La mise en place d’un nouveau processus ou outil au sein d’une entreprise est par nature transverse, impliquant de nombreux services et fonctions. Un tel projet va entraîner des refontes de procédures plus ou moins profondes, transformer les habitudes de travail et impliquer de nouveaux gestes quotidiens.

C’est la raison pour laquelle aucun grand projet ne peut être voué au succès s’il n’a pas recours à une conduite du changement visant à impliquer le plus en amont possible les parties prenantes au sein de l’entreprise et à les accompagner dans l’adoption et la maîtrise du nouvel processus ou outil. Si de nombreuses entreprises l’ont compris, il est important d’insister sur 3 dimensions pas toujours bien appréhendées, parfois minimisées, mais qui conditionnent largement la réussite du projet.

1 – La conduite du changement, c’est dès le début du projet !

On voit encore trop souvent apparaître la conduite du changement à la toute fin des projets, une fois que toute la partie fonctionnelle est calée et prête à être déployée. Elle se résume alors peu ou prou à un plan de formation, ce qui est certes indispensable mais qui revient à mettre les salariés devant le fait accompli : voilà le nouveau processus, on ne peut plus rien y changer. Mettre en place un changement de cette manière risque de susciter plus de résistances que de réactions enthousiastes.
Les méthodologies de gestion de projet « agiles » limitent considérablement ce risque en plaçant les utilisateurs finaux et leurs besoins concrets au cœur du processus dès le début du projet. Comme il est matériellement impossible d’associer la totalité des parties prenantes à toutes les étapes, le dispositif préconisé consiste à mettre en place dès le début un product owner (PO), idéalement un opérationnel qui représente ceux qui seront les plus impactés par le projet. Un groupe de « key users », les utilisateurs représentatifs de la diversité de la population impactée par le projet en termes de métiers, de zones géographiques, et d’ancienneté, est aussi essentiel.
Quelle que soit leur ancienneté, tous les membres du groupe utilisateurs jouent, dès le début et tout au long du projet, un rôle décisif dans la conduite du changement – celui d’ambassadeur auprès des autres collaborateurs. Comment ? En les informant au fur et à mesure de l’avancement du projet, en remontant à l’équipe projet les réactions et les craintes éventuelles du terrain, en contribuant à la définition du plan de formation et en étant eux-mêmes des relais de formation et de support une fois le projet abouti.
Point souvent oublié : pour jouer pleinement leur rôle, les « key users » doivent être déchargés d’une partie de leurs tâches opérationnelles, y compris après la mise en œuvre du projet si l’on veut qu’ils restent des interlocuteurs de référence pour le reste de l’entreprise.

2 – Mettre en avant la création de valeur pour les collaborateurs

Avant d’adhérer à un nouvel outil ou processus métier, les salariés se posent inévitablement la question : concrètement, quels sont les changements qui vont avoir un impact sur leur quotidien, au niveau de leur charge de travail, de leurs horaires, de leurs KPI…
Un des objectifs de la phase de cadrage est précisément d’identifier les changements majeurs attendus du projet et de les décliner en bénéfices concrets pour les différentes catégories de parties prenantes. Prenons un exemple concret pour illustrer ce sujet, comme la mise en œuvre d’une nouvelle solution de field service management. Si l’entreprise passe de plusieurs outils à une solution de field service management intégrée, les techniciens de terrain n’auront plus besoin de jongler entre plusieurs applications sur leur terminal mobile pour consulter leur planning et notifier un client. En outre, les planificateurs apprécieront pour leur part que les contraintes RH individuelles soient pré-intégrées dans la solution et automatiquement prises en compte dans le remplissage des plannings.
En appliquant strictement les principes « agiles », tout devient ainsi plus facile parce que la règle est de partir des besoins formulés par les utilisateurs en termes positifs : gagner du temps, rationaliser les tâches, avoir des plannings plus réalistes. Tous les besoins ne pourront sans doute pas être satisfaits, mais ils auront le mérite d’être abordés, arbitrés et priorisés de manière transparente et argumentée, à l’aune de l’économie générale du projet et des éventuelles contraintes liées aux processus et outils existants.

3 – Un chantier « données » à part entière

Dès lors que les entreprises se modernisent, elles disposent d’une quantité importante de données qu’elles peuvent alors exploiter. Chaque nouveau processus ou outil doit se nourrir de données, et sa valeur ajoutée est directement dépendante de la disponibilité et de la qualité de ces données. C’est pourquoi un projet bien mené comporte en réalité deux chantiers qui doivent être conduits en parallèle : un chantier fonctionnel et un chantier dédié aux données. Ne pas travailler sur les données, faire l’impasse sur le nettoyage et l’assainissement des différents référentiels qui alimentent le nouveau projet, revient à se mettre dans l’incapacité de tenir les promesses d’amélioration faites aux collaborateurs et donc les décevoir.
Reprenons l’exemple du projet de la mise en œuvre d’un nouvel outil de field service management : si les techniciens interviennent dans la grande distribution et chez les commerçants, les horaires d’ouverture de chaque magasin, petit ou grand, sont des données indispensables pour l’organisation des plannings et des tournées. Si ces données sont inexactes ou incomplètes, les premières tournées calculées par le nouvel outil risquent d’être chaotiques. Pour pouvoir envoyer automatiquement des avis de passage aux clients, encore faut-il savoir à qui les envoyer : où sont les adresses e-mail, sont-elles valides, est-ce que ce sont celles des bons interlocuteurs pour le technicien ?
Le point de départ du chantier « données » du projet consiste à lister et à localiser l’ensemble des sources de données sur lesquelles le nouveau processus prendra appui. Pour être efficace, cette démarche doit être adoptée avant même de sélectionner un nouveau processus ou de signer le contrat pour un nouvel outil. Un projet ne peut aboutir sans la récolte de données de qualité, accessibles à l’ensemble des parties prenantes.
Il faut ensuite mettre en place un plan d’action et un calendrier d’assainissement de ces différentes catégories de données. Ce calendrier doit évidemment être compatible avec celui de la partie fonctionnelle. Le plan d’action « données » doit en outre préciser les normes de qualité à respecter, qui est responsable de l’assainissement des différents référentiels et les procédures visant à maintenir la qualité de données dans la durée.
Ces trois dimensions sont clés pour atteindre l’objectif de tout projet : livrer aux salariés une solution à laquelle ils adhérent et qu’ils adoptent parce qu’elle leur apporte une valeur ajoutée tangible au quotidien.