« Un échec questionné est souvent plus riche qu’un succès non questionné » Charles Pepin

Les limites de la culture de l’excellence en France

Les évolutions que traversent les entreprises sont fréquentes, quasiment permanentes, et de plus en plus rapides. La digitalisation bouleverse les habitudes de consommation, de communication, de comportements et les modes de travail. Aujourd’hui, une seule constante : le changement. De nouvelles compétences apparaissent donc comme nécessaires pour évoluer dans un monde qualifié de VICA (volatile, incertain, complexe et ambigu) : capacité à décider rapidement, dans l’incertitude, besoin d’adaptation, réactivité, agilité, résilience, pour surmonter les épreuves et rebondir après une transformation, une réorganisation, une fusion, etc.
Les modèles d’entreprise en France sont encore fortement orientés vers la culture de l’excellence, la performance, la conformité, laissant peu de place au droit à l’erreur tout en entretenant un rapport négatif et tabou avec celle-ci. L’habitude est à pointer du doigt ce qui ne va pas, plutôt que ce qui va bien, à évoquer les trains en retard plutôt que les milliers partis à l’heure. La tendance est à la culpabilisation de celui qui n’a pas été à la hauteur, à l’école comme à la maison ou dans l’entreprise, en assimilant parfois l’échec d’un projet à celui d’une personne. Ce qui a pour conséquence directe de reléguer cette personne au rang d’enfant, dans un rapport inégal avec l’enseignant, le parent, le manager, qui va contrôler et sanctionner.

L’erreur, une source d’apprentissage et d’innovation

Comment se comporter alors en adulte responsable et force de proposition dans une société qui laisse peu ou pas de marge à l’erreur ? Dans les pays anglo-saxons, on parle de « fail fast », l’erreur étant considérée comme une source d’apprentissage, d’innovation, de découverte et d’avancée. Valorisé voire encouragé, celui qui a rencontré un ou plusieurs échecs est une personne qui a osé, essayé et va tirer des leçons de ses expériences, et rebondir pour mieux réussir. Les parcours non linéaires sont parfois spécifiquement recherchés, car riches et variés.

Les starts-up plébiscitent le test and learn

Quelles sont les conséquences d’un système et d’un état d’esprit français trop négatif vis-à-vis de l’échec ? Quels impacts sur les personnes ? Sur les projets ? Sur la performance ? Tout d’abord, cela inhibe la prise de risque, l’initiative et par là-même, le processus d’innovation. C’est donc un frein dans tout projet de transformation, qui requiert par définition une capacité à changer (de culture, comportement, méthode de travail). Comment oser sortir du cadre lorsque l’on a peur d’échouer ? Les starts-up l’ont bien compris et plébiscitent le test and learn. Des entreprises plus installées s’inspirent de ces modèles, à l’image d’Air France ou de Lego, qui intègrent et valorisent dans leur système d’évaluation les erreurs commises par les collaborateurs, comme autant de preuves d’audace et de créativité.

Le feedback positif aussi important que le négatif

Paradoxalement, bien que recherché, le succès est malheureusement banalisé. Il est trop souvent considéré comme normal d’atteindre ses objectifs, voire de les dépasser, et donc de voir cela passé sous silence. Or la non valorisation d’une réussite peut être à juste titre perçue par le collaborateur comme un manque de reconnaissance, avec un impact direct sur sa motivation. C’est également le priver de repères, lui retirer l’opportunité de reproduire dans le futur ce qui fonctionne bien. Cela remet en question la notion même d’objectif. Le feedback positif, souvent oublié, est pourtant tout aussi important que le négatif / constructif. Faire ce type de retours, de manière spontanée et régulière, est d’autant plus important si vous managez des millénials, biberonnés dès leur plus jeune âge à la reconnaissance par les parents et de manière exponentielle par les réseaux sociaux.
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Le Like, telle une drogue, devient addictif

C’est la course, voire la surenchère à celui qui en obtiendra le plus, sera le plus suivi et remontera dans les fils d’actualités. Alors, quand ces jeunes franchissent le seuil de l’entreprise, ils attendent de la même manière des feedbacks continus sur leur travail et ne comprennent pas qu’il puisse en être autrement. Le feedback et la reconnaissance du travail accompli, du résultat obtenu apparaissent donc comme un levier incontournable de rétention des talents. Si encourager à poursuivre les efforts est important, la pression exercée est parfois trop forte pour celui qui la reçoit, comme une injonction de devoir faire toujours plus, toujours mieux. Celui à qui tout réussi a souvent encore plus peur de ne pas être à la hauteur des attentes, et l’échec n’en sera que plus retentissant et difficile à surmonter. C’est l’exemple du joueur de tennis Richard Gasquet, qui a connu dans sa jeunesse très peu voire pas d’échecs et a eu du mal à surmonter ses premiers revers… contrairement à son adversaire, Rafaël Nadal qui très tôt s’est confronté à la défaite (notamment face à Gasquet) et a su en tirer profit, en se focalisant sur ses axes de développement.
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Accompagner celui qui échoue comme celui qui réussit  

Accompagner des personnes qui réussissent est donc tout aussi périlleux. C’est les encourager à essayer de nouvelles pratiques, de nouvelles méthodes, et ainsi à sortir de leur zone de confort, en les responsabilisant. Pour ce qui est des équipes qui évoluent dans un environnement sain, en croissance, l’accompagnement au changement est tout aussi utile. Une entreprise qui grandit doit relever de nouveaux défis, viser d’autres marchés, se transformer parfois en profondeur dans sa culture, son état d’esprit, ses modes de fonctionnement internes et ses relations avec l’extérieur pour atteindre son ambition. Cela peut se faire seulement avec l’adhésion, la responsabilisation et l’engagement de chacun, et en premier lieu venant des équipes dirigeantes et de la ligne managériale. Make things Happen !

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