Après le poncif de la promotion canapé, se dirige-t-on tout droit vers le poncif « elle est là grâce aux quotas » ? Moins grossier mais tout aussi préjudiciable pour les femmes, cet état d’esprit pourrait mener les entreprises vers une faillite morale et économique. Les 2/3 des femmes managers, et plus de la moitié des femmes dirigeantes évoquent comme frein principal à l’évolution souhaitée un sentiment d’illégitimité (sondage IFOP et Micheal Page d’octobre 2021). Si les quotas sont indispensables pour arriver rapidement à une égalité effective, ils ne pourront pas produire de résultats suffisants, ni pour les femmes, ni pour la performance des entreprises. Cette mesure doit s’accompagner d’une action en deux temps : avant la prise de poste en démontant le sentiment d’illégitimité, et au moment de la prise de poste en les accompagnant sur le terrain.

Le sentiment de légitimité des femmes ne se gagnera pas avec les quotas

La loi Rixain était indispensable pour compléter le dispositif législatif Copé-Zimmerman, déjà ancien, et qui ne concernait que les conseils d’administration, bien moins nombreux que les CoDir et autres ComEx. Les obstacles qui demeurent ne pourront être pulvérisés que par un mécanisme qui fissure mathématiquement le déséquilibre. Mais le sentiment de légitimité des femmes ne se gagnera pas avec les quotas.

Dans leur parcours professionnel, les femmes doivent composer avec un nombre important de biais de genre. Ces biais proviennent de la différenciation construite qui suppose que les femmes n’ont pas les mêmes qualités que les hommes. Les femmes seraient par exemple plus empathiques, les hommes plus performants. Ces biais ne sont pas une fatalité. Par ailleurs, les femmes leaders doivent en tirer parti ! Comme au judo, elles ont le pouvoir de retourner la force pour gagner chaque combat du quotidien.

Il faut agir en amont et au moment de la prise de poste

Il y a des solutions. Tout d’abord, il faut accompagner les femmes dans la prise de conscience de leur légitimité à prendre ces postes. Encore aujourd’hui, elles peuvent avoir le sentiment que les quotas sont la seule raison pour laquelle on vient les chercher. Le sentiment d’illégitimité est lié à plusieurs facteurs : 30% ressentent une peur de ne pas se sentir à sa place au sein des personnalités qui composent l’équipe de Direction en place, 29% des cadres managers craignent d’être choisies uniquement parce que ce sont des femmes et 28% de ne pas être assez compétentes.

Ensuite, les accompagner au moment de leur prise de poste est clé pour leur réussite. En prenant ce type de poste sans lever leurs barrières limitantes, les femmes ont plus de risques d’épuisement, de mal-être et de produire de moins bons résultats. La majorité des femmes sont bien conscientes des freins liés aux biais socio-culturels de genre, ce qui n’empêche en rien qu’elles en pâtissent elles-mêmes. Syndrome de la bonne élève, syndrome de l’imposteur, gestion des émotions, elles savent ce qui les bloque mais ne savent pas toujours comment le dépasser. Le plafond de verre n’est pas qu’exogène, il se trouve dans l’esprit même des femmes qui ont été conditionnées toute leur vie à se penser faites pour autre chose qu’une carrière ambitieuse.

Plusieurs voies existent pour percer le plafond de verre

Le système des quotas n’est pas unanimement plébiscité, même chez les femmes leaders. Un quart d’entre elles présente une résistance à ce que la parité soit imposée plutôt qu’on y arrive de manière “naturelle”. Ce chiffre atteste des limites du seul outil qu’est le quota. Ce n’est pas pour autant qu’il faut renoncer à d’autres voies pour percer le plafond de verre. La majorité a d’ailleurs une forte conscience de l’intérêt des femmes de créer des réseaux et de s’inscrire dans un système de mentoring, dans une logique de sororité, pour se servir mutuellement de rôles modèles.

Le combat contre le manque de parité dans les instances dirigeantes doit se mener sur plusieurs fronts. Nous devons collectivement prendre conscience que les quotas ne sont pas le problème, ni l’unique solution. C’est le sentiment d’illégitimité des femmes qu’il faut combattre, au niveau de l’Etat, des entreprises, des hommes, et des femmes elles-mêmes.