Comment s’adapter face à la pénurie de talents pour garantir durablement le succès des entreprises et des candidats ? Les recruteurs français doutent et sont à la recherche de solutions inspirantes. Si, outre-Atlantique, les méthodes sont performantes dans cette conjoncture, les pratiques françaises jouent un rôle essentiel face à un modèle libéral américain qui diminue la protection des salariés. Faire émerger un processus de recrutement qui tire le meilleur des deux approches devient indispensable pour affronter la réalité du marché.

Flexibilité et prise de risques, un mix and match qui a de l’avenir

Le modèle de recrutement américain repose en premier lieu sur un cadre juridique basé
sur la flexibilité. Aux Etats-Unis, il est en effet possible de quitter son emploi sous
quelques jours voire quelques heures. Pour les employeurs, il est donc nécessaire de
savoir recruter dans les mêmes délais, sous peine de subir un délai de vacance du poste.
Mais cette flexibilité à double sens permet par ailleurs de se séparer plus facilement
d’une nouvelle recrue en cas d’inadéquation et donc de prendre plus de risques en
misant sur des profils atypiques.

Développez la culture du résultat, misez sur les experts

Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que les entreprises américaines aient développé
une organisation spécifique du recrutement autour de spécialistes de l’acquisition de
talents tandis que cette activité reste, dans la plupart des entreprises françaises, l’une
des nombreuses attributions de services de ressources humaines généralistes.
Ultra-spécialisée, cette fonction de recrutement américaine est également organisée
selon des principes inspirés des services commerciaux et repose notamment sur
l’incitation individuelle à la performance.

Appliquez la logique de performance commerciale au recrutement

Ce rapprochement entre recrutement et fonction commerciale n’est pas limité à
quelques éléments organisationnels mais s’incarne également dans les outils utilisés par
les spécialistes de l’acquisition de talents. La fonction de recrutement s’est
profondément transformée en s’inspirant des meilleures techniques commerciales :
pilotage des chiffres-clés, utilisation d’outils dédiés, création de postes visant à piloter et à
fluidifier les process au sein des équipes recrutement. Certains s’appuient ainsi sur des
logiciels de CRM (Customer Relationship Management) comme Salesforce et Hubspot
et sur des solutions spécifiques optimisées pour la gestion des relations candidats.
Une telle convergence favorise la circulation entre ces équipes et les services
commerciaux. Il n’est en effet pas rare de voir des commerciaux à succès intégrer des
services d’acquisition de talents pour y appliquer leurs recettes : pilotage et amélioration
continue des performances, automatisation et recours aux outils conversationnels voire
à l’intelligence artificielle. Les méthodes employées révèlent alors une approche bien
plus proactive visant à générer des candidats comme on génère des prospects en
s’appuyant sur un démarchage actif et une généralisation du recours à la publicité.

Des processus optimisés pour des recrutements accélérés

Dans un contexte de quasi plein emploi, ces équipes de recruteurs sont incitées à
transformer le plus rapidement possible chacun de leurs contacts en recrutement
effectif. Quel que soit le niveau de qualification attendu, une organisation visant à
réduire les délais à chaque étape du processus est ainsi mise en place. Des call centers
de recruteurs ont ainsi vu le jour pour permettre à chaque candidature de recevoir une
réponse dans l’heure, avec un objectif de signature le jour même. Une telle organisation
implique cependant de renoncer à de nombreuses exigences qui gouvernent encore les
relations entre candidats et recruteurs en France telles que les lettres de motivation
voire même les traditionnels entretiens d’embauche. Certaines entreprises américaines
comme Amazon et Home Depot ont ainsi développé des processus de recrutement
entièrement automatisés permettant d’intégrer leurs équipes sans avoir jamais échangé
avec un humain.

Le rapport à l’argent, un tabou à lever

Le rapport à l’argent des Américains est notoirement différent de celui des Français,
lesquels sont connus pour leur pudeur en la matière. Or la transparence salariale
simplifie largement les processus de recrutement outre-Atlantique. Affichée sur l’offre
d’emploi, la rémunération ne fait pas l’objet du même mystère et ne donne pas lieu aux
mêmes incompréhensions que dans l’hexagone. Ce pragmatisme financier n’est sans
doute pas sans lien avec la facilité avec laquelle les employeurs américains n’hésitent pas
à augmenter les salaires offerts pour les postes les plus en tension. Infirmiers dans le
secteur privé, serveurs et chauffeurs routiers ont ainsi vu leurs salaires moyens exploser
sous l’effet de la pénurie. Une revalorisation largement justifiée et rentabilisée par la
nécessité économique de trouver de la main d’oeuvre pour remplir ces fonctions mais
que le marché français est bien plus lent à accepter.
Les différences entre les modèles français et américain sont évidentes. Si ces deux
modèles s’opposent, il est important de reconnaître la complémentarité de ces
approches. Si aux États-Unis, les plus vulnérables sont coupés d’accès aux emplois
stables par une augmentation massive de la “gig economy” qui engendre une précarité
importante, en France, la protection sociale offerte par le droit du travail impacte la
flexibilité des entreprises à l’embauche. Dans ce contexte, trouver l’équilibre entre
l’instantanéité et la performance du modèle établie outre-Atlantique et les garanties et la
sécurité offerte par celui existant dans l’hexagone permettrait de sortir de la
conjoncture tendue qui pèse sur le marché du travail
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