Commençons par un paradoxe : nous n’avons jamais autant parlé des lieux de travail alors que leur occupation n’a jamais été aussi faible. Avec des surfaces sous-occupées à la faveur du télétravail, la question des m2 est plus que jamais devenue un sujet de direction générale. La tendance de fond est la suivante : optimiser les surfaces dont les coûts augmentent alors que l’occupation est plus faible. Une fois l’ambition affichée, laquelle semble être du simple bon sens, les différents points de vue émergent, a priori difficiles à concilier d’autant que de nombreuses idées reçues circulent parmi les acteurs de la transformation des lieux de travail.

Mais si, les nouveaux bureaux seront vraiment super !

D’un côté, on trouve les promoteurs de la transformation des organisations par l’espace, sponsorisés par les dirigeants et accompagnés par des consultants. On ne lésine pas sur les éléments de discours qui promettent des lendemains qui chantent. Décloisonner les espaces favorisera la communication et la collaboration. Les nouveaux espaces stimuleront la créativité voire la fameuse sérendipité. Un espace ouvert permettra de casser les silos. Investir dans de beaux espaces facilitera le recrutement des talents. Ces discours incantatoires inondent la presse professionnelle voire la presse grand public, faisant croire que les liens de cause à effet entre une transformation et ses conséquences sur les organisations seraient quasiment mécaniques. Ces éléments de langage s’inscrivent dans une sémantique de la modernité, jamais clairement définie, mais qui promeut les gains que la transformation devra engendrer. Pourtant, l’examen de la littérature académique sur ces sujets permet de nuancer fortement les liens de causalité facilement admis. Non pas que la liste ci-dessus soit une série d’erreurs, mais plutôt qu’un processus complexe vient, ou non, constituer des leviers d’amélioration. En réalité, la recherche indique que, bien davantage que la dimension matérielle de la transformation immobilière, c’est plutôt la dimension immatérielle qui importe, autrement dit l’accompagnement. Un même espace final pourra en effet être perçu de manière très différente selon la place que les utilisateurs finaux auront pu prendre dans le processus de production. Plus les salariés sont associés, plus les niveaux de satisfaction et de performance perçue seront forts.
L’espace matériel peut effectivement faciliter certaines dynamiques sociales mais seulement avec un renfort humain. On sera par exemple plus créatif avec une salle inspirante mais surtout avec un management adéquat. On cassera les silos peut-être en ouvrant les espaces mais sûrement en favorisant les relations inter-équipes par un effort managérial et culturel. On attirera les talents sans doute plus facilement avec de beaux locaux, bien localisés, mais surtout avec des valeurs de confiance et d’empowerment. Autrement dit, les idées reçues qui circulent sur les espaces de travail ne sont pas intrinsèquement fausses, mais elles cèdent souvent à la facilité alors que l’atteinte des objectifs est le fruit d’un mélange complexe. L’ensemble des promesses que nous avons listées ne sont pas satisfaites par magie !

Ils vont dégrader nos conditions de travail pour faire des économies !

D’un autre côté, les utilisateurs finaux, les travailleurs de bureau donc, entretiennent souvent des idées reçues qui relèvent parfois du fantasme et souvent de craintes tout à fait naturelles puisque le changement perturbe les équilibres psycho-sociaux. Les espaces ouverts sont bruyants. Les bureaux partagés déshumanisent. On est plus performant dans un bureau individuel fermé. Ces discours entretenus par de nombreux salariés, relayés par leurs représentants, ne sont là-encore pas entièrement faux. Ils expriment des réticences face au changement qu’on sait pouvoir potentiellement dégrader les conditions de vie. Pourtant, des études ont montré que les open spaces étaient peu bruyants, que le flex office pouvait être tout à fait satisfaisant du point de vue des occupants ou bien que le bureau individuel fermé n’était parfois pas l’idéal pour travailler. Réticences voire résistances sont naturelles puisque toucher à l’espace, c’est toucher aux organisations, au management, aux identités, aux cultures. Pour autant, certaines idées reçues véhiculées a priori peuvent s’estomper ou se dissiper a posteriori. La clef de voute d’une production réussie d’un lieu de travail résidera dans la capacité à trouver de nouveaux équilibres après une période de perte de repères bien normale.
Ajoutons tout de même que la recherche d’économies par l’optimisation ou la réduction des m2 est aujourd’hui un impératif structurant qui doit constituer une base de travail commune. Peut-on sérieusement accepter de payer, chauffer, rafraîchir ou éclairer des m2 de postes de travail sous occupés la plupart
du temps ?

Mieux vaut penser le changement que changer le pansement…

On l’aura compris, transformer une organisation à travers le levier immobilier est un exercice qui consiste à faire converger des points de vue initialement plutôt divergents. Face à l’ensemble des idées reçues qui cèdent de part et d’autre à la facilité et à l’exagération, c’est bien la recherche de compromis qui créera des équilibres satisfaisants.
En matière de production de l’espace, les points de vue sont réconciliables si, et seulement si, le processus est sincèrement participatif avec de futurs occupants producteurs de leur futur lieu de travail. C’est ainsi que se dissiperont de stériles idées reçues qui sont finalement des subjectivités exagérées qui ne servent personne et qui, d’où qu’elles viennent, polluent les chances de succès d’un projet. La littérature académique le rappelle en permanence : produire un lieu, c’est faire sien un espace qu’on s’approprie avec le temps à partir d’un équilibre satisfaisant. De ce fait, même si dans les entreprises la tendance actuelle est à la recherche d’économies par la diminution de la dépense immobilière, celle-ci est compatible avec une amélioration des environnements de travail à condition de mettre en place un dialogue constructif qui dépasse les arguments des uns et des autres, pas toujours faux, mais pas toujours très vrais non plus…
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