Plusieurs affaires autour du codirigeant, Travis Kalanick

La plateforme Uber, figure de proue des entreprises de la nouvelle économie,  consacrée par le terme « ubérisation » qui qualifie ce type de modèle économique. Mais la culture d’entreprise d’Uber, portée par ses cofondateurs Travis Kalanick et Garrett Campa, été pointée du doigt, notamment concernant les conditions de travail de ses chauffeurs, ni salariés, ni complètement indépendants, sous-payés et en compétition féroce avec les taxis. L’entreprise faisait pourtant moins parler d’elle ces derniers mois, jusqu’à ce que plusieurs affaires tombent coup sur coup dans les médias, concernant toutes, de près ou de loin, son  codirigeant, Travis Kalanick,  41 ans cette année, affaires qui pourraient bien faire exploser l’entreprise en plein vol.

Vol de technologies, accusation de sexisme…

Tout commence en février dernier. Google lance une poursuite en justice contre Uber pour vol de technologies. Un ex-salarié du géant du Web, entre temps embauché chez Uber, aurait dérobé 14 000 dossiers confidentiels concernant le véhicule autonome Waymo, filiale de Google, pour une utilisation au profit de son nouvel employeur.  S’ensuit une accusation de sexisme à l’encontre de la startup, à la suite des révélations de l’ingénieure Susan Fowler, ex-employée chez Uber. Sur son blog, celle-ci relate comment l’entreprise a passé sous silence le harcèlement sexuel dont elle a été victime de la part d’un supérieur hiérarchique, alors qu’elle-même s’est vue menacée de « placard » si elle n’étouffait pas l’affaire.
Lecture associée  Silicon Valley : une Française défie les machos

Décret anti-immigration, Donald Trump et vidéo compromettante

Il y a ensuite Travis Kalanick, le fondateur d’Uber. L’homme est critiqué pour ses prises de position envers Donald Trump, jugées trop « molles » au sujet du décret anti-immigration – poussant les utilisateurs d’Uber au boycott de la plateforme sous le hashtag #DeleteUber (Supprime Uber). Il est vrai qu’en parallèle, les autres grands dirigeants américains (Google, Facebook, Apple, Amazon…) n’hésitent pas à s’insurger. Pour enfoncer le clou, dans la même période, Uber répond à une grève des taxis new-yorkais en annonçant que ses véhicules ne feraient pas payer de supplément à ses utilisateurs, et ce malgré une demande conséquente à cet effet. Submergée de critiques, la plateforme crée en catastrophe un système simplifié de désabonnement de comptes clients.  Et pour finir en beauté ce mois de février, c’est une vidéo de Travis Kalanick filmé à son insu à bord d’un véhicule Uber, qui provoque un buzz généralisé. Et pour cause ! Sur la vidéo, on peut voir Fwazi Kamel, chauffeur de 37 ans, interpeller son PDG au sujet des baisses de rémunération des chauffeurs et des problèmes sociaux de l’entreprise. Il lui dit par exemple « Les gens ne vous font plus confiance (…) À cause de vous, j’ai perdu 97 000 dollars et je suis fauché. » et Travis Kalanick, agressif, de rétorquer : « Certaines personnes n’aiment pas endosser la responsabilité de leur propre merde. Ils blâment tout dans leur vie ou quelqu’un d’autre. »

« C’est que j’ai fait est injustifiable »

Mea culpa général. « Mon travail en tant que patron est de diriger, et ça commence avec un comportement qui nous rend tous fiers. Ce n’est pas ce que j’ai fait et c’est injustifiable » rédige Travis Kalanick dans un mail rendu public à la suite de la publication de la vidéo. Il y a ensuite la promesse de la plateforme d’aider les chauffeurs impactés par la mesure anti-immigration de Trump, mais aussi le retrait de Travis Kalanick du groupe de conseils économiques du président Trump, dont il faisait partie. Enfin, il y a son appel à l’ex-ministre de la Justice Eric Holder pour enquêter sur les accusations de sexisme au sein de l’entreprise… Les actions pour réparer les dégâts sont variées.

Une mauvaise image qui peut entraîner la fuite des actionnaires… et des clients !

Selon Scott Galloway, enseignant en stratégie de marque à la Stern School of Business de New York, le bad buzz qu’a subi Uber en février dernier a été « très préjudiciable » et l’entreprise disposerait de très peu de marge de manœuvre pour s’en sortir. Elle aurait déjà perdu des dizaines de milliers d’utilisateurs, sans parler du départ potentiel de collaborateurs de qualité, affectés par l’image véhiculée par leur entreprise ou encore de la fuite des actionnaires. « Le patron d’une entreprise doit être sympathique, ajoute Scott Galloway. Avoir la réputation d’être désagréable coûtera des milliards de dollars à vos actionnaires. »
Daniel Korschun, expert en marketing à l’université Drexel de Philadelphie, explique que les dirigeants qui portent une entreprise à ce niveau de croissance « ont l’habitude de s’enorgueillir de l’agressivité avec laquelle ils entrent sur de nouveaux marchés », agressivité personnelle qui dans le cas d’Uber impacte directement la culture de l’entreprise et les mentalités des groupes de travail.

L’appel à l’aide de Travis Kalanick

Pour l’instant, Travis Kalanick appelle à l’aide « C’est la première fois que je suis disposé à admettre que j’ai besoin d’aide au leadership et j’ai l’intention de l’obtenir », précise-t-il dans son mail d’excuse. Mais selon Larry Chiagouris, professeur en marketing à l’Université Pace de New York, seul son départ pourra sauver la plateforme de ses dérives actuelles. « Travis Kalanick devrait démissionner du poste de directeur général pour le confier à un visage nouveau », a-t-il déclaré dans les médias américains.
Une image de marque bafouée, un dirigeant en pleine crise de narcissisme… Travis Kalanick sera-t-il le premier PDG à couler une boîte à 68 milliards de dollars en l’espace d’un mois ?