Dans le cadre de la recherche toujours plus poussée de la qualité de vie au travail, qui a notamment permis au télétravail de s’inscrire durablement dans les pratiques des entreprises, le sujet de la semaine de 4 jours s’est invité à la table des négociations et compte parmi les sujets de réflexion menés au plus haut niveau des entreprises.
La semaine de 4 jours, pour quoi faire ?
Elle est tout d’abord un argument permettant aux employeurs d’accroitre leur attractivité et leur compétitivité dans un contexte où de nombreux secteurs font face à une pénurie de main d’œuvre et une guerre des talents. Un grand nombre de salariés est en effet à la recherche d’un meilleur équilibre vie privée/vie professionnelle. La suppression d’un jour de travail dans la semaine est un outil pour atteindre leur objectif.
Travailler 4 jours par semaine peut également être une manière de faire des économies d’énergie pour l’entreprise au sein de laquelle tous les salariés travailleraient 4 jours par semaine mais aussi de réduire l’empreinte carbone laissée par les déplacements de ces derniers. Cette modalité d’organisation du travail peut donc s’inscrire dans une démarche RSE (responsabilité sociétale des entreprises).
Last but not least, la semaine de 4 jours permettrait d’augmenter la rentabilité des salariés qui seraient plus efficaces pendant les journées travaillées.
La semaine de 4 jours, comment la mettre en place
Cette organisation du temps de travail peut être mise en place de trois manières.
En premier lieu, la mise en place peut se faire par accord collectif. Il peut être judicieux de prévoir soit un accord collectif à durée déterminée, soit une phase test dans un premier temps et une clause de réversibilité qui permettra de revenir à la semaine de 5 jours sous certaines conditions si les objectifs recherchés ne sont pas atteints. Un suivi de cette organisation particulière du travail pourra être prévue dans l’accord collectif, de même que le droit à la déconnexion sur la journée non travaillée.
En second lieu, il est possible d’imposer cette nouvelle organisation du temps de travail aux salariés, sans qu’ils puissent la refuser, en considérant qu’il s’agit d’une simple modification des conditions de travail. Cela ne sera pas le cas si les horaires de travail sont contractualisés, si la durée du travail est modifiée ou encore si cela n’est pas compatible avec les obligations familiales impérieuses du salarié.
Enfin, il peut être envisagé de contractualiser cet aménagement du temps de travail sur 4 jours et ainsi de la mettre en place avec l’accord formel du salarié. Cette solution n’est cependant pas recommandée puisque l’employeur ne pourrait plus revenir à la semaine de 5 jours sans recueillir l’aval du salarié au préalable, ce qui n’est pas acquis.
En parallèle de la mise en œuvre de la semaine de travail sur 4 jours, il est recommandé d’associer les membres du CSE au projet. Ce dernier devra dans tous les cas être consulté dans le cadre de ses attributions en matière de durée du travail et en cas de mise à jour du DUERP, qui devra être effectuée dans le cadre de l’évaluation des risques liés à la mise en place de la semaine de 4 jours.
La semaine de 4 jours, les défis en pratique
La mise en place d’une semaine de travail à 4 jours se confrontera nécessairement à des problématiques tenant par exemple à :
– l’impact sur la santé du salarié : les journées travaillées seront plus longues et le lien social s’en trouvera distendu
– la limitation des heures supplémentaires : si 35 heures sont effectuées sur 4 jours, la durée journalière de travail sera de 8,75 heures. La durée quotidienne maximale du travail étant de 10 heures par jour, le nombre d’heures supplémentaires pouvant être effectuées s’en trouvera fortement limité, ce qui pourrait poser des difficultés à des sociétés qui recourent aux heures supplémentaires structurelles, outre que cela pourrait être une source de contestation si les salariés ont toujours exécuté un certain nombre d’heures supplémentaires et qu’ils s’en trouvent dépourvus (et soient donc privés de la rémunération afférente).
– le public éligible au dispositif et partant, l’égalité de traitement entre les salariés : il est possible que l’entreprise ne souhaite pas proposer la semaine de 4 jours à l’ensemble de ses salariés et elle devra alors définir des catégories de salariés éligibles à la semaine de 4 jours, à la lumière des règles en matière d’égalité de traitement. Le choix de l’employeur devra être justifié par des éléments objectifs et non-discriminatoires.
– la répartition de la durée du travail : l’entreprise devra trancher la question de savoir si les 4 jours de travail sont identiques pour l’ensemble des salariés ou si chaque salarié peut choisir son jour non-travaillé. Le cas échéant, un roulement au sein des équipes pourrait être organisé pour assurer une continuité de l’activité et un back-up pendant l’absence des salariés
– le maintien ou non de la rémunération en cas de diminution du temps de
travail : il est possible de convenir que la semaine de 4 jours s’accompagne d’une réduction de la durée du travail. L’entreprise devra alors choisir entre proposer une réduction de la rémunération proportionnelle à la réduction du temps du travail, ou, maintenir le salaire malgré cette réduction.
Enfin, il ne peut être exclu que certains salariés ne souhaitent pas organiser leur semaine de travail sur 4 jours. Est-ce que l’employeur devra alors imposer le schéma si cela relève par exemple d’un simple changement des conditions de travail ? Est-ce que l’activité de l’entreprise pourra être organisée alors que tous les salariés n’ont pas le même rythme de travail ? Une étude au cas par cas devra nécessairement être menée afin de déterminer la meilleure option d’un point de vue opérationnel et la plus sécurisée d’un point de vue juridique. semaine de 4 jours credit Depositphotos_Kantver
Tribune rédigée par Sophie Marinier, avocate associée et Charlène Frey, avocate, LPA-CGR avocats
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