Selon un nouveau décret* du 1er juillet, les entreprises vont désormais pouvoir limiter ou interdire la consommation de toute boisson alcoolisée en leur sein (y compris la bière, le cidre et le poiré qui étaient auparavant autorisés) par le biais de leur règlement intérieur ou par simple note de service « lorsque la consommation de boissons alcoolisées » est « susceptible de porter atteinte à la sécurité et la santé physique et mentale des travailleurs ». Ce texte induit de fait une responsabilité accrue de l’employeur qui se retrouve seul responsable en cas de problème consécutif à la consommation d’alcool d’un de ses employés, estime l’avocat Eric Rocheblave, spécialiste du droit du travail. Explications.

Les causes du décret : ivresses en augmentation chez les actifs

Les objectifs de ce texte sont précisés dans la partie préliminaire du décret : l’idée est de “donner aux employeurs les moyens d’assumer l’obligation de sécurité de résultat qui leur incombe en matière de préservation de la santé et de la sécurité des travailleurs, et de prévenir tout risque d’accident dans un contexte où, d’une part, l’alcool est la substance psychoactive la plus consommée et les consommations ponctuelles importantes ainsi que les ivresses déclarées en augmentation parmi les actifs, et où, d’autre part, la responsabilité civile et pénale des employeurs est particulièrement engagée”.

Selon le baromètre Santé de l’Inpes, 16% des actifs déclarent consommer de l’alcool sur leur lieu de travail en dehors des repas et des pots entre collègues et 9,3% des consommateurs d’alcool déclarent avoir augmenté leurs consommations d’alcool du fait de problèmes liés au travail. Rappelons que le chef d’entreprise a le devoir d’interdire l’entrée et le séjour dans l’entreprise de toute personne en état d’ivresse, sous peine d’amende de 3750 euros appliquée autant de fois qu’il y a de salariés ivres dans l’entreprise.

Le nouveau texte

Le nouvel alinéa stipule que “l’employeur, en application de l’article L. 4121-1 du code du travail, prévoit dans le règlement intérieur ou, à défaut, par note de service, les mesures permettant de protéger la santé et la sécurité des travailleurs et de prévenir tout risque d’accident. Ces mesures, qui peuvent notamment prendre la forme d’une limitation voire d’une interdiction de cette consommation, doivent être proportionnées au but recherché”. Ces mesures concernent maintenant le vin, la bière, le cidre et le poiré, et sont édictées dans un objectif de prévention.

L’employeur seul responsable en cas de problème

Pour l’avocat Eric Rocheblave, interviewé dans Le Nouvel Observateur, il ne s’agit ni plus ni moins d’un “piège pour les employeurs”. Selon lui, “avec cet alinéa, l’employeur se retrouve seul responsable en cas de problème consécutif à la consommation d’alcool d’un de ses employés. C’est donc à lui qu’il incombe de déterminer à partir de combien de bières ou de verres de vin la sécurité de ses employés est menacée. Or cela ne s’inscrit pas vraiment dans ses compétences…”. Il vaudrait mieux, selon lui, que le législateur interdise formellement la consommation d’alcool au travail s’il estime qu’elle est dangereuse.

Quelles mesures prendre ?

Il y a bien sûr une différence entre les pots au bureau qui restent exceptionnels (pour fêter une arrivée, un départ, une retraite) et font partie de la vie d’une entreprise et des addictions constatées. Dans ce cas, plutôt que des interdictions, des actions préventives peuvent être menées pour combattre l’alcool au bureau. Voir à ce sujet les articles de deux de nos contributeurs experts : Stéphanie Diallo-Morin – Comment combattre l’alcool au bureau et Olivier Ardalhon de Miramon – Une bouteille d’alcool dissimulée dans le tiroir du bureau

* Décret du 1er juillet 2014 paru le 3 juillet au JO.