« Ce n’est pas parce qu’on les voit tous les jours que nos collaborateurs savent ce que l’on pense d’eux ». Et pourtant, nombre de managers sont persuadés du contraire ! La réalisation d’un feedback, qu’il soit positif ou de développement, est l’un des comportements managériaux le moins fréquemment observé alors qu’il s’agit d’un formidable outil de management. Focus sur les conditions à respecter pour le réussir par une experte.

Une confrontation manager/collaborateur indispensable

Concrètement, un feedback est un échange, à froid, avec un collaborateur, autour de son comportement, soit pour réaliser un renforcement positif, soit pour l’amener à trouver une nouvelle façon de faire, plus en adéquation avec son rôle. Une procédure d’apparence simple, que pourtant bien des managers peinent à réaliser. Amener le collaborateur à prendre conscience de sa marge de développement et l’accompagner dans la définition de son objectif de progrès, et de son chemin de progression n’est jamais aisé à réaliser. Vous prenez le risque de vous confronter à l’émotion de l’autre en plus de devoir faire face à la sienne face au temps que cela demande.
Cette confrontation manager/collaborateur est pourtant indispensable. Ne pas évaluer, ou mal évaluer les comportements des collaborateurs, met en risque. En plus de créer des malentendus entre ce que le collaborateur suppose que le manage pense, et ce que ce dernier pense réellement, cela suscite de l’agacement chez le manager qui « subit » toujours l’inefficacité de son collaborateur. Ne sachant pas sur quel comportement se développer, ce dernier se retrouve ainsi maintenu en situation d’échec partiel. Il en va de même pour le renforcement positif : son absence revient à ne pas reconnaître les efforts fournis par le collaborateur et limite son envie de s’investir et s’engager pour l’entreprise.

Observez les comportements du collaborateur

Réaliser des feedbacks permet de générer la diffusion des comportements attendus en termes d’efficacité d’équipe ou par rapport au rôle professionnel du collaborateur. La première étape d’un feedback réussi est l’observation de ses comportements, puis la mise en perspective, avec empathie, par rapport à une logique de fonctionnement supposée de ce dernier : faire des hypothèses sur les raisonnements qui guident les actions de ce collaborateur. Dans la majorité des cas, le collaborateur agit d’une manière qu’il juge sensée, une logique qui va au-delà d’une mauvaise foi que le manager peut parfois présupposer. Ainsi, dans une intention de soutien au développement et à l’efficacité de son collaborateur et/ou de son équipe, le manager, après avoir cadré l’entretien de feedback, énonce des observations factuelles qui lui permettent de nommer un « comportement » du collaborateur.
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Prenez une posture de « manager coach »

Par la suite, en cas de « comportement problème », le manager doit avoir pour objectif d’écouter le collaborateur pour le comprendre et confirmer/infirmer ses hypothèses sur les raisons émotionnelles de ce comportement, de l’amener à prendre conscience des limites de ce comportement par rapport à son rôle, à son efficacité et à ses relations. C’est après cette étape qu’ils peuvent identifier ensemble un comportement alternatif que le collaborateur pourrait développer, et ce dont il aurait besoin pour y arriver.
En utilisant les techniques connues d’écoute active que sont le questionnement et la reformulation, le manager n’est pas en apport de solutions durant cet échange mais en posture de “ manager coach “.
Un indicateur pour le manager qu’il est dans la bonne posture ? L’observation de la répartition du temps de parole dans l’échange et du rythme de ce dernier. Si seul le manager prend la parole, ou si les échanges sont en “ping pong”, il est fort probable que l’objectif de convaincre le collaborateur de la nécessité de changer ait pris le dessus sur celui de le comprendre et de l’accompagner à prendre du recul pour trouver la solution par lui-même. Aussi, un accord trop rapide du collaborateur sur la mise en œuvre d’un nouveau comportement peut cacher une adhésion de façade. Dans ce dernier cas, un questionnement précis sur les critères d‘atteinte qui permettront de voir l’évolution comportementale permettra d’amener le collaborateur à s’approprier la réflexion.

Appliquez à vous-même ce que vous demandez au collaborateur

Partager un constat avec un collaborateur sans le mettre en position d’accusé, faire face aux émotions du collaborateur, réguler ses propres émotions et faire preuve de courage managérial, faire prendre conscience du besoin d’évoluer, fixer des objectifs comportementaux de progrès et développer la motivation… Toutes ces compétences s’apprennent ! Et pour mobiliser la volonté et la disponibilité nécessaires à cet apprentissage, il faut avant tout être convaincu du bien-fondé et de l’importance de la démarche mais aussi s’en sentir capable et être prêt.
Après, il s’agit de s’y entraîner avec bienveillance pour soi-même, de faire l’expérience par la politique des petits pas de sa capacité à prendre du recul sur ses raisonnements émotionnels, de sa capacité à mettre en œuvre ce nouveau comportement qu’est «faire un feedback », et d’observer l’effet positif de ce dernier sur ses collaborateurs pour renforcer sa pratique !

En somme, le manager doit appliquer à lui-même ce qu’il s’apprête à demander à son collaborateur : déplacer son ancre en profondeur, plutôt que pousser la bouée en surface.
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