Ou comment ancrer durablement l’esprit full-RSE au sein d’une équipe.
L’étude Hopes and Fears menée par PwC auprès de 53 000 collaborateurs de 43 pays en 2023 montre que les équipes « n’y croient pas » : ils entendent les déclarations d’intention de leurs dirigeants, mais ne voient pas en quoi ça les concerne dans une vie quotidienne qui ne bouge pas ! … Il est bien sûr capital de donner une vision globale et large des enjeux, d’expliquer les conséquences tant positives que négatives pour l’entreprise, mais il faut aussi d’avoir la capacité de descendre à l’échelle de chaque service, chaque entité et chaque collaborateur pour que l’ensemble du corps social de l’entreprise soit mobilisé. Et ce travail doit se faire dans la durée sans jamais relâcher l’effort.

Chaque équipier doit pouvoir comprendre ce qui se passe et revoir ses pratiques professionnelles, dans le concret. Un mot clé : quel est l’impact final de notre action ? sur le comportement des consommateurs, sur les éco systèmes, sur la consommation d’eau… et aussi sur les parties prenantes que nous mobilisons : sommes-nous socialement responsables avec elles ? comment les faisons nous grandir ? Ce questionnement est-il mené de manière systématique dans toutes les équipes, sur tous les projets ?

1 – Sensibiliser et former aux enjeux RSE

La formation dispensée sur les sujets RSE reste encore faible : en 2020, seuls 35 % des salariés déclaraient avoir reçu une formation relative aux enjeux RSE dans les trois années précédentes, mais surtout 2 % seulement avaient reçu une formation allant jusqu’à la façon d’intégrer la RSE dans son métier. Selon une enquête Cegos de 2021, le constat est encore pire : seuls 5 % des salariés auraient suivi une formation sur les enjeux de la RSE.

En matière de formation, les grandes entreprises sont nombreuses à pro- poser des modules RSE via leurs plateformes d’e-learning. Cependant, il est notoirement attesté que cela reste insuffisant pour inciter les personnes à s’auto-former. Il est alors plus efficace d’insérer ces formations dans un « parcours » permettant d’acquérir une certification particulière, ce qui peut correspondre à un vrai désir des salariés de développer de nouvelles compétences pouvant être réinvesties sur le marché de l’emploi. Et aussi d’en faire une démarche collective, à l’aune de chaque équipe.

2 – CSE et syndicats

Selon une nouvelle obligation de la loi Climat et Résilience (août 2021), le CSE (Comité social et environnemental) doit désormais être informé et consulté sur les conséquences environnementales et climatiques des décisions et activités de l’entreprise. Il peut également formuler des propositions pour une juste prise en compte des enjeux environnementaux de ces décisions. Les CSE sont donc en mesure non de décider, mais de challenger et d’interroger la direction sur ces questions. Ils peuvent aussi pousser la direction à davantage former les salariés sur ces enjeux.
Force est de constater que les dynamiques sont souvent insuffisantes dans les CSE, qui ne sont pas toujours armés pour débattre de questions lourdes comme le potentiel conflit entre combat contre l’inflation d’une part et durablilité / responsabilité des produits d’autre part…

3 – Faire de chaque fonction une fonction durable

Il est souvent possible de trouver des points d’appui dans les cultures professionnelles pour transformer les comportements et relever de nouveaux défis. Il n’y a aucune contradiction, par exemple, entre la culture des chiffres et de la rigueur des directions financières, et la nécessité de collecter et traiter les données RSE avec le même niveau d’attention que les résultats économiques. Pour les fonctions marketing, on pourra aisément s’appuyer sur le levier de la créativité pour promouvoir de nouveaux objectifs (proximité avec le client, pédagogie de la sobriété, mobilisation responsable des sous traitants), en complément de la seule culture du niveau des ventes. Pour les ingénieurs du développement de produits, l’écoconception et l’analyse du cycle de vie sont souvent vécues comme de magnifiques stimulants et des défis d’ingéniosité à relever.

Dans tous les cas, l’important sera de permettre aux équipes des fonctions de se projeter sur un demain responsable, avec le chemin correspondant pour y parvenir… L’action est toujours un réducteur d’angoisse.

Pour transformer les fonctions de l’intérieur et tous les réflexes promus de longue date, il est nécessaire de passer par une transformation managériale en profondeur. C’est le portage par la ligne managériale qui permettra de mettre la RSE en actes : management par la RSE, et non management de la RSE.

Les entreprises qui se veulent « responsables » ajoutent souvent un zeste de responsabilité sociale concernant les managers : tenir les entretiens annuels des collaborateurs dans les délais fixés, obtenir des notes convenables dans le cadre des baromètres sociaux, éviter les conflits de nature sociale (accusations de harcèlement, de discrimination, etc.). Du côté des dirigeants, on ajoutera à la performance économique et financière attendue des critères tels que la sécurité au travail, le respect de l’égalité hommes-femmes, de la diversité ou le niveau d’inclusion, etc.

5 – Revenir au « collectif de travail » : un engagement durable est un engagement d’équipe

Emilie Bobin
Emilie Bobin a participé à ma rédaction de cette tribune

Le lieu d’action à privilégier est le « collectif de travail », c’est-à-dire l’unité de base – l’équipe, le projet – dans laquelle s’inscrit l’action de chacun avec des objectifs partagés et des règles du jeu respectées. A noter qu’au sein d’une entreprise de produits de grande consommation, lors du cadrage de chaque projet, plusieurs temps collectifs associant l’équipe projet et les sponsors permettent de se projeter sur l’impact final du produit envisagé : impact carbone, mais aussi impact biodiversité, consommation d’eau et consommation de ressources.
Moralité : il n’y aura pas d’entreprise qui gagne sans une transformation vers un management participatif et durable.

6 – Jouer la carte des « jeuniors »

De nombreuses enquêtes et études post-covid ont montré une jeunesse très qualifiée qui adresserait aux entreprises des exigences particulières en matière
d’engagements sociaux et environnementaux1. Une étude menée auprès de 23 000 jeunes issus de 45 pays rapporte que le changement climatique et la protection de l’environnement sont la principale préoccupation de la génération Z à la suite de la pandémie et la troisième pour les Millennials (après la santé et le

Sylvain Lambert a participé à la rédaction de cet article
Sylvain Lambert a participé à la rédaction de cet article

chômage). Chez ces deux générations, cette préoccupation a crû entre 2020 et 2021. Si de nombreux observateurs mentionnent qu’effectivement les jeunes sont moteurs dans la transformation sociétale des entreprises et « challengent » leurs managers pour aller de l’avant dans la concrétisation des engagements, ils ne sont cependant pas les seuls à être motivés pour trouver et apporter des solutions.

Tribune co-rédigée par Émilie Bobin, Frédéric Petitbon et Sylvain Lambert, auteurs de l’ouvrage Il n’y a pas d’entreprise qui gagne dans un monde qui perd (éditions Vuibert).    

Crédit photo : PWC Visuel de couverture : Vuibert / 2023
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