À l’heure où les débats autour de l’âge du départ à la retraite et de la place des seniors en entreprise battent leurs pleins, il est de bon aloi de s’interroger sur l’avenir de la carrière de ces salariés. Au-delà des simples questions de lutte contre l’âgisme et des enjeux d’inclusivité, cette réflexion s’avère particulièrement pertinente pour les entreprises qui doivent capitaliser à la fois sur les connaissances actuelles, celles qui rejoindront leurs rangs, ou celles qui seront à transmettre par les employés de plus de 50 ans. Parce qu’une carrière ne doit pas décliner dès l’entrée dans la tranche d’âge dite « senior », il est grand temps pour les entreprises d’opérer un management intergénérationnel efficace et de miser sur ces salariés à travers la formation.

La cohabitation des générations est loin d’être un non-sujet

Si la diversité des générations au sein des entreprises est une réalité, elle est pourtant sous-estimée par beaucoup de managers et de dirigeants. Alors qu’il s’agit d’un véritable levier de différenciation et de performance, il est nécessaire d’adapter l’animation managériale à la diversité des profils en conséquence. Aujourd’hui, de plus en plus d’entreprises adoptent une politique de « diversité et d’inclusion » et s’engagent sur des sujets majeurs tels que l’égalité femmes-hommes, l’inclusion de salariés en situation de handicap ou des seniors. Sur ce dernier volet, les salariés ayant dépassé la cinquantaine doivent avant toute chose être considérés à leur juste valeur, car leur atout majeur réside incontestablement dans l’expérience dont ils disposent. Leur vécu opérationnel, leur expertise du métier et de l’entreprise, leur esprit de synthèse et leur capacité à prendre du recul sont des compétences précieuses à transmettre et à combiner avec les connaissances des générations suivantes.

Pour faire collaborer efficacement les différentes générations au sein d’une même équipe, il faut comprendre ce qui les différencie (en termes d’enjeux et d’attentes) mais aussi leurs points communs (en termes de besoins). Finalement, il s’agit d’aligner leurs systèmes de pensée tout en respectant leurs différences. Pour cela, il existe différentes méthodes managériales à envisager. Par exemple, le tutorat réciproque peut être un bon moyen de manager des équipes intergénérationnelles. En favorisant l’apprentissage mutuel et la cohésion d’équipe – au travers d’un binôme junior-senior – le collaborateur expérimenté va alors se positionner en soutien de son jeune collègue. L’objectif pour ce référent est d’apporter son expertise et son savoir-faire contribuant ainsi à sa montée en compétences. Dans le même temps, le salarié senior pourrait apprendre du junior (appropriation des outils digitaux, évolution des techniques et/ou du marché, etc.). Ces exemples emblématiques sont loin d’être les seuls enseignements prodigués par la jeunesse. De plus, au-delà du mentorat pur, ce partage de connaissances doit constituer un terreau favorable à une transmission efficace.

L’autre approche managériale possible consiste à structurer les démarches de transmission de savoir. En effet, avec les futurs départs massifs à la retraite des baby-boomers, les entreprises doivent impérativement conserver les savoirs et savoir-faire, grâce à la transmission de compétences entre seniors et juniors mais aussi à un fort degré d’autonomie laissé par le manager. Ce dernier peut compter sur les salariés expérimentés pour partager leur connaissance, prendre sous leur aile les jeunes recrues, et être un relais d’information. Tout en gardant un œil bienveillant sur ce processus, le manager s’assure que les bonnes pratiques et enseignements sont relayés au sein de son équipe, et ce même après le départ du mentor.

 Il n’y a pas d’âge pour apprendre

Le maintien de l’employabilité des collaborateurs est un défi pour les entreprises. Même au-delà d’un certain âge, les compétences métiers et transverses des salariés nécessitent d’être actualisées. Alors qu’en France, l’âge semble encore associé à de nombreux préjugés chez les employeurs (qui ont tendance à ne pas intégrer les seniors dans leur politique de gestion des talents), l’accès à la formation ne devrait pas être l’apanage des jeunes actifs. De plus, cette tendance peut générer un certain phénomène d’autocensure par les salariés seniors, qui anticiperaient un refus de l’employeur quant au suivi d’une formation.

Pourtant, dans un contexte de fortes tensions sur le recrutement, il est nécessaire de miser sur ces salariés. En effet, en prenant soin de tous ses employés – quel que soit leur âge et au travers d’une expérience RH collaborateur enrichissante – il s’agit de répondre aux objectifs de fidélisation et du maintien à un haut niveau d’engagement pour les entreprises. La formation est donc un levier important pour s’adapter aux transformations des métiers, même pour les séniors. De plus, cela permet de faire le point sur leurs acquis et leurs forces, et d’envisager précisément la manière dont ils vont aborder leur carrière. Cela peut passer dans un premier temps par un bilan de compétences « salarié expérimenté » à partir de 20 ans d’expérience, par un entretien professionnel bisannuel pour préparer les prochaines étapes de la carrière, ou encore par la validation des acquis de l’expérience (VAE). Cette dernière option peut être également une opportunité de valoriser le savoir-faire et d’enrichir les compétences tout en identifiant des axes de progrès.

Si aujourd’hui les pouvoirs publics envisagent de faire évoluer l’âge légal du départ à la retraite, la question de l’employabilité des plus de 50 ans reste un enjeu d’avenir. Les entreprises qui s’engagent de manière ambitieuse sur ce sujet pourraient obtenir un avantage concurrentiel non-négligeable. En fonction de leurs situations et de leurs spécificités, elles peuvent se servir de différents moyens pour capitaliser sur ces salariés qui ont plus d’un tour dans leurs sacs. Le tutorat, la transmission intergénérationnelle des savoirs, la formation continue, ou encore la mise en place d’une politique inclusive, sont autant d’initiatives qui permettent aux entreprises de bénéficier de l’expérience et du savoir de leurs employés seniors. Enfin, il s’agit également d’offrir à ces derniers une poursuite et fin de carrière valorisante, enrichissante et en adéquation avec leurs aspirations. Qu’y-a-t-il de plus beau qu’un salarié fier du travail accompli pendant plusieurs décennies, partant pour une nouvelle vie de retraité bien méritée ?