Sorte d’hybride entre l’entreprise, le fonds d’investissement et une structure d’accompagnement type incubateur, les start-up studios ont été créés afin de proposer un accompagnement complet de projets entrepreneuriaux et ce, à des stades parfois peu avancés, c’est-à-dire préalablement à l’amorçage.

Ne correspondant à aucun concept juridique propre, le terme « start-up studio » va recouvrir en pratique différentes réalités, mais d’une façon générale, ces entités ont pour vocation, comme le ferait un business angel, de créer et favoriser le développement de start-ups par un apport d’abord de capital humain (ressources, réseau…), mais également de moyens financiers. Signe de leur succès grandissant, il existait plus de 200 start-up studios en mai 2019[1].

Parmi les différentes formes de start-up studios, c’est celle proposant un investissement au capital des start-ups qui va retenir ici notre attention.
Voici donc quelques conseils pour bien structurer son start-up studio, tant d’un point de vue juridique qu’au regard de la réglementation financière applicable.

Un cadre juridique très inspiré des pratiques des fonds de capital-investissement

La plupart des start-up studios est constituée sous la forme d’une société par actions simplifiée (SAS) qui a vocation à investir au sein de plusieurs start-ups, elles-mêmes bien souvent préexistant sous forme de SAS. Les relations entre le start-up studio et les fondateurs de la start-up accélérée sont alors déterminées dans les statuts de cette dernière, le plus souvent accompagnés d’un pacte d’associés.
Les start-up studios s’inspirent des pratiques du capital investissement (ou private equity) classiques, avec plus ou moins de pertinence[2]. Ainsi, les clauses que l’on rencontre habituellement servent à protéger les intérêts de cet investisseur stratégique en lui octroyant des droits particuliers.
Outre une procédure d’agrément des cessions ou un droit de préemption, visant à verrouiller le capital, voire des obligations d’exclusivité, de non concurrence et non-débauchage, mises à la charge des fondateurs afin de protéger le business de la start-up financée, les start-up studios bénéficient de droits d’information renforcés, voire de droits de véto sur les décisions importantes[3] ou encore se voient assurer la liquidité de leur participation[4].

Par ailleurs, à l’occasion de la rédaction des statuts du start-up studio, se pose souvent la question d’un intéressement des équipes du start-up studio aux performances des entreprises accélérées.

Dans les fonds de capital-investissement, il est souvent exigé des gérants qu’ils investissent avec leurs moyens propres dans le fonds aux côtés des investisseurs. Cet investissement du gestionnaire lui donne droit à une partie de la plus-value réalisée par le fonds pouvant atteindre 20% en général, pour autant qu’un seuil de rentabilité minimum soit atteint (on parle alors de hurdle)[5].

Inspirés par cette pratique, les start-up studios cherchent parfois à mettre en place des ersatz de carried interest sous forme d’un droit à un dividende prioritaire et/ou d’un droit de préférence sur le boni de liquidation[6]. Toutefois, le recours à ce type de schémas de rémunération constitue un indice pouvant permettre une requalification du start-up studio en fonds d’investissement régulé.

Un risque de qualification réglementaire pouvant avoir des conséquences catastrophiques insoupçonnées

Dans la mesure où de nombreux éléments juridiques sont inspirés du mode de fonctionnement des fonds de capital-investissement classiques, il convient d’évoquer le cadre réglementaire de ces start-up studios qui investissent au capital des sociétés qu’ils accompagnent.
Sans que leurs fondateurs n’en aient véritablement conscience, les start-up studios encourent une requalification en fonds d’investissement alternatif (FIA) tel que défini par la directive européenne 2011/61/UE dite « AIFM » qui encadre strictement l’activité de gestion de tout véhicule de placement créé en vue d’assurer une « politique d’investissement » prédéfinie.

La directive AIFM impose en effet des contraintes en matière de véhicules d’investissement s’appliquant à tous les FIA. A ce titre, toute forme de véhicule, par lequel plusieurs investisseurs procèdent ensemble à des investissements dont ils confient la gestion à un tiers sans garder la prise de décision d’investissement ou de désinvestissement sur les actifs de la société recueillant les souscriptions, est un FIA régulé devant notamment être géré par une société de gestion agréée par l’Autorité des marchés financiers et placé sous le contrôle d’un dépositaire[7].

Une telle qualification induit pour le start-up studio des prérequis en termes de capitalisation et des coûts de fonctionnement amplement supérieurs. Aussi, afin que le start-up studio puisse conserver un cadre non régulé et, par voie de conséquence, tous ses attraits tant économiques, qu’en termes d’accompagnement pour l’écosystème des start-ups, il devra :

  • Disposer d’une gouvernance permettant à ses associés de disposer d’un droit de regard sur les investissements réalisés par le start-up studio, ce qui impliquera que les choix des cibles ne sont pas guidés par une politique d’investissement prédéfinie ;
  • Être une entreprise opérationnelle exerçant une activité commerciale, telle que la fourniture de services non financiers ; en l’espèce, cette condition sera respectée dès lors que le start-up studio fournira des services de conseil (dans le domaine du développement commercial, par exemple) aux start-up accélérées.

Conclusion

Grâce aux performances des start-ups accélérées et financées, les start-ups studios attirent une attention toujours plus grande des groupes technologiques, mais également des  grandes écoles qui y voient une opportunité de promouvoir leur marque, tout en finançant les projets de leurs alumni. Toutefois, malgré cet attrait évident pour l’écosystème, l’établissement de ce type d’entité présente des chausse-trappes réglementaires et des spécificités juridiques qu’il convient de bien maîtriser, afin d’éviter une requalification qui ne serait pas souhaitable au regard du business model des start-up studios.

[1] Selon une étude de la société lilloise Sparkling Partners, elle-même start-up studio de son état.
[2] Le recours à certaines clauses très contraignantes pour les fondateurs paraît en pratique disproportionné.
[3] Soit en assemblée, soit dans le cadre d’un organe ad hoc type comité stratégique.
[4] Par l’octroi d’un droit de sortie conjointe dit tag along, voire, plus rarement, d’un droit de retrait.
[5] Définition extraite du lexique de France Invest https://www.franceinvest.eu/lexique
[6] Conformément aux dispositions des articles L. 228-15 et L.225-147 du Code de commerce, la mise en place d’un dividende ou d’un droit de préférence sur le boni de liquidation, sous forme de clause statutaire ou d’actions de préférence, en cours de vie sociale, donnera lieu à l’intervention d’un commissaire chargé de vérifier les avantages particuliers.
[7] « Guide des mesures de modernisation apportées aux placements collectifs français » de l’AMF du 12 juillet 2013 et « Position du 30 octobre 2013 sur les notions essentielles contenues dans la directive sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs » et publications de l’ESMA.