Pour les membres de la Confédération générale des SCOP (CG Scop)*, la Loi sur le pouvoir d’achat appelle à se pencher urgemment sur le sujet du partage de la valeur créée en entreprise. Et en la matière les sociétés coopératives ont beaucoup à apporter au débat.

Les Scop et le partage de valeur en entreprise

Les Scop peinent à se faire entendre comme une solution valable. Les débatteurs sur l’intéressement et la participation ne s’y sont même pas penchés alors que dans les Scop, ce sont 46 % des résultats qui sont versés aux salariés (part salariale) auxquels il faut ajouter pour une partie d’entre eux 11 % de dividendes ; soit largement plus de la moitié des résultats. Sans compter qu’au sein des Scop, intéressement ne va pas sans participation – c’est la base même de la coopérative, puisqu’elle appartient à ceux qui y travaillent.
Au-delà de la question de la participation des salariés aux bénéfices, c’est tout le fonctionnement des entreprises qui doit être questionné et la quête de solutions pour redonner sa place au travail qui doit être priorisé.
Non que « les jeunes ne veuillent plus travailler » ou que la Covid ait brusquement bouleversé le regard que les salariés portent sur le travail, mais plus sûrement que la « valeur travail » est en mutation, voire qu’elle va sur sa fin comme le prophétisait dès 1995 Dominique Méda dans un livre majeur[1].

Dans l’exposé des motifs de cette loi, le législateur défend « une meilleure association des salariés aux enjeux de l’entreprise et un plus grand partage de la valeur créée dans l’entreprise en s’inscrivant dans la dynamique du dispositif d’intéressement. » Il relève qu’un « des principaux freins à la diffusion de l’intéressement dans les petites entreprises est la difficulté à négocier la mise en place d’un accord lorsque le dialogue social est peu développé. »

Un progrès, mais il y a un grand absent, le pouvoir

Aujourd’hui, moins de 9 % des salariés des entreprises de petite taille sont couverts par un accord d’intéressement, seulement 11 % dans les entreprises de 10 à 49 salariés, contre 69 % dans les entreprises de plus de 1 000 (et de fait, contre 100 % dans les Scop, quelles que soient la taille !).
Avec cette loi, l’employeur peut mettre en place de façon unilatérale un dispositif d’intéressement dans les entreprises de moins de 50 salariés, en l’absence d’institutions représentatives du personnel. Le dispositif peut être renouvelé, toujours par décision unilatérale, et divers aménagements sont censés rendre plus souple et facile son application, en particulier dans les petites entreprises où il est peu répandu.
C’est un progrès mais, pour la confédération générale des SCOP, il y a un grand absent dans le débat. C’est le pouvoir. On ne répondra pas aux défis sociaux et écologiques sans donner le pouvoir à ceux qui travaillent et leur permettre de peser sur ce qu’ils font et la façon dont ils le font. C’est le fondement même du modèle coopératif.

[1]    Le travail, une valeur en voie de disparition, éditions Aubier, 1995.

*La confédération générale des SCOP, un réseau des Sociétés coopératives et participatives (SCOP), de Sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC) et de Coopératives d’activité et d’emploi (CAE),  s’appuyant sur un réseau d’Unions régionales et de fédérations de métiers anime et assure la coordination de ses adhérents en matière juridique, financière, lobbying, communication… Elle fédère 4 122 sociétés coopératives qui  emploient 81 000 salariés,

Tribune corédigée par Jacques Landriot et Bellaredj, Déléguée Générale de la CG SCOP

Jacques Landriot,  Président de la CG SCOP et Fatima Bellaredj, Déléguée Générale de la CG SCOP

Diplômé de l’Ecole nationale de commerce, Jacques Landriot intègre le groupe Up (ex Groupe Chèque Déjeuner) en 1975 comme d’attaché commercial. Il devient directeur commercial du groupe Up en 1981 directeur général en 1985, président directeur général de 1991 à 2014 après avoir été réélu six fois consécutives. Après 23 ans de présidence au sein du Groupe, il devient président d’honneur. N°3 mondial sur le marché des titres de services à vocation sociale et culturelle, le groupe Up est aujourd’hui présent dans 30 pays et compte 3 600 collaborateurs. Président de la Mutuelle des Scop et des Scic depuis 2012 et premier vice-président du Conseil économique, social et environnemental (CESE) depuis 2019.

Fatima Bellaredj – Déléguée Générale de la CG SCOP

Diplômée de Sciences économiques, Fatima Bellaredj s’implique depuis plus de 20 ans dans le Mouvement coopératif, en intégre en 1998 la Scop Amédis, bureau d’études spécialisé dans l’accompagnement et l’évaluation des politiques publiques, dont elle prend la gérance à 32 ans. Elle elle est à l’initiative en 2007 du premier incubateur régional Alter’Incub au sein de l’Union régionale des Scop du Languedoc-Roussillon dont elle devient la directrice en 2014. Lauréate du Prix de l’engagement sociétal (Prix de l’entrepreneur Ernst & Young) en 2014 dans la région Méditerranée. Elle intégre la CG Scop en 2018 comme déléguée générale, avec pou pour missions la représentation interne et externe, le lobbying et la mise en oeuvre du plan de développement, en liaison étroite avec les instances élues (Bureau et Direction nationale).