Le CV falsifié du Directeur
de l’aéroport de Limoges

Pour autant, certaines impostures ont défrayé la chronique – notamment celle du faux directeur de l’aéroport de Limoges qui a réussi à accéder à ce poste en 2011 avec un CV entièrement falsifié.
Une prétendue expérience d’ancien pilote de chasse, la mention d’un faux diplôme d’aéronautique avait réussi à tromper son employeur. Il a fini par être démasqué sur délation de son ancienne compagne trois mois après sa prise de poste, puis condamné à deux ans de prison dont un avec sursis par le tribunal correctionnel de Limoges pour escroquerie. Une autre imposture a marqué les esprits, celle du faussaire qui s’est fait embaucher dans une entreprise en prétendant avoir le BAC alors qu’il ne l’avait pas, allant même jusqu’à produire un faux diplôme. Ce dernier s’est ensuite présenté comme candidat aux élections professionnelles pour tenter d’obtenir une protection afin que l’employeur, qui avait fini par découvrir la supercherie, ne puisse pas le licencier. Il n’a heureusement pas été suivi par les juridictions administratives qui lui ont refusé la protection des représentants du personnel (Cour administrative d’appel PARIS Chambre 3, 28 Juillet 1998 N° 96PA02899).
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Mentir sur un diplôme
n’est pas une faute grave

Pendant longtemps, les Prud’hommes se sont montrés assez cléments à l’égard du salarié qui avait « maquillé son CV ». La Chambre sociale de la Cour de cassation a par exemple considéré que le fait pour un salarié d’avoir menti à l’embauche sur ses diplômes ne constituait pas une faute grave, dès lors que l’employeur n’a pas procédé à la vérification du curriculum vitae. Ou encore, le fait de ne pas justifier du diplôme invoqué pour obtenir le poste n’autorise pas l’employeur à rompre le contrat, sauf à démontrer que l’intéressé n’a pas les compétences effectives pour exercer les fonctions confiées (Cass. Soc. 30 mars 1999 n° 96-42912). Face à cette situation, de plus en plus d’entreprises procèdent désormais à la vérification des diplômes et des expériences professionnelles figurant sur les CV des candidats. Cette vérification intervient généralement au stade du choix final entre les derniers candidats encore en lice pour un poste.  Cette pratique est courante dans les pays Anglo-saxons, où il existe des entreprises en charge de procéder à ces vérifications en s’assurant du diplôme obtenu auprès de l’université dont le candidat se prétend diplômé ou en appelant l’entreprise où le candidat indique avoir travaillé plusieurs années. Mais après tout pourquoi procéder à de telles vérifications ?

S’assurer de l’aptitude
du candidat à occuper le poste

L’article L.1222-2 du Code du travail précise que les informations demandées à un salarié dans le cadre d’une embauche ne peuvent avoir comme finalité que d’apprécier ses aptitudes professionnelles. Ces informations doivent présenter un lien direct et nécessaire avec l’évaluation de ses aptitudes. Mais ce texte précise également que « Le salarié est tenu de répondre de bonne foi à ces demandes d’informations ».  Il est donc naturel que l’employeur puisse vérifier que les informations données par le candidat lors de son embauche sont vraies afin qu’il puisse tenir correctement le poste pour lequel il est embauché. En effet, l’employeur ne sera pas tenu d’assurer la formation du candidat qui a mentionné dans son CV une compétence professionnelle qu’il ne possède pas en réalité (Cass. soc. 31 janvier 2006 n° 05-42.130 Codega c/ Sté Neon RG enseignes picardes). Dans cette affaire, le salarié avait prétendu maitriser l’utilisation de logiciels informatiques alors que ce n’était pas le cas.
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Eviter les aléas d’un licenciement

Face à un imposteur, le licenciement ne va pas de soi.  L’employeur aura intérêt à soulever la nullité du contrat de travail sur le fondement du dol (ie tromperie en matière judiciaire), plutôt que de licencier le salarié sur un motif disciplinaire reposant sur l’utilisation d’un faux CV ou sur un motif d’insuffisance professionnelle sauf à ce que le salarié soit dans l’impossibilité totale d’assumer le poste pour lequel il a été embauché. Les juges ont ainsi pu retenir le dol pour un professeur d’espagnol qui avait prétendu être titulaire d’une maîtrise d’espagnol dans son CV alors qu’il en était dépourvu, la Cour d’appel a considéré « que ce mensonge, accompagné d’une présentation favorable des résultats au CAPES a influencé l’employeur dans sa décision d’embauche ». La Cour en a naturellement conclu au dol et donc à la nullité du contrat. Cependant, pour conduire à la nullité du contrat de travail, l’employeur devra établir que le dol du salarié porte sur des éléments essentiels qui ont été déterminants lors de son embauche.

De la difficulté de prouver
le caractère essentiel de la dissimulation

Or, cette appréciation est entièrement soumise au juge. Ainsi il n’y a par exemple pas dol si une salariée fait figurer dans son curriculum vitae la mention « 1993 – assistance de la responsable de formation, Renault», alors qu’en réalité il s’agit d’un stage de formation de 4 mois à la direction des études de Renault dans le service formation linguistique. L’employeur fait valoir que la relation salariale ne se serait jamais nouée s’il est apparu qu’au lieu de bénéficier d’une expérience professionnelle d’une année au sein d’une société importante à un poste d’assistante de la responsable de formation, l’intéressée n’a eu en fait qu’une expérience professionnelle de 4 mois au titre d’un stage en formation. La Cour d’appel l’a rejoint sur ce point et a annulé le contrat de travail pour dol. La Cour de cassation a eu une appréciation plus raide de la situation en considérant que si la référence était imprécise et susceptible d’une interprétation erronée, elle n’était pas pour autant constitutive d’une manœuvre frauduleuse (Cass. soc. 16 février 1999, n° 853 P, Bentenat c/ Institut interprofessionnel de formation pour l’industrie et le commerce (IFPIC).  Face à cet aléa judiciaire portant sur le caractère essentiel ou pas de la dissimulation, le plus sage reste donc de procéder en amont à une vérification des références indiquées sur le CV.
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