Jeunes des quartiers défavorisés. Le manque de connaissance des métiers et des univers professionnels réduit le champ des possibles des jeunes des quartiers défavorisés. Les entreprises doivent aller sur le terrain pour informer, accueillir les stagiaires et en finir avec la discrimination.

Outre le décrochage scolaire de nombreux élèves issus des quartiers défavorisés, la crise sanitaire accentuera, dans les prochains mois,  les difficultés d’insertion professionnelle des jeunes de ces quartiers. En effet, la pandémie risque fort d’aggraver une situation endémique depuis des dizaines d’années, avec un taux de chômage des jeunes des zones prioritaires largement supérieurs à la moyenne nationale. Selon une enquête de l’Insee de 2018, le taux de chômage de ces jeunes était de 16,4 %, versus 8,4 % à l’extérieur de ces quartiers et près d’un jeune sur cinq était en situation d’inactivité sans pour autant suivre une formation ou des études, contre 8,3 % ailleurs. Si de nombreuses associations présentent dans ces quartiers prioritaires mettent en place des initiatives pour tenter d’endiguer le phénomène, les entreprises ont aussi un rôle majeur à jouer.

Informer sur la diversité des métiers

L’une des grandes carences de ces jeunes est leur manque connaissance du monde du travail et des métiers. Combien sont-ils à avoir entendu parler de marketing, communication, de game designer, juriste d’entreprise, product owner ou responsable de ressources humaines ? Combien sont-ils à savoir comment fonctionne une entreprise de services informatiques, un fournisseur d’énergie, ou une startup du secteur du secteur de la santé ? Or, jamais la diversité des métiers et des secteurs d’activités n’a été aussi grande qu’aujourd’hui. Il est donc crucial de leur délivrer cette information pour qu’ils puissent choisir un métier adapté aux besoins du marché du travail. C’est là que les entreprises ont un rôle à jouer en répondant notamment aux demandes des associations de quartiers comme ECD Sartrouville ou FACE (Fondation Agir Contre l’Exclusion), de réunir les élèves et les entreprises, de venir dans les établissements scolaires pour informer les jeunes sur les différents métiers exercés dans leurs organisations. Les entreprises doivent aussi ouvrir leurs portes pour accueillir les stagiaires, notamment ceux de troisième. Car, aujourd’hui encore les enfants des quartiers défavorisés se contentent de stage chez un commerçant de proximité, choix par défaut, qui ne leur permet pas de découvrir un métier ou un nouvel univers professionnel.

En finir avec la dévalorisation des filières professionnelles

En dehors du sacro-saint bac S, des écoles d’ingénieurs, de commerce ou médecine, point de salut. En effet, combien d’enseignants présentent l’orientation des élèves en filières professionnelles comme une punition. Or, tout le monde n’est pas intéressé par les mathématiques, la littérature et par des études longues, et tout le monde n’est pas doué de ses mains, ou doté d’un esprit pratique pour embrasser une profession, dite à tort, manuelle. Ce clivage dans la catégorisation des métiers rend péjoratif ces métiers. Le métier de chirurgien n’est-il pas tout aussi manuel qu’un plombier ? Tant que nous serons incapables de changer les mentalités et de valoriser ces métiers, nous manquerons de professionnels du bâtiment, de cuisiniers, d’aides soignants, etc. C’est pourquoi il est impératif d’inciter les jeunes à choisir des métiers qui leur plaisent et non de diffuser un discours dévalorisant sur les professions accessibles en enseignement professionnel, comme nous savons s i bien l e faire en France.

Enfin, en matière d’éducation il est d’autres certitudes qui ont la dent dure comme l’impossibilité de reprendre un cursus universitaire après avoir suivi une voie professionnelle. Erreur, les réorientations sont possibles pour tout étudiant motivé.
Les ministères de l’éducation et du travail ont aussi un rôle important à jouer au niveau d’une meilleure adéquation entre les besoins du marché et les formations dispensées. Comment peut-on accepter des centaines d’étudiants dans des filières sans débouchés et est-ce normal que certains secteurs souffrent de pénuries de profils alors que nous avons des millions de chômeurs ? D’après le ministère du travail sur le quatrième trimestre 2019, 210 000 emplois étaient non pourvus pour un taux de chômage de 8,1% sur cette même période.

La situation nécessite de véritables changements et notamment une implication réelle et massive des entreprises auprès de cette population. Non seulement elles doivent aller au devant de ces jeunes pour les informer, mais elles doivent aussi en finir avec la discrimination à l’embauche, phénomène pratiqué par un grand nombre d’entreprises. Selon le résultat d’une campagne de testing menée à la demande du gouvernement, un candidat d’origine supposée maghrébine avait 20% de chances en moins d’obtenir une réponse d’un recruteur qu’un candidat au patronyme “franco-français”. Pourtant, les compétences, l’envie, le dynamisme, le challenge, l’adaptabilité et l’autonomie ne sont-ils pas plus importants qu’un nom et une adresse ? Il est grand temps de faire évoluer les mentalités et de donner la chance aux jeunes de ces quartiers.
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