Par Patrick Joubert, Responsable Dev Experience chez CircleCI

L’ultime objectif de tout dirigeant est la performance – aussi bien de l’entreprise, que celle des équipes – et pour disposer de collaborateurs performants, il est indispensable de faire du bien-être de chacun une priorité. Les conclusions du projet Aristote de Google et du livre « Accelerate » (Forsgren et al) l’appuient : elles établissent une corrélation directe entre les performances de l’équipe et la sécurité psychologique.

Ce sont les défaillances d’une entreprise qui offrent les meilleurs enseignements sur la manière dont celle-ci peut être améliorée. Lorsque les équipes se sentent en sécurité et en confiance pour évoquer ouvertement leurs échecs, elles exposent certains points à optimiser et prennent des mesures pour aller de l’avant. Sans cette sécurité, ces problématiques ne seront jamais remontées. De plus, les dirigeants cherchent continuellement à obtenir des retours, non seulement pour améliorer leurs services et solutions, mais aussi pour améliorer les processus et le fonctionnement internes. Cette approche de perfectionnement devrait reposer sur une notion importe : la « Blameless Culture » ou le « droit à l’erreur ».
Cette notion est essentielle à la manière dont nous abordons les incidents, dont nous en tirons des leçons et dont nous empêchons leur reproduction. En somme, une culture sans reproche, ouverte à l’erreur implique une remise en question des processus, et non des personnes. Et elle doit être introduite et portée par tous les niveaux hiérarchiques de l’entreprise, des équipes opérationnelles aux dirigeants.

Le collectif est plus fort que l’individu

Imaginer une culture ambitieuse est une chose, mais l’implanter et la promouvoir en est une autre. Il est important de contribuer à faire respecter cette culture, en veillant à se recentrer sur les processus et les améliorations plutôt que sur des individus ou des actions spécifiques. Par exemple, lors de la gestion d’un incident ou d’une rétrospective, il convient de s’assurer que la discussion soit axée sur le « pourquoi » et le « comment », et non sur le « quoi » ou le « qui ».
L’absence de reproche permet de mener à bien le travail par les collaborateurs sans craindre qu’un manquement ne rejaillisse sur eux. Lorsqu’un problème survient, la principale priorité est d’en atténuer l’impact sur les clients et les équipes, au lieu de chercher à savoir qui en est la cause. En privilégiant la recherche d’une solution plutôt que le rejet de la faute, chaque collaborateur est motivé pour intervenir et aider à résoudre le problème. En outre, une erreur individuelle résulte souvent d’un dysfonctionnement profond, mais la conversation tend naturellement à se concentrer sur des aspects superficiels. Ce qui oblige à approfondir la réflexion et à aller au-delà des individus ou des actions individuelles. Il n’incombe pas aux collaborateurs seuls de régler des problèmes de fonctionnement, qui dépassent largement leurs compétences ou leur expertise. Il s’agit d’un combat et d’un travail communs entre les équipes opérationnelles et dirigeantes.

Les incidents, la partie visible de l’iceberg

Les erreurs sont le microscope sous lequel nous avons tendance à examiner la Blameless Culture, car elles sont généralement critiques, extrêmement visibles et de la plus haute importance. Elles sont également particulièrement stressantes. Il y a une distillation claire du comportement affiché pendant et après une erreur. Mais la culture qui se manifeste lors de la gestion de ces incidents sera le reflet direct de la culture instaurée chaque jour, dans chaque action, même dans les circonstances les plus anodines.

Lorsque nous analysons un incident pour en déterminer les causes, et ainsi le résoudre, l’une des questions les plus courantes que nous nous posons est la suivante : « En quoi le système nous a-t-il fait défaut ? » Cette question peut être formulée de plusieurs manières, mais le constat est univoque : les mêmes personnes opérant dans un système différent obtiendraient des résultats différents. Dans ce cas, il faudra se pencher alors sur le système, et non l’Humain.
En tant que dirigeant, cette prise de position peut être particulièrement difficile à vivre si vous n’y êtes pas prêt. Faire porter le chapeau à une personne, est facile, voire réconfortant. Mais devoir revoir les systèmes – qui sont l’œuvre même des dirigeants – l’est moins.  La façon dont on choisit de gérer cette réalité est au cœur de la construction du “droit à l’erreur”. Discuter ouvertement du contexte et du modèle mental qui a conduit aux systèmes en place, ainsi que des moyens de les améliorer, envoie un signal très important sur la volonté de s’améliorer.

Comme le dit si bien Donella Meadows dans « Thinking in Systems », les systèmes ne peuvent pas être contrôlés, mais ils peuvent être conçus et repensés. Ils fonctionnent donc conformément à leur conception. Il devient alors nécessaire pour chaque dirigeant d’assumer la responsabilité de son rôle dans leur développement et de trouver un moyen de les modifier pour générer de meilleurs résultats… sans reproches.