urgence ne tiendront pas un an et demi. Si nous voulons aborder 2021, nous devons adapter nos entreprises à cette nouvelle normalité. Nous devons adapter le modèle économique de nos entreprises à ce nouvel environnement économique et social.

Les dirigeants peuvent ressentir une perte de repères face à une incertitude immense

Appréhender ce nouvel environnement est donc bien un préalable à l’adaptation de nos modèles économiques. Mais nous constatons tous qu’il est souvent difficile de retrouver nos repères dans cet environnement transformé. Demandez à un concessionnaire automobile, il vous répondra qu’il ne sait pas quels seront les arbitrages de consommation des ménages et s’ils achèteront un véhicule avant que leur avenir professionnel ne se stabilise. Une directrice de grande surface alimentaire vous dira que pendant deux mois elle a perdu les clients qui s’arrêtaient dans son magasin sur leur trajet domicile – travail, qu’elle a gagné de nouveaux clients beaucoup plus proches, que l’activité drive a explosé quand la fréquentation en magasin a fondu, et qu’elle ignore quand se fera un rééquilibrage. Elle confiera qu’elle se demande si elle doit miser sur les produits locaux parce que ses clients ont compris que défendre les filières locales est important, sur des produits premiers prix parce que ses clients risquent de voir leurs revenus baisser, ou se résoudre à réduire son rayon textile parce que les freins psychologiques pourraient contrarier les intentions d’achat. Demandez à un dirigeant d’une société de services informatiques, il vous dira qu’il ne sait pas ce si le programme d’investissements de son client va redémarrer, qu’il voit bien que le télétravail impose une évolution dans le management mais que cela semble si bien fonctionner que ses collaborateurs lui demandent s’ils pourront continuer à travailler depuis chez eux, et qu’il s’interroge désormais sur son projet d’agrandissement des bureaux. Un directeur industriel vous dira qu’il essaie de sécuriser sa chaîne d’approvisionnement mais qu’à l’incertitude de la situation en France s’ajoutent pour lui les incertitudes de chacun des pays où se trouvent ses partenaires. Et que dire des entreprises de l’évènementiel, du tourisme, de l’hôtellerie, des transports, du bâtiment. L’incertitude est immense et nous impose une prise de nouveaux repères.

Il nous faut collectivement apprivoiser ce nouveau futur et faire évoluer notre scénario de reprise

Face à cette incertitude, aux indicateurs alarmistes et à la complexité de la transformation de notre environnement, de nos filières, nous devons combattre l’immobilisme. Il nous faut avancer même s’il est impossible de se projeter dans l’avenir avec des certitudes. Pour citer Edgar Morin que nous avions le plaisir de recevoir en novembre 2018 dans les locaux de Montpellier Business School, il faut accepter de cheminer sans chemin, de faire le chemin dans le cheminement. Nous devons avancer et nous devons observer avec humilité, pour apprivoiser ce nouveau futur et retrouver nos repères, notre propre méthode. L’appréhension de notre nouvel environnement et cette prise de nouveaux repères ne sauraient être abordées de façon individuelle. Nous devons le faire collectivement. Nous devons échanger avec nos pairs nos informations, nos intuitions, nos doutes. Pour reconstruire ensemble une perception claire de ce qui se passe autour de nous et se projeter dans notre propre scénario de reprise et quand c’est possible dans des scénarios communs. Et continuer à échanger pour que chacun puisse adapter son scénario aux nécessaires ajustements futurs.

Une stratégie bienveillante et créatrice de valeurs permettra une sortie de crise positive

Le défi que représente cette nouvelle normalité mouvante nous impose une réponse collective et positive. Nous aurons besoin de nos collaborateurs, de nos fournisseurs, de nos clients, de nos partenaires. Si la stratégie d’entreprise c’est choisir ses domaines d’activité et allouer ses ressources efficacement, n’oublions pas que la stratégie c’est également l’art de faire coïncider les projets dans son écosystème dans un but de création de valeurs équilibrée entre toutes les parties prenantes. Concentrons-nous prioritairement sur la création de valeurs. Que pouvons-nous apporter à notre environnement ? Quelles synergies pouvons-nous renforcer ? Certaines ressources ou compétences peuvent-elles être partagées ? Il nous faut développer notre bienveillance à l’égard de nos collaborateurs et de nos partenaires. Pour assurer l’avenir de notre entreprise, nous devons conforter celui et ceux qui y contribuent. Amorçons cette dynamique vertueuse, soufflons ces bulles de bienveillance, nous en profiterons certainement à notre tour.