Résolution strictement logique du« paradoxe de l’interrogation surprise »

Cet article propose une solution simple au « paradoxe de l’interrogation surprise ». Le problème, publié par D.O’Connor en 1948, est resté non résolu jusqu’à ce jour. La formulation du problème, que nous avons choisi ici, est semblable à celle de Paul Franceschi, adaptée à une semaine de six jours.
« Un professeur annonce à ses étudiants qu’un examen aura lieu la semaine prochaine. Cependant, le professeur ajoute qu’il ne sera pas possible aux étudiants de connaître à l’avance la date de l’examen, car celui-ci aura lieu par surprise. Un étudiant intelligent  raisonne alors ainsi : l’examen ne peut se dérouler le dernier jour de la semaine [le samedi] car sinon je saurai, de manière certaine, que l’examen aura lieu le samedi. Ainsi, le samedi peut être éliminé. De même, poursuit l’étudiant, l’examen ne peut se dérouler l’avant-dernier jour de la semaine [vendredi] car sinon je saurai que l’examen aura lieu le vendredi. Ainsi, le vendredi est également éliminé. Par le même raisonnement, l’étudiant conclut que l’examen ne peut avoir lieu ni le jeudi, ni le mercredi, ni le mardi, ni le lundi. Finalement, l’étudiant conclut que l’examen ne peut avoir lieu aucun jour de la semaine. Pourtant, cela n’empêche pas l’examen d’avoir lieu par surprise, par exemple le mercredi.Le paradoxe naît ici du fait que le raisonnement de l’étudiant semble valide, alors qu’il se révèle finalement en contradiction avec les faits, puisque l’examen a finalement bien lieu par surprise. » (Franceschi, 2014)

La plupart des commentateurs proposent des raisonnements par récurrence

sauf celui-ci :
« Il n’y a pas de paradoxe, seulement un drôle de professeur qui tient des propos incohérents – contradictoires – auquel on ne peut donc pas se fier. Il n’a aucune raison d’être fier de nous surprendre puisque quiconque se contredit surprend  forcément ceux qui croient à la vérité de ses propos. » (Delahaye, 2014)
Le professeur annonce à ses élèves qu’il fera une interrogation surprise la semaine  prochaine. Précisons, tout d’abord, les termes du problème :
(a) une interrogation aura lieu durant un cours dans la semaine (du lundi au samedi).
(b) avant le début de l’interrogation, les élèves ne pourront pas avoir la certitude logique que l’interrogation va avoir lieu le jour même.
(c) il n’y aura qu’une et une seule interrogation dans la semaine.
La solution, de ce que l’on nomme couramment « le paradoxe de l’interrogation surprise », est très simple, il suffit d’analyser correctement l’idée de l’élève.

La démonstration est la suivante

SI (le samedi matin, l’interrogation n’a pas déjà eu lieu) ALORS (elle aura lieu le samedi) L’interrogation ne peut pas avoir lieu le samedi, car il n’y aurait pas de surprise (le vendredi soir les élèves sauraient, à l’avance avec certitude, la date de l’interrogation – le dernier jour de la semaine-).
Dans une implication SI « H » ALORS « C », quand la conclusion « C » est fausse, c’est que l’on a fait une mauvaise hypothèse, « H » est par conséquent fausse.
La conclusion C = « l’interrogation aura lieu le samedi » étant fausse, cela impose que l’hypothèse « H » aussi soit fausse.
La proposition H = « l’interrogation n’a pas déjà eu lieu» étant fausse, cela indique que son contraire est vraie, c’est à dire : le samedi matin l’interrogation a déjà eu lieu.
Donc, l’interrogation ne peut pas avoir lieu le samedi, parce qu’elle a déjà eu lieu avant et il n’est prévu qu’une seule interrogation dans la semaine [d’après la condition (c)].

Conclusion : l’interrogation a lieu l’un des cinq premiers jours de la semaine (du lundi au vendredi inclus) et, avec surprise, car il est impossible de déterminer, à l’avance, la date exacte. Donc il n’y a pas de paradoxe. Pour les lecteurs intéressés, un article plus détaillé est archivé sous la référence https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03198088

Remarques :
1 – Dans la réalité, on « n’arrive jamais » au samedi, car quand l’interrogation a lieu, le déroulement des jours « s’arrête ». L’interrogation a lieu le jour «J », avec surprise, et donc le problème se termine le jour «J» (entre le lundi et le vendredi inclus).
2 – La principale erreur de l’élève est qu’il ne garde que la moitié de la conclusion « l’interrogation ne peut pas avoir lieu le samedi» alors que l’assertion complète est : « l’interrogation ne peut pas avoir lieu le samedi PARCE QU’ELLE A DÉJÀ EU LIEU AVANT le samedi ».

Références
1 – O’Connor,D.,(1948). Pragmatic Paradoxes, Mind, 57(227), 358–359. https://doi.org/10.1093/mind/LVII.227.358
2 – Delahaye, JP., (2014). Solution du paradoxe 9.1 : L’interrogation surprise, Accromath, 9(2), été-automne. https://accromath.uqam.ca/.
3 – Franceschi, P., (2005). Une analyse dichotomique du paradoxe de l’examen-surprise. Philosophiques, 32(2), 399–421. https://doi.org/10.7202/011875ar.