L’urgence climatique n’est plus une menace abstraite ni même floue. Les impacts s’inscrivent dorénavant dans notre quotidien : raréfaction des ressources, crise énergétique… On nous presse à plus de sobriété dans nos pratiques et nos habitudes de consommation, au niveau individuel comme au niveau de l’entreprise.

Pour les organisations, le challenge est de taille : il faut repenser les modèles, les offres, les produits et les services, mais aussi embarquer les collaborateurs et faire évoluer les modes de fonctionnement en interne. Ce n’est pas toujours simple, et pour cause : comme nous l’expliquent les neurosciences, le cerveau humain est naturellement programmé pour craindre ce type de changement et s’y opposer.

Notre cerveau est conçu pour résister au changement

On pourrait appeler ça un réflexe de survie : face à un changement brutal et inattendu, notre cerveau voit rouge. Pire, il est conçu pour refuser l’idée d’une autolimitation et récompenser la répétition des comportements, et donc des vieilles habitudes, en produisant toujours plus de dopamine, la fameuse molécule du plaisir.
Autant dire que le principe de sobriété va à l’encontre même de sa nature. Et ce, pour trois raisons :

La sobriété laisse entrevoir des résultats si lointains qu’ils en deviennent irrationnels pour notre cerveau conditionné à rechercher le plaisir immédiat et concret ;

– L’abondance est partout – pour l’instant encore – envoyant ainsi des signaux contradictoires ;  

– Nous sommes programmés pour grandir et aller de l’avant

D’où un tiraillement constant entre la partie la plus archaïque de notre cerveau qui nous enjoint à rechercher la croissance, et la partie la plus évoluée et rationnelle, qui nous encourage à prendre en compte l’état du monde.
L’ensemble de ces biais neurologiques nous poussent à conserver nos vieux automatismes, ils nous entraînent aussi à croire en l’idée qu’une croissance infinie est encore possible dans un monde fini. Et forcément, cela complique la route vers plus de sobriété.
Et pourtant, tout n’est pas perdu ! Il existe des leviers aussi bien individuels que collectifs, activables dans le cadre d’une démarche de conduite du changement, qui permettent d’inverser la tendance et de nous adapter pour faire face à l’urgence.

Appliquer les neurosciences à la conduite du changement

Comme toute machine, le cerveau humain peut évoluer pour adopter de nouvelles habitudes. Pour cela, il suffit de créer de nouvelles connexions neuronales qui créeront elles-mêmes ces nouvelles habitudes.
Cela exige de la part de l’entreprise un travail préalable de pédagogie : en effet, un changement de cette ampleur (pour faire moins plutôt que faire différemment) ne sera efficace que s’il est compris et accepté par l’individu, qui décidera de le valider et d’engager de nouvelles actions.
Cela exige également de prendre le temps de l’ancrage et de donner du sens à la démarche. Le changement est un processus d’apprentissage au cours duquel nous adoptons de nouveaux comportements et en abandonnons d’autres, devenus défavorables à l’objectif fixé. C’est un jeu d’ajustement entre nos pensées cognitives, nos motivations, nos émotions et nos actions, qui nécessite d’être répété et ressenti pour que les choses évoluent réellement.

Identifier les menaces et actionner le circuit de la récompense

Si la pédagogie et l’ancrage sont des prérequis, ils ne suffisent pas cependant pour installer une évolution durable des comportements. Ils doivent être associés à des outils et des méthodologies qui permettent d’activer et de fluidifier les process de transformation. Pour ce qui est de la recherche de sobriété, on commencera par identifier les menaces (réelles ou perçues) associées au changement afin d’être en mesure de les contrer ou de les contourner, mais aussi les récompenses les plus à même de faire bouger les individus et donc les lignes.

Le changement pourra aussi être encouragé par les nudges, ces coups de pouce qui entraînent sans les forcer les individus dans la bonne direction, en s’appuyant sur la compréhension de leurs biais cognitifs. Il s’agira simplement de transformer un enjeu lointain en une série de défis quotidiens concrets et immédiats que les collaborateurs seront invités à résoudre. L’avantage d’une telle approche est double : elle permet d’encourager le changement sans faire usage de la contrainte, mais aussi d’identifier les leviers et les actions qui influencent les comportements.

Chez les collaborateurs, le circuit de la récompense sera d’autant plus activé et la mobilisation d’autant plus forte que les objectifs de sobriété seront précis, échelonnés, accessibles dans le temps et concrets.

Pas d’avancée sans la force du groupe

Dernier élément incontournable pour réussir sa mue : donner au changement une dimension collective, par l’instauration par exemple de nouveaux rituels, et démultiplier l’impact des communications, des messages et des initiatives. L’un des principaux obstacles à la sobriété est l’impression d’être sans effet à l’échelle individuelle, d’où l’importance de montrer que tout le monde est concerné. Et que l’ensemble des collaborateurs peuvent et doivent être acteurs du changement.