Tout entrepreneur (startupper pour ceux qui gravitent dans l’écosystème tech) qui crée et planifie la croissance de son entreprise doit, à un moment donné, envisager une potentielle internationalisation. En effet, une évolution exclusivement à l’intérieur des frontières nationales devient rapidement une limite à une croissance d’entreprise. La conquête de nouveaux marchés se profile donc souvent comme souhaitable, voire nécessaire. Il faut, par conséquent, avoir l’internationalisation à l’esprit dès la création d’une entreprise.

À l’ère de l’internet, de la mondialisation, des réseaux sociaux, du distanciel et du commerce électronique, les externalités sont plus que favorables à l’internationalisation des entreprises, surtout dans le numérique. Des différences persistent entre les marchés nationaux, mais, surtout au sein de l’Union Européenne, elles constituent des obstacles surmontables.
Les seuls obstacles réels sont souvent linguistiques (il faut tout traduire), réglementaires (comment les directives européennes sont appliquées dans chaque pays en plus de la réglementation nationale), et culturels (s’adapter à la culture entrepreneuriale dans chaque pays, à la culture du travail et de l’achat).

Le “cas fintech” : quelles spécificités ?

Nombre de start-ups fintechs planifient leur passage à l’échelle internationale en prenant pour modèle des entreprises qui ont certes réussi leur internationalisation, mais dans des secteurs différents. Il s’agit d’une approche qui peut induire en erreur car la clientèle peut avoir des nécessités et des process d’achats radicalement différents d’un secteur à un autre.

Une entreprise qui recherche la bonne solution fintech pour rationaliser ses dépenses et une entreprise qui a besoin d’une technologie de pointe pour un passage à l’échelle dans l’industrie automobile, par exemple, n’auront ni la même approche “buyer”, ni (souvent) ne devront se conformer à la même réglementation.

L’environnement réglementaire

L’environnement réglementaire européen demeure très fragmenté pour les fintechs. Chaque pays dispose de sa propre autorité de contrôle, comme l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, abrégé ACPR, et la Banque de France, dans notre pays, qui ont pour mission de superviser les secteurs bancaires et de l’assurance, et à préserver la stabilité du système financier et à la protection des clients.
La difficulté consiste à traduire les exigences d’une réglementation nationale en une technologie apte à un passage à l’échelle international. Cette étape entraîne des risques qui qu’on découvre chemin faisant.

Les défis de l’internationalisation

Lors du processus d’internationalisation d’une fintech, il faut évaluer ses ressources pour soutenir l’adaptation et l’évolution d’une offre, en accord avec la réglementation en vigueur. Cela mobilise un budget marketing, potentiellement des intégrations avec des partenaires locaux, des efforts d’adaptation technologiques, d’où découleront des délais de négociation des contrats, avec des retards et des coûts imprévus.

Aussi, les startuppeurs tendent à commettre une autre erreur d’évaluation, à savoir imaginer que la stratégie d’acquisition des clients sera la même sur tous les marchés. Rien n’est moins vrai dans le B2B !
Dans le B2B, les habitudes administratives locales ont la peau dure, tant en matière de gestion, de processus, de gouvernance d’entreprise que culturellement. Une stratégie marketing et sales efficace en France ne le sera pas forcément en Allemagne, et ainsi de suite. De plus, les parts de marché qui peuvent être abordées varient beaucoup en fonction de la maturité entrepreneuriale du pays : la sophistication d’un produit et la capacité de ses potentiels clients à en comprendre les bénéfices en circonscriront la volumétrie.

Il faut donc se poser la question suivante : “les canaux de vente et la communication actuels sont-ils adaptés au nouveau marché sur lequel je développe mon entreprise ?” Lors de la définition du budget d’internationalisation, il sera nécessaire de remettre en question ses certitudes sur ce qui a fonctionné sur son marché national, en incluant un budget pour l’expérimentation. Ce dernier permettra d’identifier des méthodes et des canaux nationaux plus performants qu’initialement envisagés.
Enfin, il convient de faire une remarque sur la traduction dans les langues locales. Comme pour les canaux marketing et de vente, l’adaptation de ses messages clés se heurtera également à la traduction des concepts dans différentes langues, qui, selon le pays, peuvent perdre en efficacité (par exemple, dans les pays anglo-saxons, le langage utilisé est informel et direct, en France, il tend à être soutenu, en Italie, il doit être informel dans l’interface client, mais soutenu dans les communications…)
Or, la communication sous toutes ses formes revêt une importance cruciale pour les fintechs, car elle porte leurs enjeux de lead generation, de relations investisseurs, réputationnels et de visibilité. L’aspect linguistique cache des automatismes culturels plus ancrés, qui même à l’heure de la mondialisation, persistent.
La connaissance des différences entre les marchés est donc nécessaire à la planification d’une stratégie d’internationalisation efficace. Elle permet de déterminer des budgets réalistes et apporte de la solidité aux anticipations proposées lors de la recherche de capitaux.

Concevoir l’entreprise pour l’international dès sa création

Avoir conscience des enjeux et des défis énoncés dès la création d’une entreprise permet d’anticiper pour le long terme. En choisissant d’emblée de créer une structure et une offre susceptibles de s’adapter aux différents contextes commerciaux nationaux, en ayant clairement défini le marché européen comme cœur de cible, une entreprise édifie un avantage concurrentiel sur la durée.
Ainsi, il convient d’identifier quels besoins sont les plus récurrents et les plus homogènes à l’international, puis dans un second temps, de vérifier leur utilité, leurs conditions de déploiement “sur le terrain”, dans chaque marché national.

Le volet réglementaire revêt une importance fondamentale car il détermine les choix pour le développement de nouvelles fonctionnalités et la feuille de route pour leur création. De surcroît, il faut miser sur le capital humain : des individualités expertes de leur marché national, pouvant entrer en relation avec clients et prospects, et portant à terme des objectifs qui seraient voués à l’échec sans cette compréhension culturelle.
Pour tout cela, la gestion d’une start-up à l’ADN international est un défi au quotidien qui requiert du temps et des ressources en interne.




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Olivier Binet, Directeur Général de FINOM
Après des études d'ingénierie et de psychologie aux Etats-Unis, Olivier débute dans le digital, aux Etats-Unis d’abord, puis en France à Cambridge Technology Partners. Il rejoint alors le groupe TF1 pour accompagner le lancement des activités de e-Commerce en France et en Turquie. Après un MBA à HEC, Olivier intègre PayPal en tant que Chef de l’Innovation pour l’Europe Continentale, puis évolue au poste de Chef du développement commercial en France. Olivier se concentre alors sur l’accompagnement à la transition numérique des entreprises et la monétisation de leurs stratégies multicanales. A l’été 2014, InPost, le leader mondial des consignes automatisées consacrées au e-Commerce, décide de s’étendre en France et demande à Olivier de créer et de diriger l’équipe. En décembre 2017, après le rachat d’InPost et de The Integer Group par Advent International, Olivier est nommé Chef pour les Marchés Internationaux, en charge de toutes les unités extérieures à la Pologne