150 000 PME sont en danger de mort. Les mesures actuelles ne pourraient pas suffire à aider les petites et moyennes entreprises. Les PME seraient responsables de 12 à 14% des émissions françaises de CO2. Le budget vert de l’État est faible. Le marché de la finance verte est dominé par des grands acteurs. Alors peut-on protéger les PME ?

L’augmentation des prix de l’énergie, c’est un tsunami qui est en train de se profiler. 150 000 entreprises sont en danger de mort. C’est colossal“, annonce Jean-Eudes du Mesnil, secrétaire général de la CPME, sur France Info.

Des dispositifs insuffisants

Pour faire face à cette menace, le gouvernement a introduit plusieurs dispositifs d’aide aux entreprises : le guichet d’aide au paiement des factures de gaz et d’électricité, les mesures de soutien aux entreprises en 2023, le PGE Résilience, projet “industrie Zéro fossile”, etc. Il apparait d’avance que toutes ces mesures ne pourraient pas suffire à aider les entreprises à faire face à leurs dépenses énergétiques et à devenir durables.

Les PME responsables. D’après l’INSEE, la France comptait en 2018 3,9 millions de PME qui employaient 2,4 millions de salariés et réalisaient 20% de la valeur ajoutée. Concernant l’objectif zéro carbone, la majorité des PME est démunie. Elles seraient responsables de 12 à 14% des émissions françaises de gaz à effet de serre d’après CESE. A ce titre la responsabilité des PME est essentielle.

Le marché de financement est dominé par de grands acteurs. Selon Damien Demailly, directeur adjoint de l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE), “les dépenses de l’État en faveur de l’environnement vont augmenter de 2,4 milliards d’euros l’an prochain, et non de 4,5 milliards comme l’affiche le gouvernement, à cause de la non prise en compte des crédits de la relance. Et les 45 milliards de coût du bouclier tarifaire sont largement gommés“. Le marché de financement vert ne profite pas aux PME et est “dominé par de très grands acteurs qui verdissent leur offre et animé par des spécialistes de l’investissement durable”. Publication Novethic avec la participation de l’ADEME.

Des idées pour protéger les PME pendant une crise perdurable de l’énergie

Au niveau de l’Europe

Il existe plusieurs programmes pour la compétitivité des moyennes et petites entreprises. Le COSME poursuit plusieurs objectifs : renforcer la compétitivité et le développement durable des entreprises européennes; encourager une culture d’entreprise et promouvoir la création et la croissance des PME. Il existe des programmes comme InvestEU pour stimuler l’investissement et le fonds de cohésion pour soutenir les investissements dans le domaine de l’environnement et des réseaux trans européens dans le domaine des infrastructures de transport. Il ne faut pas oublier le groupe de la Banque européenne d’investissement BEI.

Concernant la politique énergétique, les programmes de transformation du marché et d’innovation tels que LIFE CET et horizon Europe contribuent à soutenir la transition vers une économie fondée sur des énergies renouvelables et climatiquement neutres.

La Commission a publié une boîte à outils de mesures en octobre 2021. Les pays de l’UE peuvent l’utiliser pour aider les ménages et les entreprises, telles que l’aide au revenu, les chèques énergie, les remises sur les factures ou le soutien financier aux mesures d’efficacité énergétique et d’énergie renouvelable. Nous avons vu le gouvernement piocher dans ces mesures pour apporter des solutions aux Français. On a eu des mesures très limitées.

Au niveau de la France

À cause de la crise de la Covid-19, les entreprises ont été poussées à emprunter pour survivre en utilisant le dispositif PGE. Ce prêt est devenu un danger pour beaucoup d’entre elles. Avec la guerre en Ukraine, la crise énergétique et l’inflation, certaines ne pourront plus rembourser, et seront obligées de déposer leur bilan ou d’arrêter d’investir et d’embaucher.

Le PGE est le prêt d’une banque commerciale à une entreprise. Le montant du taux global intègre la garantie de l’État qui varie de 0,25% à 2% et le prix du service financier de la banque à “prix coutant” : “Concrètement, cela veut dire que le taux pour l’emprunteur est le taux dit de la ressource de la banque prêteuse, actuellement proche de 0% pour la première année […] Le coût de la ressource variant d’une banque à l’autre, il se peut qu’il y ait de petites différences de taux sur les prêts garantis par l’Etat d’une banque à l’autre“. Pour exemple, les banques se sont engagées à pratiquer un taux jusqu’à 2,5% pour des prêts remboursés d’ici 2024 à 2026, coût de la garantie de l’État compris. L’État pouvait choisir d’autres alternatives pour soutenir les PME que des prêts bancaires avec des taux élevés (d’après l’INSEE, le taux des crédits aux PME était de 1,2% en décembre 2020). Au lieu de soutenir les PME, le gouvernement a au contraire annulé dans son projet de loi de finances rectificatif environ 2 milliards d’euros de crédits liés au PGE.

Instaurer une contribution de solidarité exceptionnelle

En plus des dix milliards pour aider les entreprises à faire face à l’explosion des prix de l’énergie, et ainsi empêcher une vague de faillites, le gouvernement doit arrêter la valse des prêts qui ne sont pas des aides (PGE résilience, Prêt Eco-Energie (PEE), etc.) et lancer un nouveau fonds d’investissement durable “économie verte PME”. Ce fonds doit être distribué aux PME en tant que subventions d’investissement pour renforcer leurs fonds propres. Il faut une stabilité financière et une meilleure équité : ce fonds doit résulter d’une nouvelle taxe sur les superdividendes distribués du CAC40. En 2020 les entreprises du CAC40 ont versés 51 milliards d’euros de dividendes, en 2021 57,5 milliards et l’année 2022 s’annonce encore meilleure. Les nouveaux fonds propres doivent servir à compenser les retards de paiements, le remboursement des prêts PGE et à investir dans des économies d’énergie durable.

Au niveau du consommateur

Le gouvernement peut introduire des incitations pour encourager les consommateurs à acheter local. Acheter local n’est pas uniquement pour l’écologie. Le circuit court évite les trajets inutiles de marchandises et limite donc l’impact sur l’environnement local et international. Il favorise la vitalité sociale et économique d’une région, etc. C’est aussi soutenir les entreprises locales et éviter leurs disparitions.

Si depuis la pandémie la tendance de consommation va vers une alimentation locale, saine et durable, cette tendance avec une inflation forte est loin d’être partagée aujourd’hui par les ménages de revenus modestes. La maitrise des budgets devient le premier critère d’arbitrage.
Le gouvernement peut créer une nouvelle déduction fiscale : l’acquisition d’une monnaie locale. Le bénéficiaire doit résider dans le territoire de cette monnaie complémentaire. Le contribuable doit avoir un revenu imposable inférieur à 27 478 euros (tranche 2 du barème impôt sur les revenus). Il est possible d’acquérir cette monnaie auprès de la personne morale qui a été autorisée à la produire. Cet émetteur doit mettre à la disposition des consommateurs la liste des entreprises durables utilisant cette monnaie. Le montant maximal de cette déduction fiscale sera de 1 200 euros. C’est donc un revenu supplémentaire de 100 euros par mois à dépenser localement et durablement pour compenser la hausse de l’énergie pour les foyers de revenus modestes.